L’islam face à l’occident

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       Tahar GaïdPar Tahar Gaid

Cet article, non exhaustif, s’adresse plus particulièrement à ces occidentaux qui ont des préjugés sur l’Islam. Nous commencerons à exposer sévèrement la pauvreté de la pensée islamique, ce qui n’est un mystère pour personne. Nous voulons être sincère et comme le dit le proverbe, il est inutile de cacher le soleil avec un tamis. Cependant, attaquer l’Islam à ce sujet, relève soit de l’ignorance soit d’une attitude arrogante, contraire au respect de l’autre. Pour ôter toute considération subjective, nous expliquerons, sans entrer dans les détails, ce qu’est le Coran. Nous illustrerons notre propos par quelques exemples telle la polygamie. Enfin, nous finaliserons l’article en comparant deux concepts : l’amour et la miséricorde. Si le premier terme est connu par ceux qui pratiquent la religion catholique, le second n’a jamais attiré les curieux.
La pauvreté de la pensée islamique
Une religion qui se renouvelle, vivifie la pensée et la purifie en la débarrassant des écrous qui lui fermaient les portes de l’avenir. Il se trouve que le Coran, révélée par Dieu, porte en lui les clefs de cette maturation qui transporte les idées d’une génération à une autre, d’une époque de spiritualité et de mysticisme à une autre. Il doit cependant déraciner certaines habitudes de certains comportements aussi bien sur le plan de la métaphysique que sur le domaine politico-social. Cependant, bien qu’il élargit l’horizon de la perception à l’intelligence humaine et agrandit les possibilités d’acquisitions matérielles à l’épanouissement du corps, cette marche en avant ne se produit pas sans douleur, et sans se heurter à des forces humaines qui s’opposent au sens de l’universalité. C’est dans ce milieu hostile que la révélation descendait graduellement, fragments par fragments, bousculant des habitudes ancestrales.  Le Coran était venu, porteur du monothéisme incompatible avec les croyances aux multiples divinités, et d’une méthode rationnelle contraire aux réflexions pragmatiques. Il occupa, avec beaucoup de peine et de souffrance mais d’une manière fermes et décisive, l’espace des incantations magiques et des conceptions animistes. Il fit sortir la pensée arabe de son désert culturel, lui fraya la voie de l’universel pour l’habiller d’une pensée islamique humaine et aux multiples rayonnements.
Le coran était porteur de renouveau, de changement, de progrès. C’était dans cette perspective évolutive qu’il atténua, pour un temps, l’esprit tribal, aussi sectaire que vindicatif, pour céder momentanément sa place où il exerçait son autorité du haut de son trône millénaire, sur la communauté mohammadienne. Celle-ci annonçait régulièrement sa présence et son avancée triomphale du haut des minarets où des voix humaines modulant cinq fois par jour l’appel à la prière, appel au monothéisme pur et transcendant. Elle véhiculait à travers les continents, consciente de l’union et de la cohérence de ses membres, ses idéaux de justice entre les hommes, d’égalité entre les peuples et de fraternité entre les nations. Elle était toujours accompagnée du Coran qui la guidait dans le sens d’une évolution permanente. Elle foulait divers sols, et devant elle, flottait inlassablement l’emblème du commandement du convenable et de l’interdiction du blâmable : al-amru bi-l-ma’rûf wa anyu ‘ani-l-munkari. Certes, ces deux impératifs ne furent pas toujours respectés à travers les siècles et n’animaient pas régulièrement les sentiments des dirigeants qui ne se gênaient pas parfois de leur substituer l’arrogance verbale et la torture physique, comme mode de gouvernement sociétal. Par contre, l’esprit de la choura s’évapora, à jamais, dans les airs depuis l’avènement de Mu’awiya.
Les Arabes et après eux tous ceux qui se hissèrent au sommet de l’autorité califale apportèrent la preuve irréfutable de l’inexistence d’une communauté parfaite. Cet idéal a vécu un moment, à l’époque du Prophète (p/p) et des quatre premiers califes, mais avec, en moins, le népotisme de ‘Uthmân, et s’était dépouillé de ses vertus lors de son cheminement le long des nuits de décrépitude de la pensée et de la dégradation des mode de vie. La pensée islamique, si florissante lors de sa naissance et de son âge adulte, vivait ses moments de décadence. La chute était d’autant plus terrible et plus brutale qu’elle accéléra sa dégringolade des hautes cimes qu’elle avait atteintes. Elle avait pourtant la force de se ressaisir en s’appuyant sur des deux béquilles, à savoir le Coran et la Sunnah mais elle ne trouve pas encore, à ce jour, de solides épaules humaines pour la soutenir malgré quelques timides et momentanées tentatives avec le chaykh ‘Abdou et Djamal ad-Dîn al-Afghânî. Ce n’est pas aujourd’hui la rigidité du Wahhabisme qui prône un islam « pur et dur », ni la crédulité du salafisme qui, au lieu de regarder la route qui sillonne vers la contemporanéité, jette des regards abattus vers ce passé lointain où vivaient le Messager de Dieu et ses Compagnons. Ce n’est pas non nul le libertinage intellectuel de ces destructeurs actuels de l’Islâm, qui se présentent en réformateurs, multipliant leurs assauts dévastateur et fortement aidés par la presse occidentale, orale et écrite.
Il existe un phénomène étrange, celui vécu par un pays comme l’Algérie qui a donné des empereurs et des papes à l’humanité monothéiste, qui croule sur des richesses tels que le pétrole et des gisements d’or au Sahara et dont les fils ont résisté aux armes sophistiquées de l’Otan, mais qui n’arrive pas à décoller de son terrain du sous-développement parce que l’argent qui doit faire fermenter la culture, irriguer les laboratoires de la recherche scientifique, perd la voie de la raison et de la mesure et va camper dans les banques étrangères à la suite de la corruption de ceux qui, au sommet de l’Etat et dans les rouages des sociétés d’Etat, sont sensés être les levains du développement social, les agents actifs de l’éclosion de cerveaux inventifs et de l’émergence de   formateurs d’hommes sensés et rationnels à tous les niveaux de la pyramide des âges. C’est ainsi que l’idéal du progrès a été chassé par le système de la corruption qui a contaminé profondément la conscience individuelle, a souillé la mémoire des martyres. En perdant le chemin du progrès et celui de l’éthique, la société algérienne a redécouvert les vertus de la spiritualité islamique mais en les polluant d’implants pas tout a fait compatibles avec les racines de l’histoire de la révélation. C’est ainsi que le pays, au seuil de la modernité, se trouve confronté à un hydre culturel et cultuel, connu sous le nom d’une pensée politique creuse et vaseuse, parce qu’en vérité, elle n’a ni la queue d’un animal, ni la tête d’un humain raisonnable. En d’autres termes, elle n’a pas d’existence pour lui donner un nom.
Contrairement aux bêtises humaines énoncées par certains «malades » intellectuels, ce n’est pas l’Islâm de la révélation qui est malade mais leur pensée et encore moins le Coran. Il en est ainsi d’ailleurs de toutes les autres pensées qui viennent rendre leur dernier soupir dans le creuset de la pensée islamique « mère ». Les unes souffrent d’un tarissement chronique. Les autres sont atteintes du microbe de l’occidentalisation qui leur transmet l’image de l’Islam qu’à travers le miroir de la trahison intellectuelle. Elles ne veulent pas se soigner en prenant ce médicament étiqueté sous ce nom prestigieux, le Coran. Mais ce sont les premières pensées nommées qui nous intéressent et dont nous voulons parler.
Cette pensée est figée, insensible à son environnement. Elle ne se rend pas compte du mouvement des nouvelles idées qui gravitent autour d’elle. Elle est si myope qu’elle ne peut pas observer le comment des changements des modes de vie sociaux qui distancent de plus en plus le sien. Aussi, s’accroche-t-elle à leurs apparences extérieures et demeure ainsi tributaire de la productivité intellectuelle de ceux qui produisent et se renouvellent toujours en mieux. Les doctrines scientifiques, économiques et sociales s’accroissent et, malgré leur pesanteur, elles ne parviennent pas à l’émouvoir, comme si son corps était insensible aux bourrasques scientifiques qui transforment le monde, les sociétés, les hommes. La réflexion aux problèmes humains et au renouveau qui s’ensuit, est absente de son répertoire. Pourquoi réfléchir, raisonner et déduire quand on vit enfermés, cloîtrés dans la nostalgie de la vie communautaire médiévale. Pourquoi produire puisque son héritage est riche au point que ses penseurs ne faisaient que commenter des commentaires, comme s’ils gravissaient une pente glissante : aussi chaque fois qu’ils arrivaient au sommet, ils redescendaient en arrière, incapables de progresser et de grimper plus haut. C’est ainsi qu’ils se détournent des réalités objectives qui les assaillent, du sens même de l’histoire qui, pourtant, ne cesse pas de les interpeller. Ainsi, qu’importe si l’état de leur esprit des cdirgeants se dégrade puisque leur état social s’améliore honteusement chaque jour.
Les hommes de la réforme
Ces hommes pensent – ce qui est juste – que la pensée islamique est en crise. Elle est ankylosée car elle est bloquée par son attachement au ijtihad des siècles passés. C’est ainsi les docteurs de la loi (‘uléma) s’attachent encore à des doctrines inchangées sans tenir compte des changements historique et les évolutions politico-sociales d’ou le besoin et la nécessité de s’engager dans les réflexions sur la culture, la science et son corolaire la technologie et sur les sciences qui connaissent tous des bouleversements extraordinaires. Dès lors, nous sommes témoins d’une crise de la pensée de nature intellectuelle : c’est une crise de la société, des sciences humaines en constante évolution, de la science et son corolaire la technologie. Le malheur, c’est que certains n’envisagent aucune réforme, refuse la démocratie et d’une manière générale la liberté individuelle. D’autres ne voyons pas l’utile et l’agréable, aussi, ils fondent leurs opinions sur l’abandon des musulmans des valeurs fondatrices de l’islam et sur le retour à leurs normes habituelles. Ce regard vers le passé, pensent-ils, déclenchement le processus de l’état socio-économique qui végète depuis belle lurette. Par contre, après avoir condamner l’herméneutique classique, ils se penchent sur une nouvelle reformulation de l’herméneutique du Coran.
Ces mouvements réformateurs excluent l’orthodoxie et, de ce fait sont assurés que la potentialité de shari’an islamique laisse ouvertes ses portes aux changements et la création d’une pensée fondée sur la raison, la liberté et l’humanisme. Ils sont conscients du retard des communautés musulmanes. Le professeur Mohammad Arkoul déclare à sujet : « Le discours coranique laisse ses options ouvertes en raison de sa structure mythique comme les autres discours fondateurs, tandis que les constructions théologiques et juridique qui définissent des islams orthodoxes limitent les expansions humanistes de la pensée ». Ces réformateurs aussi lucides que clairvoyants dénoncent la persistance du taled (imitation aveugle) dans le domaine de l’enseignement religieux dominé par l’ostracisme. Cependant, ils se font les défenseurs de cause plutôt de résoudre, effectivement, un état donné. L’esprit philosophique impose le fait de ne pas surajouter ces entraves intrinsèquement, liés à l’homme, par d’autres entraves de caractère culturel transmis par la voie de l’héritage et du milieu, ainsi que le déclarent Mohammad Arkoun. Le Messager de Dieu a dit que  « tout homme est mis par sa mère en l’état de fitra (nature originelle). Ses parents en font un juif un chrétien ou un musulman ». cet ensemble est désavoué par l’esprit occidentale qui jugent le comportement musulman plutôt que de ressourcer et étudier les fondements doctrinaux du Coran.
L’islam et l’occident 
«  Le fait que les musulmans aient, pour la plupart, été absents de la scène internationale durant l’époque coloniale ne permet pas d’affirmer que l’islam, en tant que foi et système de références morales et spirituelles, n’ait pas continué à être bien vivant. La diversité du monde islamique n’exclut pas une forte solidarité et même un attachement à la foi commune. C’est d’ailleurs cet attachement à une religion traditionnelle et transcendante qui n’est pas compris par les sociétés sécularisées occidentale, lesquels ayant perdu leurs propres repères spirituels se persuadent que la vitalité de l’islam ne serait qu’ignorance ou obscurantisme. De prétendus spécialistes se sont mis à employer à tort et à travers des termes islamiques qu’ils détournent de leur sens en énonçant des termes méconnus par le grand public ignorant souvent tout de l’islam, de son histoire er de sa pensée. C’est ainsi que des mots ont été adoptés et déformés par les médias au point de ne plus les reconnaître.
L’Islamisme n’est pas l’Islam : ce principe étant posé, il conviendra d’examiner ce détournement dont l’Islam a été victime du fait des milieux extrémistes politico-religieux qui ont manipulé la religion et se sont livrés à une interprétation abusive des textes de certains auteurs. L’Islam modéré n’est pas à inventer car l’Islam est modération. Les moyens de la réforme ne sont pas à inventer car la Tradition est par essence réformiste. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner la pensée coranique, en écartant les préjugés, les idées toutes faites, la condescendance issue d’un ethnocentrisme indéracinable. Connaître le Coran, comprendre la communauté musulmane, cela implique que nous sortions d’un certain système de raisonnement pour venir côtoyer un autre mode de pensée.
L’erreur la plus commune consiste à juger l’Islam sans le connaître  et à la seule aune des valeurs et des références qui ont cours dans les pays occidentaux, sans prendre le soin d’étudier ses caractéristiques. C’est le respect de la diversité culturelle qui est nié. Non l’exaltation des singularités sans horizon d’universalité. L’Islam est global ; il est tout à  la fois  religion et société (dîn wa dunya) et c’est dans doute cet aspect fondamental que l’Occident  moderne a du mal à comprendre. La modernité, que l’on confond avec le progrès, est un mot tellement élastique que l’on peut lui faire dire bien des choses. Il est devenu un concept idéologique. Selon une certaine conception de la modernité, il faudrait faire table rase du passé, bannir la tradition, opposer la raison au spirituel.
Depuis quelques décennies, l’islam est à la mode. Des intellectuels, des journalistes de la presse écrite et parlée s’érigent en interprètes érudits du Coran. A cet effet, ces néophytes de la vulgate coranique étoffent ici et là leurs discours et leurs écrits de versets. Une première remarque à faire et qui est aussi la première critique, la traduction en français manque de rigueur et de précision ; elle est parfois, pour les besoins d’une cause, déformée à dessein. La seconde objection se situe au niveau de la disposition de ces versets. Ceux-ci ne reflètent pas la pensée réelle du Coran dès lors qu’ils ne sont pas mis en relation avec d’autres versets ayant le même ordre d’idées et qu’ils marginalisent leur insertion dans une compréhension globale du sens de la révélation.
D’une manière générale, les non connaisseurs de la religion musulmane – ils sont hélas très nombreux – prennent acte de ces donneurs de leçons et condamnent l’islam, ne sachant pas que les informations qu’ils reçoivent sont, en vérité, destinées à justifier une politique islamophobe. Ainsi, ces « débats publics » sur l’islam sont une occasion pour les pourfendeurs de l’Islâm de parler de cette deuxième religion mondiale en lui faisant dire ce qui correspond le mieux à leurs valeurs et à leur vision des musulmans et du monde musulman ; le résultat, c’est qu’ils font dire aux versets du Livre saint ce qui est étranger à sa réelle finalité.
L’Occident a acquis de l’islam des préjugés qu’il s’efforce de confirmer pour justifier ses conceptions erronées. Il fait du Coran un synonyme de violence, citant, à cet effet, de nombreux versets séparés de leurs contextes. Il étoffe ses critiques en discourant sur son incompatibilité avec la démocratie, sur l’idéologie d’intolérance véhiculée par la révélation divine et sur son incapacité de suivre l’évolution du temps etc. Le procédé adopté fausse le jugement car les auteurs de cette partie du monde, porteurs de ces informations, se fondent sur des idées préconçues autour desquelles ils forgent une lecture sélective. Ils partent d’un groupe de versets, peut-être d’un seul verset, voire même d’une portion d’un verset pour le faire concorder avec leurs idées préalablement établies. Ils ne tiennent pas compte de son historicité, ni du pourquoi, ni du comment de sa révélation. Dans leurs élucubrations intellectuelles, ces faiseurs de nouvelles altérées encouragent la promotion d’une pernicieuse pensée et d’un inconscient collectifs au sujet du Coran et, partant, de la configuration qu’ils se sont dessinés arbitrairement de l’Islâm et du musulman.
Si l’homme de l’Occident s’intéresserait à la science du Coran, il constaterait qu’elle enseigne que ce Livre est un livre ouvert de l’univers dans lequel il guide les créatures humaines. Cependant, il met en garde le lecteur que la lecture qu’il fait du Coran pourra aussi l’égarer de sa vérité signification. « … Dieu égare bon nombre de mortels, et en dirige autant vers leur salut éternel. En vérité, Dieu n’égare que les êtres pervers. » (S.2 / 26). Dans cette perspective, il existe un procédé de lecture qui se contient dans le Livre même : « C’est un Livre béni que Nous t’avons révélé afin que les hommes de bon sens en méditent les versets et s’y arrêtent pour réfléchir. » (S.38 / 29).
Des dizaines d’autres versets vont dans le même sens. Il en est de même de celui-ci : « Nous avons eu beau de multiplier Nos enseignements dans ce Coran pour amener les hommes à réfléchir, mais cela ne fait qu’aviver leur dissentiment. » (S. 17 / 41). C’est parce que le Coran n’interpelle pas les humains pour le lire comme un livre policier ou même un livre philosophique. Il fait appel au bon sens de ceux qui se penchent sincèrement et humblement sur la lecture de ses versets et à leur réflexion raisonnée ; il leur appartient de méditer la signification et la portée de leurs mots, sans omettre la relation qui relie les versets entre eux, s’ils veulent saisir la compréhension de leur finalité.
Je vais essayer, dans le présent exposé, de dégager quelques caractéristiques du Coran qui aideront certains lecteurs, de l’autre bord de la méditerranée, à réfléchir sainement, encore faut-il qu’ils se libèrent des idées préconçues qui perturbent leurs esprits et leurs raisons depuis le temps des colonisations. En Occident, les hommes pervers, animés consciemment ou inconsciemment  par un impérialisme culturel, se plaisent à juger l’Autre selon des critères de compréhension qu’ils se sont façonnés sur la base de préjugés dictés par leur besoin de supériorité et de domination. Il va de soi que cette attitude négative obstrue leur vision des choses et ne leur facilite pas le besoin d’appréhender, à sa juste valeur, la spécificité de l’objet étudié.
Il s’ensuit qu’une réflexion sur le Coran implique une condition préalable s’ils éprouvent réellement le besoin et le désir de le comprendre : à savoir l’abandon des conceptions préétablies de sorte à se laisser conduire par le Livre saint qui se présentera lui-même à eux. S’ils sont sincères dans leur recherche de la  vérité, il se pourrait qu’ils franchiront aisément les difficultés que la langue et la psychologie du Coran dresseront devant leurs efforts intellectuels. Il ne leur est pas demandé de consulter de nombreux livres traitant le sujet en question et d’apprendre la langue arabe. Il est seulement fait appel à leur attention pour ne pas être dérangé par la spécificité de cette étude
Le Coran est un Rappel
Le Coran se présente à chacun de nous, musulmans ou non-musulmans, comme un rappel. C’est dire que contrairement à une idée enracinée dans les esprits des occidentaux, y compris des plus avertis et des plus instruits d’entre eux, le Livre saint n’est pas une « mauvaise copie » de la Bible. L’Islâm est une religion monothéiste comme le judaïsme et le christianisme. Les adeptes de ces trois croyances adorent le même Dieu qui a fait la même révélation à Moïse, à Jésus et à Muhammad (p.p). Le Coran ne fait que rappeler les précédentes révélations en y apportant des corrections, des aménagements, des précisions et des sujets supplémentaires. S’il n’y avait pas des similitudes entre les deux Ecritures, nous serions alors enclins à douter que c’est le même Créateur des Cieux et de la Terre qui est à l’origine du même Message adressé à l’humanité entière : l’adoration de Dieu et l’abandon des idoles. « En vérité, Nous avons envoyé un prophète à chaque communauté avec le message suivant : Adorer Dieu et éloignez-vous des idoles ! » (S.16 / 36).
Cela implique, pour chacun de nous, à vivre librement sa foi dans la sphère d’une religion révélée à tous les prophètes sans aucune exception depuis l’aube de l’humanité : « Il (Dieu) a établi pour vous, en matière de religion, ce qu’Il avait prescrit à Noé, ce que Nous te révélons à toi-même (à toi Muhammad), ce que Nous avions prescrit auparavant à Abraham, à Moïse et à Jésus : Acquittez-vous , leur fut-il dit, du culte de Dieu et n’en faites pas un sujet de division entre vous ! » (S. 42 / 13). Il s’agit donc pour l’homme pieux, quel que soit son identité culturelle et religieuse, de reconnaître l’authenticité de toutes les révélations d’Adam au Sceau des messagers : « … ceux qui tiennent pour vrai ce qui a été révélé à toi (Muhammad) et à tes prédécesseurs… » (S.2 / 4). Ainsi, le Coran ne renie pas la tradition prophétique précédente ; bien au contraire, il la confirme.
Le Coran est par conséquent dans sa vérité profonde et sa clarté, pour celui qui veut se rappeler, un rappel en direction de tous les hommes de la terre, quelle que soit leur position géographique et leur origine ethnique. « Nous avons fait du Coran une œuvre facile à comprendre pour qu’il serve de rappel. Seulement est-il quelqu’un pour méditer ce rappel ? » (S.54 / 17). Dieu insiste tellement sur la profondeur de la compréhension de ce rappel que ce verset est repris deux autres fois dans la même sourate (les versets 22 et 40). Il s’ensuit que toute personne, intéressée par l’étude de l’Islâm, aborde la lecture du Coran sans s’efforcer de rechercher des mystères dissimulés et inavoués. Ce Livre n’est, en vérité, qu’un rappel qui l’accompagne dans sa quête de la recherche du sens de la création de l’univers et d’elle-même. La connaissance de l’un et de l’autre conduise à la connaissance de Dieu qui a créé l’homme en l’investissant d’attributs divins et en lui insufflant « Son Esprit » En conclusion : il appartient à la personne qui ouvre le Coran d’avoir présent à l’esprit la raison de ce rappel : se connaître avant tout soi-même.
Le Coran, ainsi que nous l’avons déjà dit, ne s’apparente ni à un livre d’histoire, ni à un ouvrage scientifique, ni à aucune œuvre littéraire. Il a pour dessein universel de guider l’homme dans le droit chemin, quelle que soit l’époque où il vit, l’ethnie à laquelle il appartient ou l’identité culturelle qui le caractérise. Il renferme un message spirituelle, cultuel, temporel … qui véhicule des renseignements, des exhortations et des récits d’une époque historique lointaine. Chacun de ses aspects est un enseignement qui s’adresse à la raison humaine. Ainsi, l’histoire de Moïse et de Pharaon ne doit pas être perçu comme un fait divers accompli sans une répercussion sur la vie contemporaine. Du moment que le Livre saint parle à l’homme, dialogue même avec lui, le lecteur ne reste pas passif : Il doit l’interroger pour éclaircir ce qu’il attend de lui personnellement, au moment même il entreprend intelligemment sa lecture réfléchie et méthodique. Il s’’ensuit que les faits et les événements, bien que relevant d’une ère révolue, supportent des dimensions et des portées spirituelles et éducatives universelles,
Compréhension exotérique et ésotérique
Prenant l’exemple du verset qui intime l’ordre aux croyants de ne pas élever la voix en s’adressant au Prophète : « Ceux qui baissent la voix en s’adressant au Prophète sont ceux dont Dieu a éprouvé les cœurs pour y faire Sa naître révérencielle… » (S.49 / 3). Cette injonction concerne aussi le lecteur : elle l’invite à s’adresser à son prochain d’une manière correcte. Il est fait appel à la courtoisie, au respect de l’autre.
Examinant avec attention ces conseils lumineux dans la sourate de « Luqman ». Il est question du devoir des enfants de manifester un des plus grands respects au père et surtout à la mère. C’est un juste retour des sacrifices endurés par eux pendant de longues années. « Nous avons recommandé à l’homme d’être bienveillant ; car sa mère a enduré de multiples souffrances en le portant dans son sein, en le mettant au monde et en l’allaitant deux années durant jusqu’au sevrage. » (S.31 / 14)
Cette même idée d’amour filiale est reprise par les versets 23 et 24 de la sourate 17 où nous voyons que les deux géniteurs ne sont pas refoulés dans les « maisons de repos » pour se débarrasser d’eux mais pris en charge par les enfants reconnaissants. « Ton Seigneur t’ordonne de n’adorer que Lui, de traiter avec bonté ton père et ta mère. Et si l’un d’eux ou tous les deux atteignent, auprès de toi, un âge avancé, ne leur dis pas : « Fi ! » Ne leur manque pas de respect, mais adresse-leur des paroles affectueuses ! * Fais preuve à leur égard d’humilité et adresse à Dieu cette prière : Seigneur ! Sois miséricordieux envers eux comme ils l’ont été envers moi, quand ils m’ont élevé tout petit. » Cette relation parents-enfants est un problème encore d’actualité.
Ces exemples, parmi tant d’autres, font écrire à un écrivain ces quelques lignes  qui résument correctement et parfaitement  la dimension humaine et universelle du Coran : « Il faut lire ce texte, non pas comme un livre d’histoire dans lequel on chercherait la trace d’événements du passé, mais comme un livre d’humanité dans lequel l’histoire elle-même n’a de valeur que dans la mesure où delle permet de former l’homme d’aujourd’hui et de demain. » Reprenons le récit de Moïse et de Pharaon. L’oppression des peuples est condamnée. Quant à leur liberté, elle est exaltée. Lorsque nous en faisons une lecture plus profonde, il semble au lecteur, plein d’humilité, entendre, en lui-même, deux voix opposées : l’une qui l’attire vers la foi et la soumission à Dieu ; l’autre vers la rébellion et l’arrogance. Pharaon n’est que l’incarnation de la voix de notre âme qui nous incite à rejeter la croyance à l’Invisible et nous croire auto-suffisants.
Ces récits représentent les complexités de l’âme humaine et participent à ce « rappel » passant par la connaissance et l’éducation de soi. Ces impressions nous font comprendre que lire le Coran ne nécessite pas de connaître nécessairement en détail l’histoire religieuse et les péripéties des différents versets, mais de réfléchir en quoi chaque verset nous interpelle aujourd’hui. Ainsi, le lecteur saisira le sens profond du Coran et le lira comme s’il n’avait été révélé que pour lui-même.
Le Coran n’est pas un assemblage de versets dont les significations sont isolées les unes des autres. La compréhension des uns peut être s’expliquée par celles des autres. Ils apportent un éclairage complémentaire sur le même thème. Voici quelques exemples :
L’expression contenue dans la Fâtiha : « Ceux que Tu as comblés de bienfaits » se comprend à la lumière de ce verset : « Ceux qui obéissent à Dieu et à Son Prophète feront partie de ceux que Dieu aura comblés de Sa grâce parmi les prophètes, les justes, les martyrs et les saints. Quels excellents compagnons que ceux-là. » (S.4, 69)
Il en est de même de ce verset concernant la négation du péché original : « Cependant, Dieu révéla à Adam une prière qu’il se mit à répéter pour exprimer son repentir. Et c’est ainsi que son péché fut pardonné, car Dieu est Plein de clémence et de mansuétude. » (S.2, 37).
Le lecteur s’interroge sur la teneur de cette prière d’Adam. Il trouvera la réponse dans le verset 23 de la sourate 7 : « Seigneur, dirent Adam et son épouse, nous avons agi injustement envers nous-mêmes. Si Tu ne nous pardonnes pas ; et si Tu nous refuses Ta grâce, nous serons à jamais perdus. »
Que dire encore de ce verset relatif à l’instabilité de l’homme : « En vérité, l’être humain est, par nature, versatile. » (S.70 ; 19).
Nous comprenons le sens de cette versatilité en nous reportant aux deux versets suivants : « Il est pusillanime quand un malheur le touche, * et il est plein d’avarice quand il devient riche. » (20 et 21)
Citons un dernier exemple que nous prendrons dans la sourate 56. Dieu énonce d’abord un fait et Il le fait suivre ensuite par son éclaircissement. Ainsi, au moment de la résurrection, Dieu informe Ses créatures humaines de leur répartition en leur disant :
« Vous serez alors répartis en trois catégories. » Immédiatement après, Il énonce ce que sera cette répartition : « celle des gens de la dextre, qui formera le groupe des bienheureux ; * celle des gens de la sénestre qui formera le groupe des malheureux ; * et les devanciers qui seront, eux, les premiers * à être, auprès des Dieu, les plus rapprochés. » (8 à 11)
Le Coran comporte deux réalités opposées qui forment, cependant, un tout qui se complète. Il a donc un aspect apparent mais il ne se réduit pas, pour autant, à cette seule compréhension. L’idée, représentée par le sens exotérique, est, lui, exprimée par le terme tanzîl. Quant à l’expression ta’wîl, elle s’applique au sens ésotérique. Le ta’wîl a pour racine awwala (premier) qui évoque l’idée de reconduire une chose à son origine. Le tanzîl exprime l’idée de descente ou de révélation d’une chose. Le premier terme désigne la signification originelle, spirituelle et ésotérique d’un verset, par opposition au second terme qui se rapporte à son sens littéral. Plusieurs versets donnent effectivement cette éclaircissement dont celui-ci : « En réalité, ce qu’ils traitent de mensonge, c’est ce qu’ils ne peuvent pas comprendre et dont l’interprétation (ta’wîl) ne leur est pas encore parvenue. » (S.10, 39). Nous comprenons que le sens du ta’wîl est un approfondissement du tanzîl.
Poursuivons notre explication. Ainsi : le sens apparent de ce verset : « Adorez Dieu, sans rien Lui associer » (S.4, 36) est qu’il ne faut pas donner des associés à Dieu en adorant des idoles. Cette même idée est évoquée par cet autre verset : « …Evitez la souillure des idoles… » (S.22, 30). Arrêtons-nous un moment et réfléchissons au sens profond du terme « adoration ». Nous comprenons qu’elle n’est pas seulement un acte extérieur consistant, par exemple, à se prosterner. Elle exprime aussi un état intérieur qui conduit à la soumission réfléchie de Dieu et à son obéissance.
Ce verset condamne l’adoration du polythéisme mais si nous ne sommes pas polythéistes, nous sommes en tant qu’humain attirés par d’autres questions qui nous font  oublier l’adoration de Dieu au même titre que les idoles des païens de la jâhiliyya. Ce sont nos passions, nos désirs, nos envies… qui nous distraient et nous font oublier notre Créateur. C’est parce que ce sont autant d’idoles intérieures qui éloignent du Seigneur. « Que penses-tu de celui qui prend sa passion pour sa propre divinité … » (S.45, 23)
En revenant au premier verset nous passons d’un sens apparent, celui de l’interdiction d’adorer un autre dieu que Dieu, à un sens plus profond qui implique de n’obéir et de ne pas prêter attention qu’à Dieu et, partant, à ne plus se soumettre à nos mille penchants et désirs. Ce verset soulève tout un comportement de vie spirituelle qui consiste à ne pas nous laisser distraire par ce qui est passager et à s’efforcer de concentrer notre énergie sur notre Créateur. « Le Rappel profite aux croyants. » (51, 55) ; « Ne faites pas comme ceux qui ont oublié Dieu et auxquels Dieu a fait perdre jusqu’au souvenir d’eux-mêmes. » (S.59, 19). C’est que l’âme de l’homme est issue de l’esprit de Dieu  Lequel  dit : « Nous avons créé l’homme et Nous connaissons les plus intimes secrets de son âme, car Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire. » (50 ; 16)
Oublier Dieu implique automatiquement d’oublier ce qui constitue la vérité profonde de notre être. Nous comprenons que le sens caché du verset ne vient en aucun cas remettre en cause sa signification apparente : ne pas penser à un autre que Dieu n’invalide pas le fait qu’il ne faille pas se prosterner devant les statuettes en pierre ; il constitue juste un niveau plus profond de son monothéisme ; réalité qui se manifeste selon différents degrés de l’apparent au plus caché. Ce genre de raisonnement, partant d’un sens apparent vers un sens plus profond et débouchant sur l’Unicité divine et l’expression d’un lien étroit, unissant l’homme à Dieu, peut être appliqué à l’ensemble du Coran.
               La finalité éthique du Coran dépasse la dimension juridique que l’orthodoxie confère au discours coranique. L’essence de la révélation passée par la prisme de la personnalité du Prophète pour apporter des réponses aux problèmes sociaux aux quels étaient confrontés ses contemporain. Or Dieu étant infiniment juste, l’un des principaux objectifs du Coran est de construire une société morale.
               Les règles juridiques que le Coran établit ne sont donc pas une fin en soi, elles ne sont que des moyens historiquement pour atteindre l’objectif ultime du Coran qui est avant tout éthique. La parole divine a des finalités comme la justice et l’égalité qu’elle a essayé de concrétiser à travers des obligations juridiques.
Les principes moraux représentent l’essence du Coran. Les obligations ne sont ni universelles  ni éternelles, mais sont tributaires du contexte historique et ont une finalité pédagogique. Rahman pense que l’on a exagéré la portée des versets juridiques en les présentant comme immuables.
               La polygamie : La conséquence directe de l’Unicité transcendante du Créateur. C’est précisément parce Dieu est infiniment supérieur à tous les êtres, que le principe d’égalité entre les créatures ne peuvent qu’être égaux entre eux. Expliquons-nous
               La polygamie et l’esclavage, par exemple, s’opposent à l’idée d’une égalité entre les hommes. Ils doivent être lu dans le contexte historique de la révélation. La pratique traditionnelle de la polygamie est, pour Fazlur Rahman[1], en nette contradiction ave ce principe moral d’égalité. Pour lui, contrairement aux apparences, le Coran a en vérité pris position à ce sujet contre les pratiques antéislamiques. L’intention du verset IV-3, lu avec les versets 127 à 129 de la même sourate, dit être correctement comprise et, à cette fin, l’interprète doit tenir compte du contexte historique et des autres versets liés au même thème.
Or le verset précédent montre que le sujet touche les orphelines, que le Coran voudrai protéger contre< leurs tuteurs ne respectant pas leurs biens et leurs droits.
Suite à la multiplication des guerres, le nombre d’orphelin avait augmenté. Dès la période mecquoise, des versets mettent en garde contre l’envie de prendre possession des biens de l’orphelin (VI-152 ; XVII-34). Le phénomène prenant de l’ampleur à Médine, la mise en garde coranique est encore plus violente puisque c’est l’Enfer qui est promis aux tuteurs injustes. (IV-10). Ce contexte prouve que l’autorisation de quatre épouses concerne en vérité uniquement les orphelines alors que les interprétations traditionnelles ont généralisé le propos à toutes les femmes, quelles que soient leur âge.
Le Coran parle donc de la polygamie à propos de jeunes filles auxquelles leurs tuteurs ne restituent pas leurs biens alors qu’elles ont atteint la majorité. Dès lors, la possibilité d’en épouser quatre au maximum, représentait le moindre mal.
Le Coran ajoute une condition à cette possibilité. L’homme doit être sûr d’être équitable entre les épouses, alors que le texte précise dans la même sourate que, de toute façon, l’homme n’y parviendra jamais (IV-129)
               Rahman se distingue des autres modernistes parce qu’ils ne tiennent généralement pas compte de la totalité du texte et du contexte historique. Ils se concentrent sur le verset de l’impossibilité  de l’équité pour conclure trop vite  à une impossibilité de la polygamie.
La nécessité d’être équitable ne doit pas être compris en termes financiers car quelqu’un de riche peut très  bien subvenir aux besoins de quatre femmes.
Il s’agit plutôt d’équité affective, ce que le Coran peut effectivement décréter comme impossible. Rahman explicite ses positions en ayant recours à une lecture transversale de versets qui se recoupent entre eux. Il cite en effet les versets XXX/21 « Et Il a établi l’amour et la bonté entre vous » et II/187, qui évoque la relation entre Adam et Eve, pour dire que la relation maritale ne saurait être réduite à des considérations matérielles
En guise d’argument coranique en faveur de la monogamie, Rahman cite également les nombreuses occurrences de l’idée de couple dans la conception coranique de la nature. « Nous avons créé un couple  de chaque chose » (LI/49) – « Dieu vous a créé de terre, puis d’une goutte sperme, Il vous a ensuite établis en couple ». (XXX/11)
De même, il rappelle la façon dont le calife Omar s’éloigna du sens littéral du Coran sur la répartition du butin entre les combattants et refusa de partager la terre de Sawwâd. Il ne fit pas appel aux versets habituels sur le partage du butin, mais  au verset LIX/7 en vue de se conformer à la finalité morale et sociale du Coran. Les terres nouvellement conquises devaient profiter à l’ensemble des musulmans  et non pas seulement aux guerriers. Le verset en question indique que le butin appartient « à Dieu et à son  prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, au voyageur » afin qu’il ne soit pas attribué aux riches.
Cette illustration à travers l’histoire de l’islam témoigne également de l’effort permanant de Rahman de s’inscrire, malgré ses critiques, dans une filiation traditionnelle en refusant d’être vu comme un moderniste qui voudrait, sans légitimité méthodologique, conférer de nouvelles significations au Coran.
L’esclavage : Dans le  verset XXIV/33, le Coran recommande de libérer des esclaves en rédigeant des « contrats d’affranchissement » ; et, dans le même passage, il est demandé aux maîtres de donner aux esclaves des biens que Dieu leur a accordés. La jurisprudence islamique classique n’a donc pas été capable de constater que « le véritable objectif du Coran est bien de mettre totalement fin à l’esclavage ». Ainsi le Coran conseille aux croyants de faciliter aux esclaves le rachat de leur liberté, de racheter ceux des autres afin de les libérer (XC/12-13) ou inflige l’affranchissement d’esclaves pour certains délits (LVIII/3). Dès lors, si le contexte historique a changé, la loi elle-même devrait pouvoir évoluer.
Le Coran ne réforme pas le monde de l’époque ; il le forme ; le met dans les meilleures conditions pour pouvoir évoluer. En résumé, « Le Coran forme un tout et ce n’est qu’en le prenant ainsi, en le lisant et en le répétant, en l’entendant et en le méditant, que chaque partie, peu à peu, résonne à l’unisson des autres, s’éclairant mutuellement, se soutenant, se complétant, se répondant l’une à l’autre pour finalement constituer cet édifice inébranlable et harmonieux destiné à conduire l’homme, en tant qu’individu et comme société, vers son accomplissement.
La valeur coranique de l’Egalité (al-mousawât)
L’égalité est une valeur universelle à tous les hommes de la terre. Cependant, le coran affirme, à deux reprises dans le même verset (An-nahl), que les  êtres humains ne seront égaux eux que s’ils réfléchissent sur le bien fondé du Coran. En effet les hommes peuvent être inégaux, c’est l’inégalité de fait et l’inégalité de droite, sachant qu’il existe des inégalités justes ? Il est normal, par exemple, du riche et du pauvre, de l’instruit et de l’ignorant. Il relève des commandements de Dieu. Dans la sourate al-‘arâf (S.7, 29), « Il vous ordonne de vous adresser à Lui exclusivement dans chaque prière ; et L’invoquer toujours d’une foi pure et sincère, car, de même qu’il vous a créés pour la premier fois, Il vous ressuscitera pour vous ramener à Lui. » Ce verset souligne l’égalité existentielle des hommes. Al’adl est traduit  par l’équité. L’égalité est alors revendiquée par l’homme qui a le sens de la justice, qui fait du bien qui vient au secours des autres qui sont Ses égaux. D’ailleurs évoque l‘égalité. Dieu dit au verset 92 : « Pour cela, Dieu vous met à L’EPREUVE, afin qu’au Jour de la résurrection, Il puisse vous montrer ce sur quoi vous opposiez. » Dieu connaîtra les meilleurs d’entre Ses créatures humaines. Nous voyons que les hommes s’opposent, en effet, librement : ils en ont le droit et le pouvoir.
Dieu donne à chaque individu une même condition. Ainsi l’égalité se fonde sur cette condition. Au sujet des esclaves, le Prophète (p.p) dit :  « Vous devez leur donner à manger ce que vous mangez vous-mêmes et les habiller comme vous mêmes. ». Ce hadîth nous informe que chaque personne à droit à subsistance. Ce droit nous rappelle leur exigence de juste, soit l’égalité de droit, comparé au doit respect qui consiste à respecter sa vie, ses biens et sa dignité. Il se trouve que les occidentaux, se fondant sur le comportement et des Etats musulmans, conclut que l’islam s’exprime avec des concepts d’oppression, de dénégation des libertés et les droits de l’homme. Le Coran invite les gens à examiner toute question ave sérieux, objectivité et sans préjugés, afin de ne croupir dans les méandres du mépris et des méprises, des complexes de supériorité, d’arrogance raciale, conséquences d’appréciations et d’évaluations erronées. C’est pourquoi, Dieu à cet effet : « ö vous qui croyez ! Si un homme pervers vous apporte une nouvelle, vérifiez-en la teneur, de crainte de faire du tort à des innocents par ignorance et d’en éprouver ensuite des remords. » (S.49, 6) C’est ainsi que nous examinerons certains thèmes du Coran : la guerre et la paix en islam et la question de l’apostasie qui soulèvent des incompréhensions et des jugements hâtif.
Guerre et paix en islam
               Le jihâd est loin d’être la guerre sainte décrite par des discours. Aussi nous porterons notre attention sur l’analyse sémantique des termes. La guerre se dit en langue arabe harb dont le sens renvoie à la notion de spoliation et de dépossession car des ouvrages, concernant HARB et MABHRÜB, attestent que telle  personne est dépossédées de son bien et de son argent. L’opinion occidentale a complètement transformé le sens du terme, au point d’en faire un synonyme de terrorisme. Quelle est alors sa signification exacte ? Au retour de la Bataille de Badr, première affrontement militaire contre les polythéiste qui  s’était terminée par le victoire des musulmans, le Prophète (p.p) a déclarer à ses compagnons : «  Nous revenons  du petit jihâd pour adopter le grand jihâd »>. Cela signifie qu’il faille se remettre chaque fois pour se purifier et renforcer davantage la foi.
Amour et Miséricorde (ar-Rahman)
                 L’amour en islam s’exprime à travers la notion de miséricorde, nous renseigne Selami Varlik,   philosophe turc. Pour les chrétiens, Dieu serait l’autre nom de l’amour, tandis que ce mot n’apparaît pas dans le Coran. Pour les musulmans, il est plutôt question de miséricorde. Celle-ci entretient un rapport dialectique avec l’idée de loi et de justice, étant capitale dans le Coran. Dieu dit : « Ô Mes serviteurs, Je me suis interdit l’injustice à Moi-même, et Je vous l’ai interdite à vous aussi. Ne soyez pas injustes les uns envers les autres. » De ce fait, Il n’en demeure pas moins que l’amour « al-hub » tient une place importante dans l’islam. Toutefois, l’amour suppose un maximum de proximité, d’équivalence, de ressemblance. Le semblable aime le semblable. Or l’islam pose un écart ontologique abyssal entre la créature et le Créateur. Quelle est donc cette différence entre l’amour et la miséricorde ? C’est que la notion de miséricorde n’est pas réciproque. Elle préserve cette distance entre le fini et l’Infini. Dieu dit : Dis ; si vous aimer tuhibbouna vraiment Dieu, suivez-moi. Dieu vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux. » (S.3, 31). Si vous aimez Dieu, Il vous aimera : La notion de pardon des péchés est la notion de gratuité qui brise l’égalité de l’échange. Il s’ensuit que Dieu n’aime pas tous les hommes. Il n’aime ni le voleur, ni le tricheur etc. Et puisque l’islam est cette religion de la de la transcendance, de la louange, la Miséricorde, est la modalité d’amour que l’Infini porte au fini, que le Parfait porte à l’imparfait et l’Infiniment grand à l’infiniment petit. C’est un amour inégal. Il reste que Dieu est Miséricordieux à l’égard de tous les hommes, quels qu’ils soient. En définitif, et brièvement, l’amour n’est pas universel, par contre la miséricorde l’est.
                Nous ignorons si ces quelques questions – il y a une centaine d’autres – pourraient supprimer les préjugés. D’aucun diront que ce texte est insuffisant, ce qui est vrai. Il faut, pourtant, le considérer comme une sorte de plate-forme. Le lecteur pourra s’en servir et approfondir ses connaissances. C’est ainsi que le respect et la considération seront réciproques. C’est ainsi que le vivre-ensemble deviendra une réalité et revêtira tout son sens. Et c’est ainsi que nous pourrons construire mutuellement la civilisation.
Tahar Gaïd
[1] Fazlur Rahman est un Pakistanais qui a quitté, en 1968 son pays,  à cause de l’hostilité des musulmans traditionalistes, pour aller aux Etats-Unis où il mourut en 1988.

5 Commentaires

  1. On a tellement exaspéré les pays occidanatux en choisisant de nous éxiler dans les pays occidantaux – (donc les « kofars » qui ne sont pas en édéquation avec notre culture, nos moeurs et notre religion) – que même le Pape François d’habitude, si humaniste et mesuré jusqu’ici, parle désormais « d’invasion arabe »!
    Pour moi ce n’est pas un dérapage verbal ou politique, c’est bien une réalité ! Il n’y pas beaucoup d’arabes et de musulmans qui fuient leur pays (pour telle ou telle raison) pour choisir un autre pays arabo-musulman pour s’y réfugier ou aller y vivre! C’est toujours un pays de « kofars » qui est choisi, comme par hasard !
    On devrait tous comme nous sommes méditer sur çà jour et nuit et chercher à comprendre « le pourquoi du comment », même si moi j’ai mon idée et mon explication sur çà!
    NB : c’est bien beau disserter sur le contenu de l’islam, de notre civilisation et de notre Coran, mais la réalité est là devant nos yeux : nous fuyons nos pays arabo-musulman dès que possible et à la moindre occasion! Cette vérité est INDISCUTABLE car la preuve est quotidienne !

  2. bonjour a tous
    article long et ardu .On y retient que
    – le Coran, révélé par Dieu, porte en lui les clefs de d une nécessaire maturation qui transporte les idées d’une génération à une autre et que cette marche en avant ne se fait pas sans obstacles parmi eux la rigidité du Wahhabisme qui prône un islam « pur et dur », ou la crédulité du salafisme qui, au lieu de regarder la route qui sillonne vers la contemporanéité…. ou encore le libertinage intellectuel de ces destructeurs actuels de l’Islâm, qui se présentent en réformateurs…
    – l étonnement de l auteur sur ce a quoi a été réduit l Algérie pays qui a enfante des papes et des empereurs qui a brave l otan ; pays riche mais ou l’idéal du progrès a été chassé par le système de la corruption  » au sommet de l’Etat et dans les rouages des sociétés d’Etat »,qui a contaminé profondément la conscience individuelle, a souillé la mémoire des martyres.
    – la pauvreté de la pensée islamique .les docteurs de la loi (‘uléma) s’attachent encore à des doctrines inchangées sans tenir compte des changements historique et les évolutions politico-sociales. n’envisagent aucune réforme, refuse la démocratie et d’une manière générale la liberté individuelle;
    – l auteur loue des penseurs comme Mohamed Arkoun qui déclare à sujet : « Le discours coranique laisse ses options ouvertes en raison de sa structure mythique comme les autres discours fondateurs, tandis que les constructions théologiques et juridique qui définissent des islams orthodoxes limitent les expansions humanistes de la pensée ». Ces réformateurs aussi lucides que clairvoyants dénoncent la persistance du taled (imitation aveugle) dans le domaine de l’enseignement religieux dominé par l’ostracisme.
    – la confusion faite par l Occident entre Islam et Islamisme
    – La finalité éthique du Coran dépasse la dimension juridique que l’orthodoxie confère au discours coranique.Les règles juridiques que le Coran établit ne sont donc pas une fin en soi, elles ne sont que des moyens historiquement pour atteindre l’objectif ultime du Coran qui est avant tout éthique. La parole divine a des finalités comme la justice et l’égalité qu’elle a essayé de concrétiser à travers des obligations juridiques.
    Les principes moraux représentent l’essence du Coran. Les obligations ne sont ni universelles ni éternelles, mais sont tributaires du contexte historique et ont une finalité pédagogique. L auteur cite a titre de exemple la polygamie et l esclavage qui sont en fait décriés par le Coran car contradictoires a l égalité entre les hommes.
    Et en conclusion si je ne m abuse l auteur prône une relecture du Coran en assurant la primauté des principes moraux sur les obligations juridiques qui ne sauraient être ni éternelles ni universelles.Ce qui est – si c est réellement ce que pense l auteur – une révolution.
    Salutations

  3. Bonjour a tous ; SUITE
    -1 L auteur intitule son article ; l Islam et l Occident ;je crois que l intitule le plus juste aurait été l Islam et Nous
    -2 Avant de vouloir convaincre ou convertir les autres a l Islam commençons par donner une bonne image de nous mêmes. Nous sommes demandeurs en tout  » les richesses naturelles ne sont pas de notre oeuvre » et malgré cela en arrogants et en ignorants nous voulons donner a l occident des leçons de conduite
    – 3 Qu est qui empêche une reforme dans la lecture du Coran en Algérie du moins.C est un combat du genre David contre Golliath car il y a des milliers de gardiens du temple formes a une école qui répète sans réfléchir qui sont gardiens de la pensée. Ces gardiens n incitent pas les fidèles a réfléchir ou a se remettre en cause mais servent du prêt a penser avec en corollaire les peines encourues si on s écarte.
    – 4 Comme c est un cercle vicieux ne vaudrait il pas mettre a l abri la religion
    et opter pour un état laïc sachant qu un état laïc n est pas contre la religion mais c est qu il ne laisse pas la politique s en servir.. Sommes nous meilleurs que les Turcs
    salutations

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