

Les causes des inondations peuvent être d’origine naturelle ou humaine (anthropiques) ou le plus souvent sous forme de combinaison des deux facteurs.
Les dégâts peuvent être plus ou moins importants en fonction de la qualité des mesures préventives mises en place par l’état .
L’objectif d’une politique de prévention est de protéger les vies humaines et les biens matériels . Mais aussi, de limiter les risques en optimisant et facilitant l’écoulement des eaux pluviales .
Je n’ai pas la prétention de vouloir traiter ce problème en spécialiste des catastrophes naturelles, mais en simple citoyen préoccupé et touché par les récentes inondations qui ont ravagé plusieurs régions de notre pays. Depuis plusieurs jours, de nombreuses questions trottent dans ma tête .
Des questions qui soulignent en pointillés une urgence, celle qui consiste à mettre en place des politiques et programmes de prevention SÉRIEUX ET RIGOUREUX face aux risques de catastrophes naturelles (inondations, incendies, séismes …).
Connaissant l’incompétence des dirigeants au plus haut niveau et leur indifference face aux souffrances des citoyens et à l’intérêt général, je pose ces questions et malheureusement sans rien attendre de constructif venant de leur part.
VOICI QUELQUES UNES DE MES QUESTIONS :
1-Y-aura-t-il une enquête de terrain pour établir les causes et les responsabilités de ces inondations dévastatrices afin de prévenir des risques de même nature pour l’avenir ?
2- Existe t’il des plans de prévention des risques naturels (séisme , incendies, inondations, épidémies …) dans notre pays ?
Un plan ou programme de prévention est l’un des instruments essentiels de l’action que doit mener chaque état qui se respecte pour protéger les citoyens, leurs biens et l’environnement dans lequel ils vivent.
3- Existe t’il dans notre pays une carte des zones inondables constructibles et non constructibles ?
En fonction de chaque zone seront définies les mesures opérationnelles nécessaires pour réduire les risques d’inondations.
4- Existe t’il une réglementation rigoureuse concernant la gestion des eaux pluviales ( par exemple intégrer dans toute conception de bâtiment un réseau de Collecte et d’évacuation des eaux pluviales vers les canalisations publiques ) ?
5- Existe t’il un programme budgétisé de rénovation , de réparation ou d’entretien des canalisations qui recueillent les eaux pluviales ?
6- Existe t’il une réflexion autour de cette question épineuse : comment mieux bâtir en zones inondables constructibles (normes spécifiques , matériaux garantissant la solidité des constructions, aménagement adapté de l’espace …) ?
7- Quelle est la place accordée au facteur risque d’inondations dans les politiques d’aménagement du territoire et des plans d’urbanisation ?
8- Existe t’il des mesures fiables de prévention concernant une possible contamination des eaux de robinet dans les zones ravagées par les récentes inondations ?
En effet, les inondations laissent souvent place à des pollutions de toutes sortes (carburant, produits chimiques émanants de dépôts…) qui pourraient affecter l’eau potable .
Les mêmes questions peuvent être posées lorsqu’il s’agit des autres risques de catastrophes (incendies, séismes et épidémies essentiellement).
Il est temps de mettre fin au bricolage et aux négligences criminelles de l’Etat.
https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog
Pierre Audin avait quelques mois quand son père, Maurice Audin, militant du Parti communiste algérien qui combattait pour l’indépendance de l’Algérie, a été arrêté le 11 juin 1957 à son domicile d’Alger par des parachutistes français qui l’ont torturé puis assassiné. La veuve de Maurice, Josette Audin, qui avait alors 25 ans, a dû attendre septembre 2018 pour qu’un président de la République mette fin à soixante-et-un ans de mensonges d’Etat en reconnaissant enfin ce crime. Pierre Audin, qui n’a cessé de poursuivre son combat pour que les circonstances précises de ce crime soient enfin dites par les autorités françaises, est mort à Paris le 28 mai.
C’est avec une immense tristesse que nous annonçons le décès de notre ami Pierre Audin, survenu ce dimanche 28 mai 2023, des suites d’un cancer.
La vie de Pierre aura été consacrée au combat incessant, aux côtés de sa mère Josette, pour que soit dite toute la vérité sur les circonstances de la disparition de son père, Maurice Audin, mathématicien et militant actif du Parti communiste algérien. Engagé sans réserve pour l’indépendance de l’Algérie, il fut enlevé le 11 juin 1957 à Alger, puis torturé et tué par les militaires français. Ce combat, qui concernait aussi les milliers d’autres algériennes et algériens qui ont subi le même sort, est devenu emblématique de la lutte contre la torture et les exactions commises au nom du « maintien de l’ordre » et de la « pacification ».
Avec sa mère Josette et sa soeur Michèle, Pierre aura dû attendre septembre 2018, soit plus de 61 ans après les faits, pour savourer une première victoire, lorsque le président de la République a rendu visite à Josette Audin à son domicile et reconnu la responsabilité de l’État français dans la mort de son mari, rendue possible « par un système légalement institué qui a favorisé les disparitions et permis la torture à des fins politiques ». Mais de nombreuses questions subsistent et Pierre Audin avait continué sans relâche sa lutte pour qu’il y soit également répondu.
Quelles ont été les circonstances exactes de la disparition de Maurice Audin ? Où se trouvent son corps et ceux des nombreux combattants pour l’indépendance de l’Algérie et civils victimes de disparitions forcées ? Quand les historiens pourront-ils enfin accéder sans entraves à toutes lesarchives, sur ce sujet et sur tous les autres ?
L’Association Josette et Maurice Audin est plus que jamais déterminée à poursuivre cette quête pour que toute la lumière soit faite sur « l’affaire Audin » et sur tous les crimes commis à l’époque au nom de l’État, en Algérie comme en France.
Pierre Audin était Algérien et Français. Il avait été très fier d’obtenir enfin il y a un peu plus d’un an le passeport algérien qui lui était promis depuis longtemps. À chacun de ses nombreux voyages en Algérie, il était reçu avec une ferveur populaire extraordinaire. Le rassemblement sur la Place Audin à Alger il y a exactement un an, pour l’inauguration d’un buste de Maurice Audin, en est le témoignage le plus récent.
La vie de Pierre aura aussi été marquée par sa passion pour les mathématiques et son désir de permettre au plus grand nombre l’accès à la culture scientifique, langage universel, lien entre les peuples et emblème de la liberté. Il a magnifiquement mis en pratique ses idées dans ce domaine en passant la plus grande partie de sa carrière au Palais de la Découverte, où il a communiqué son enthousiasme à des générations de jeunes et de moins jeunes.
Il a aussi, autant qu’il a pu, porté ce message en Algérie où, à chaque occasion, il a captivé, avec un humour communicatif, des auditoires divers. Le développement de la coopération scientifique entre la France et l’Algérie lui tenait particulièrement à coeur. Il a conçu dans ce but un projet consacré à la médiation scientifique. Il s’agit de contribuer à la création en Algérie d’un réseau de centres de culture scientifique couvrant tout le pays et coordonnés par un centre national, ainsi que d’une formation universitaire de médiateurs scientifiques.
Pierre Audin agissait aussi depuis longtemps pour la coopération franco-algérienne en matière de recherche en mathématiques. Il a activement participé à la création du Prix de mathématiques Maurice Audin et à son maintien, contre vents et marées, au fil des années. La pérennisation de ce prix, à laquelle il était tant attaché, deviendra très probablement une réalité dans les tout prochains mois, grâce aux efforts conjugués des responsables algériens de la recherche et de l’enseignement supérieur, de l’Académie des sciences, des sociétés savantes de mathématiques et de notre association.
Dans ces domaines également, l’Association Josette et Maurice Audin entend poursuivre les actions de Pierre et espère les voir se concrétiser très rapidement.
Comme celui de Maurice et de Josette Audin, le souvenir de Pierre sera un guide pour l’Association Josette et Maurice Audin, qui poursuivra sans relâche les actions qu’il menait sur tous les fronts.
Esprit d’une grande finesse, rigoureux, lucide et exigeant, Pierre Audin était un homme attachant, généreux, prévenant, passionné et plein d’humour. Le connaître et travailler avec lui a été un honneur et une chance.
Nous adressons à la famille Audin toute notre sympathie . Nous sommes toutes et tous à ses côtés en ces circonstances douloureuses.
Paris, 28 mai 2023
Association Josette et Maurice Audin (AJMA), c/o Ligue des Droits de L’Homme, 138 rue Marcadet, 75018 Paris
Youcef L’Asnami
Cher Monsieur,
Je viens de finir la lecture de votre pamphlet Le Mal Algérien publié par les Editions Bouquins dont on dirait qu’ils ont du mal à le classer : « essai » en couverture, « document » à l’intérieur.
Je ne pense qu’un tel ouvrage puisse contribuer au renforcement des liens entre nos deux pays et m’interroge sur sa publication en ce moment de crise entre les deux pays. J’espère que ce livre ne sera pas distribué en Algérie afin d’éviter de mettre de l’huile sur le feu. Vous connaissez la sensibilité des algériens quand on touche à leur dignité. Et cette atteinte à leur dignité est manifeste dans de nombreux passages, notamment celui lié à la prostitution… mais pas que.
J’ai été quelque peu surpris d’abord par la forme de l’ouvrage. Vous rapportez avec votre co-auteur des faits vécus en Algérie durant votre mission qui a duré cinq ans et demi et qui vous a permis de rencontrer de hauts responsables algériens ou des hommes d’affaires dont les noms ne sont pas tous cités, mais sans ordre chronologique qui aurait facilité au lecteur son repérage dans le temps.
Pêle-mêle vous racontez des anecdotes de 2014 pour ensuite sauter à 2018 ou 2019 sans discontinuité.
Sur le fond, je m’interroge quant à l’agenda de la parution de votre livre. Une simple interrogation qui me semble légitime à l’heure où les médias annoncent une probable visite du Président algérien en France.
J’ai été aussi étonné par le nombre de fois où vous ne citez aucune source crédible quant à vos affirmations.
Lorsque vous qualifiez le combat du FLN pour la libération du pays d’ « actes terroristes », on a le sentiment que le décor est déjà planté.
Quand vous affirmez que « Depuis 1962, l’Algérie n’a connu ni élections libres ni démocratie politique», on ne peut ranger cela que dans le registre de l’ignorance et vous rappeler le « Il faut que l’Algérie renoue avec le processus démocratique » de Mitterrand suite à l’arrêt du processus électoral des élections législatives de 1991 qui ont vu le succès du Fis. Le taux d’abstention record de 60,12 % enregistré lors de la dernière élection présidentielle de 2019 et les 58,13 % de l’électorat du Président actuel sont peut-être des chiffres dignes de la période soviétique. De même que le taux d’abstention de 77 % enregistré au référendum constitutionnel du 1er novembre 2020 est digne de la Corée du Nord n’est ce pas ?
Vous ne vous rendez peut être même pas compte de la portée de vos propos lorsque vous écrivez, vous basant sur un article du journal l’Expression d’avril 2008 – il y a donc 15 ans !- que « la prostitution est partout, notamment dans toutes les grandes villes, Alger, Oran, Béjaia, Annaba, Tlemcen, Setif, Tizi-Ouzou, Sidi Bel Abbes, Bordj Bou Arreridj , etc. » J’ai rigolé pour le « etc ». Là aussi vous ne citez pas la source de vos dires. Comme vous n’avez pas rapporté la réaction des Algériens devant cette information : d’après vos chiffres, près de 8 % de la population algérienne vit de la prostitution ! Clownesque et indigne !
Vous avez été nommé par le gouvernement français comme haut responsable à la coopération technique et industrielle franco-algérienne de juin 2013 à janvier 2019. Dans le rapport d’audition du GA du 10 avril 2019, vous informez votre auditoire qu’ « Au total, depuis septembre 2013, une cinquantaine d’accords de coopération ont été signés et des outils ont été créés pour pérenniser ces accords, identifier des chefs de projets, établir des feuilles de routes et procéder à des évaluations ». Belle litote ! Mais comment avez-vous pu coopérer avec un « pays du monde à l’envers » dont « la rente et la corruption » sont « les deux sœurs fatales de la société algérienne » ? Comment pouvez-vous, avec un tel jugement à charge et sans aucune retenue , à contribuer au renforcement des relations algéro-françaises ?
Dans le chapitre consacré au Hirak vous rappelez les nombreux slogans scandés par les manifestants contre le pouvoir algérien sans citer une seule fois ceux dirigés contre la France : « La France est de retour, jeunes levez-vous ! », « Là où arrive la France, c’est la destruction », « Macron dégage, vous n’êtes pas le bienvenu dans le pays des Martyrs », « L’Algérie n’est pas à vendre »… que vous retrouverez facilement dans les médias français de cette époque.
Dans le même registre relatif à la coopération algéro-française, vous écrivez que « Rien ne va mal en Algérie sans que soient impliquées les intentions malveillantes des autres que ce soit la France ou le Maroc ou tout autre pays qui servira opportunément de repoussoir idéologique commode ».
En effet… Mais là aussi, on ne compte plus les tentatives d’ingérence directes ou indirectes de la France dans les affaires internes à l’Algérie. Lorsque le Président Macron affirme que le « système politico-militaire » algérien s’était construit sur « une rente mémorielle », avant de le regretter officiellement en signifiant son « plus grand respect pour la nation algérienne, pour son histoire et pour la souveraineté de l’Algérie », on ne peut que rester pantois devant des déclarations aussi irresponsables.
Quant au Maroc, ce sont les médias français et européen qui ont mis en avant l’affaire Pegasus que la presse algérienne a suivi puisque le pays était concerné par ces écoutes. Dois-je vous rappeler que le Maroc a pu accéder au contenu de 6 000 téléphones d’algériens, entre « responsables politiques, des militaires, des chefs des services de renseignement, des hauts fonctionnaires, des diplomates étrangers en poste ou des militants politiques », d’après le quotidien le Monde, membre du Consortium de médias à l’origine de l’enquête ? Et que le Maroc a été débouté par la Cour d’appel de Paris suite à sa décision de poursuivre en diffamation des organes de presse et associations français qui l’avaient mis en cause dans l’affaire du logiciel espion Pegasus ?. A quoi bon ?
La France officielle a toujours eu une relation ambiguë avec son ancienne colonie : tantôt protectrice, tantôt moralisatrice, quelquefois revancharde.
J’ai été étonnement surpris dans le passage où vous affirmez que Cherif Rahmani, ex ministre algérien, vous a demandé de lui faire une synthèse de la « demi-douzaine de rapports de plusieurs centaines de pages chacun et pesant plusieurs kg » et que cette synthèse fut prête le lendemain et remise au ministre. Cette capacité de travail, pour le moins extraordinaire, tranche visiblement avec votre capacité de discernement dans les faits que vous rapportez.
Votre mission s’est achevée en janvier 2019, bien avant l’élection de l’actuel Président algérien. Cela ne vous a guère empêché de lui consacrer près de quatre pages avant de vous perdre en conjecture en traitant du rôle de la Chine en Algérie, en Afrique et même en France.
Vous auriez été peut-être crédible si, dans votre pamphlet, vous aviez abordé, ne serait ce qu’une seule fois, les aspects positifs de ce qui s’est fait en Algérie depuis notre indépendance. On n’en voit pas la trace. Tous vos témoignages sont à charge.
En vous lisant, on a le sentiment que cet ouvrage est un recueil de prise de notes de vos missions en Algérie où vous rapportez ce qui semble vous faire plaisir et en occultant ce qui semble vous déranger. C’est la raison pour laquelle il ne me parait ni objectif, ni documenté.
On peut être opposant à tout pouvoir dont on juge l’action pas à la hauteur des enjeux que vit son pays, mais on ne peut être opposant à son pays au même titre que vous du reste.
May 26, 2023
https://www.raialyoum.com/
Souvent, à la lumière du présent que se comprend et s’explique le passé. Principalement, dans le cas de l’Algérie où le pouvoir s’est érigé comme écrivain de l’histoire. Une histoire tronquée dont la seule finalité est de légitimer le pouvoir issu du coup d’état contre le gouvernement provisoire de la révolution algérienne en 1962. Un gouvernement présidé par BENKHEDDA qui, à Evian, a négocié l’Indépendance. Le 18 mars 1962 fut un jour de victoire. Une victoire politique. Au moment où la lutte armée à l’intérieure était presque anéantie après la Bataille d’Alger et la ligne Challe-Morice, les Accords d’Evian ont réalisé les principales revendications du mouvement de libération nationale : l’unité du peuple algérien et l’unité territoriale. Avec le putsch de 1962 contre le gouvernement civil, l’Armée des frontières s’est imposée comme le seul acteur politique dans la société. Depuis cette date, l’Algérie est devenue une propriété de l’Armée. La République ainsi que la Démocratie furent enterrées ce jour-là. Je meurs pour avoir vu mourir l’Algérie au lendemain de sa naissance, écrivait Mecili avant de mourir assassiné le 7 avril 1987. En s’imposant par la force, l’Armée des frontières a définitivement évacué le politique de la gestion des affaires du pays. La force (assassinats, complots, emprisonnements, torture, corruption, intimidation, menaces, exil…) est le seul et unique langage du pouvoir et son véritable programme politique. L’Armée des frontières, à la lumière des événements en 1962 où des milliers de Moudjahidines ont été tués quand celle-ci a marché sur Alger et à la situation actuelle n’est qu’une Armée de conquête et de pouvoir. Le mal algérien a donc véritablement commencé l’été 62.
Comment sommes-nous arrivés à ce constat ? A cette certitude ?
Cette lecture s’inspire du soulèvement populaire du 22 février 2019. 1962 est devenu la date référence dans l’ensemble des chants populaires pour désigner l’origine de la faillite nationale. Depuis 1962, l’Algérie n’a jamais été un fleuve tranquille, les révoltes contre le pouvoir militaire ont jalonnées notre histoire. A chaque phase, la contestation avait une origine partisane, idéologique (les années 65-75 courant gauchiste et les années 90 courant islamiste). Pour la première fois dans notre histoire, la contestation populaire de février 2019 est unitaire et englobe l’ensemble des couches sociales. N’ayant pas de couleur politique, cette contestation massive et populaire n’a qu’une seule revendication. Une revendication historique qui s’inscrit dans l’histoire du combat libérateur : le Peuple veut l’Indépendance. Nous sommes le seul peuple dans l’histoire contemporaine, après une guerre terrible de libération, qui demande une nouvelle fois son Indépendance.
Un autre événement dateur dans notre histoire contemporaine qui s’inscrit dans la même logique de la mentalité militaire de 1962 : l’arrêt du processus électoral de janvier 1992. Cet arrêt a été présenté comme un acte salutaire qui a sauvé la République, la fausse Presse indépendante a salué cet acte en proclamant la naissance de la deuxième république. L’islamisme, le péril vert, le danger à éradiquer du corps social afin que celui-ci reprenne sa vigueur et sa vitalité : l’Algérie est malade de sa religion. L’Armée putschiste est devenue républicaine. La gardienne des valeurs républicaines.
Au nom du nationalisme, une nouvelle mission civilisatrice, à l’image de la première de 1830, s’imposera dans la terreur. Il faut abattre la bête immonde : l’islamisme. Le visage de la contreculture. Dans ce contexte, sept Moines trappistes vivant à Tibhirine, une communauté chrétienne en terre d’islam qui ont aimé l’Algérie et vivaient en harmonie avec la population locale vont subir une fin tragique. Assassinés deux mois après leur enlèvement, leurs têtes enterrées sans les corps, l’évènement n’a eu comme seul retentissement que l’émoi populaire des Français rassemblés le 28 mai sur le Parvis des droits de l’homme au Trocadéro. La campagne médiatique contre la menace islamiste menée des deux côtes de la Méditerranée a gagné les esprits et la thèse des barbares islamistes fut vite officiellement admise. L’idéologie a pris la place de la vérité. Un simple communiqué du GIA (Groupes –Islamiques- Armés- de l’Armée) diffusé à Londres fait office de vérité absolue sans que ne fut questionner ni son authenticité ni l’identité véritable du GIA. Aucun des deux pays, l’Algérie et la France, n’a demandé l’ouverture d’une enquête car la vérité judiciaire fera voler en éclat l’affirmation « un assassinat en haine du christianisme et de l’étranger ».
En Algérie, le bon sens populaire n’a nullement besoin d’une enquête pour désigner les véritables commanditaires. Dans l’histoire des Algériens, au cœur de la terreur des années 50, jamais un lieu de culte n’a été attaquée, de surcroit un homme religieux. Et l’Eglise chrétienne en plein tourmente algérienne, sous la direction de Monseigneur DUVAL cessa d’être une Eglise coloniale au service de l’Algérie française mais une Eglise en terre d’Islam. Une Eglise algérienne. « Porter atteinte aux Droits de l’homme c’est profaner l’honneur de Dieu », une déclaration qui a valu à Mgr Duval d’être qualifié par les partisans de l’Algérie Française de « Ben Mohamed Duval » pour son soutien au peuple algérien dans sa lutte pour sa liberté. Comment les Algériens que nous sommes pouvons-nous admettre d’être indistinctement accusés de leur mort ? Une telle accusation nous tourmente et pèse sur notre conscience. L’Algérien musulman est aussi révolté car le Christ fait partie de sa croyance et de sa personnalité religieuse. L’idée de porter atteinte à un homme de religion, à un lieu de culte est étrangère à notre histoire, à notre personnalité algérienne.
Parmi les Moines, le Frère Luc, le plus ancien, arrivé au Monastère en 1947, médecin de profession, soignait les Maquisards durant la guerre de libération, par son humanisme, il était le médecin du village et le confident des personnes qui le sollicitaient. Le village de Tibhirine s’est formé autour du Monastère. Il en constituait le cœur. Christian de Chergé, ayant connu l’Algérie dans son enfance par son père, militaire affecté en Algérie, puis par son service militaire est resté profondément attaché à l’Algérie. Profondément croyant, sa mère qui fut sa première église lui a inculqué le respect du musulman ; un autre croyant qui prie le même Dieu. Cette croyance en Dieu et son respect pour le musulman ont définitivement orienté sa vocation et son choix : il sera Moine et servira en terre d’islam : l’Algérie. Il apprit l’arabe et fera du Coran et du dialogue interreligieux sa deuxième passion. Cette communauté des Moines était chez elle à Tibhirine. Elle faisait partie du paysage, de la vie du village et vivait en osmose avec les villageois. Dans une rencontre avec le Frère Luc en pleine guerre civile, Dom Armand Veilleux, l’ancien procureur des Moines au moment de leur assassinat, rapporte ce que Luc lui avoua « s’il nous arrivera quelque chose, sachez que ce ne seront pas les islamistes, mais ceux vêtus d’uniformes officiels ».
Etre, pour les Moines c’est avant tout aller à la rencontre de l’autre. Plus qu’une maxime, ce fut le crédo des Moines de Tibhirine. La rencontre avec l’autre libère, élève et enrichit. La vérité est fille de la rencontre. Pour les Moines, la rencontre est garante de leur foi, de leur humanité ; honorer Dieu c’est honorer sa Créature. Ce message habitait et animait les Moines. Chrétiens en terre d’islam, ils ont aimé l’Algérie et les Algériens. Dans leurs cœurs de chrétiens, il n’y a pas de frontière dans la fraternité entre les hommes et les peuples. « Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre », cette phrase de la lettre- testament spirituel- de Christian de Chergé nous oblige, par amour de la vérité, par amour de nos frères, par fidélité à leur message fraternel, par amour de l’Algérie du peuple, à réclamer la vérité sur les véritables commanditaires de leur enlèvement et de leur assassinat.
L’actualité brûlante en Algérie et en France nous oblige aussi. Si dans les années 90, la guerre idéologique était menée par l’Algérie des Généraux contre l’islamisme, contre une partie du corps social, depuis 2019, la lutte est menée contre la société. Les prisonniers d’opinion depuis février 2019 n’ont pas une couleur politique propre mais appartiennent à l’ensemble du corps social et portent une seule et même revendication : le changement radical. La deuxième grande victoire du « Hirak pacifique et populaire » est d’avoir révélé la vraie nature du pouvoir algérien : antipopulaire, antidémocratique, mafieux et prédateur. L’image d’une Armée républicaine qui a sauvé la République de la terreur islamiste est un grand mensonge. Existe-t-il vraiment une République en Algérie pour l’avoir sauvée en 1992 ? L’Algérie des Généraux a-t-elle le sens du bien commun ? L’Algérie n’est-elle pas une propriété de l’Algérie des Généraux ? La culture militaire est l’autre nom de la culture coloniale. Le mépris du peuple est l’essence des deux mentalités coloniale et militaire. « AL HOGRA- mépris et injustice » touche tous le corps social en Algérie ; le peuple revendique le statut de victime (Hagrouna). La culture militaire est une culture de spoliation et non d’édification. Elle sème la non-vie en Algérie. L’Algérie des Généraux représente une menace réelle sur le peuple algérien, sur l’unité territoriale de l’Algérie, sur la stabilité de la région et sur le respect de la dignité humaine. L’Algérie est malade de la culture militaire. Celle de l’Algérie des Généraux.
En France, force est de constater que le musulman a remplacé l’arabe des années 50. L’existence de la France en question : l’Islam menace la République. En rebaptisant en 2023 une Esplanade au nom de Pierre Sergent, ancien chef de l’OAS, terroriste et antirépublicain, Louis Aliot atteste et signe que le destin spirituel de la France est menacé par les immigrés, les enfants des anciens colonisés : en un mot par les musulmans. Seul rempart : la France française. La France chrétienne.
La lumière sur l’évènement douloureux de l’assassinat des Moines lèvera le voile sur la nature véritable des commanditaires, redonnera espoir selon Armand Veilleux aux milliers de familles algériennes qui attendent toujours des éclaircissements sur le sort des leurs morts et disparus depuis 1992 dans des situations analogues, ces hommes et ces femmes dont nos frères de Tibhirine se voulaient solidaires.
La vérité sur les raisons véritables de l’enlèvement et de l’assassinat des Moines dédouanera pour toujours l’Islam et la thèse « en haine du christianisme » sera définitivement enterrée. Et les Algériens ne seront plus indistinctement accusés de leur assassinat. Cette vérité redonnera vie et gloire au message des Moines : la fraternité humaine.
Nous sommes là, algériens et français, laïques et religieux, à exiger que le message des Moines doit primer sur les calculs de la Françalgérie dont ne profite qu’une minorité : l’oligarchie financière, qui, des deux côtés de la Méditerranée sème pauvreté, conflits et désespoir.
L’avenir est sombre en Algérie et en France. Face à cette tragédie qui s’annonce, la lumière sur le « Crime de Tibhirine » illuminera la vie des deux peuples et écartera le destin tragique qui les menace, qui nous menace.
Mahmoud SENADJI (Algérie du Peuple) Strasbourg, le 18mai 2023
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Pourquoi la justice s’acharne-t-elle sur Ali Ghediri, général à la retraite qui avait annoncé en 2019 sa candidature à la présidence ? Il avait été arrêté et condamné à quatre ans de prison et, le 17 mai dernier, à un mois de sa libération, il a encore été jugé et condamné à six ans de prison. Du point de vue du droit, Ali Ghediri n’a commis aucun délit qui justifierait ces condamnations sans fondement juridique. Un communiqué sur le site du ministère de la défense lui reproche « de chercher à assouvir des ambitions personnelles » ! Mais depuis quand avoir des ambitions personnelles en politique est un délit ? Le communiqué continue : « À l’approche de l’échéance électorale présidentielle, certains individus mus par des ambitions démesurées et animés par des intentions sournoises tentent et par tous les moyens, notamment les médias, de préjuger des prises de position de l’institution militaire vis-à-vis de l’élection présidentielle et s’arrogent, même, le droit de parler en son nom ». Dans ses différentes déclarations, Ali Ghediri n’a jamais prétendu parler au nom de l’institution militaire. Il s’est toujours présenté comme un citoyen que la constitution autorise à être candidat à des fonctions électives.
Une analyse du texte publié sur le site du ministère de la défense incriminant le général à la retraite est révélatrice des craintes du Commandement militaire. La candidature de Ali Ghediri met en danger le mécanisme bien huilé de la désignation du président de la république par le Commandement militaire. Ali Ghediri n’est pas un simple citoyen qui se déclare candidat et qui n’aurait aucune chance d’être élu. Il est issu de l’armée, et sa candidature est susceptible d’attirer une grande partie de l’électorat. Il a des chances de l’emporter, ce qui ferait de lui un président qui n’aura pas été choisi par le Commandement militaire. Mais pourquoi une partie de l’électorat voterait pour lui ? En Algérie, il y a une forte aspiration au retrait de l’armée du champ politique, et en même temps, l’opinion voudrait que ce retrait se déroule pacifiquement et avec l’assentiment des officiers supérieurs. En sa qualité de général à la retraite, s’il est élu, Ali Ghediri a les attributs pour opérer ce retrait sans heurter l’institution militaire. Il donnera par ailleurs à la présidence l’autorité constitutionnelle sur les appareils militaires, en particulier les services de sécurité, sans pour autant inquiéter outre-mesure les chefs de l’armée. Il fait partie de la maison des Tagarins à laquelle il montrera sa loyauté. Il trouvera le langage pour convaincre ses anciens collègues à qui il donnera des garanties.
Ce scénario, le Commandement militaire le refuse, tenant à désigner un civil sans charisme et sans ancrage populaire. Pour cette raison, Abdelmadjid Tebboune est le candidat idéal qui sera reconduit autant de fois qu’il le voudra. Avec Ali Ghediri président, le Commandement militaire craint de ne plus exercer l’autorité politique sur la présidence, et sur les différents services de l’Etat, notamment la justice. C’est pourquoi il est perçu comme l’adversaire le plus dangereux pour le système. La sentence de six ans de prison a été prononcée le 17 mai pour l’empêcher de se présenter aux scrutins présidentiels de 2024 et de 2029. La crise de l’autorité de l’Etat en Algérie a pour origine le refus des généraux à obéir à un chef politique investi d’une véritable légitimité électorale, que ce chef soit issu de ses propres rangs ou d’un parti.
Parmi les plus importantes stipulations opérantes dans le domaine de la conscience politique arabe, qu’il s’agisse du pouvoir ou de la société, il est une des plus fonctionnelles, des plus dangereuses dans sa valeur procédurale, capable éminemment d’induire la conscience de son destinataire.
Cette stipulation repose fondamentalement sur le fait que l’assise de toute l’humiliation et du retard du monde arabe réside intégralement dans les agissements belliqueux de l’ennemi extérieur et le complot étranger contre ses peuples et ses États.
Cette énonciation n’est pas fausse dans son origine car elle repose sur deux éléments essentiels. Le premier élément réside dans le contexte historique basé sur le passé colonial des puissances étrangères, en particulier occidentales, dans ses pays. Ce sont elles qui ont tracé les frontières de Sykes-Picot, occupé et morcelé le Grand Maghreb, entravant ainsi le développement de la nation arabe et commettant les pires crimes à son encontre.
Le deuxième élément se résume par la présence dominante de l’acteur étranger dans les trajectoires des pays de la région, en soutenant des dictatures, en orchestrant des coups d’État et en infiltrant l’économie, allant jusqu’à l’invasion militaire, comme cela s’est produit en Irak ces dernières années.
La question corolaire qui s’impose d’elle-même est la suivante : comment les régimes arabes et leurs bras médiatiques et publicitaires ont-ils exploité cet élément discursive afin de consolider une certaine conscience qui dissimule la réalité du conflit et de ses outils ? Existe-t-il un moyen de démanteler le mensonge entourant cet élément ? Quelles sont les véritables motivations derrière cette utilisation ?
Le mensonge comme outil de diversion politique
Ce qui distingue l’image de l’ennemi extérieur dans le discours politique officiel arabe, c’est qu’il est une entité insaisissable, dépourvue de frontières claires et de caractéristiques distinctives permettant de le différencier des autres concepts dynamiques. Tantôt il est assimilé à la franc-maçonnerie, tantôt à l’impérialisme, parfois à l’OTAN, et d’autres fois à la conspiration sioniste mondiale entre autres parmi tant d’autres entités agressives que ce discours présente comme la cause du retard et de l’arriération des peuples de la région.
Il est vrai que ces différentes composantes, avec leurs divers aspects et origines, sont des entités politiquement, intellectuellement, culturellement expansionnistes et même militairement. Par exemple, la pensée sioniste représente le pilier sur lequel s’est fondée l’entité d’occupation en Palestine, après avoir réussi, au cours de siècles tout un travail secret et public, à faussement convaincre les puissances coloniales occidentales du droit d’établir un foyer juif en Palestine. Il est également vrai que l’OTAN, qui réunit les anciennes puissances coloniales européennes aux côtés des États-Unis, est fortement présent dans l’espace géopolitique arabe et exerce une influence puissante grâce à ses bases militaires et à ses agents locaux.
Cependant, regarder ces composantes sous un angle différent soulève des questions : depuis des siècles, remontant jusqu’aux croisades, le conflit et les tensions entre l’Orient et l’Occident ont été la norme. Cela s’est développé après le déclin du califat ottoman, jusqu’à la liquidation de son héritage après sa chute, conduisant à la soumission totale du Levant arabe en particulier à l’influence de ces puissances. Le principe de l’expansion, la recherche de marchés, de sources d’énergie et de matières premières, voire de main-d’œuvre bon marché (comme le commerce des esclaves), est la règle plutôt que l’exception dans les relations entre l’Orient et l’Occident, ainsi que dans les relations internationales en général.
En d’autres termes, les puissances européennes et les entités mentionnées ci-dessus sont en réalité des acteurs qui remplissent leur fonction expansionniste dictée par le principe du conflit, qui est la loi des relations entre les États, les peuples et les civilisations depuis les premiers jours de l’histoire. Par conséquent, tous les pays, y compris les grandes puissances, suscitent l’avidité d’autres forces qui cherchent à les affaiblir, les démanteler, les contrôler et s’approprier leurs richesses. La prise de conscience de cette loi a contraint les pays à intensifier leur production militaire, à développer des systèmes de défense et de renseignement, y compris la course effrénée pour obtenir des armes de dissuasion, notamment les armes nucléaires. Aucun pays, peuple ou civilisation sur terre n’est exempt d’ennemis qui les guettent, cherchant à les renverser et à les dominer. C’est la recherche éternelle de la richesse, du pouvoir, de la domination et de l’imposition du modèle civilisationnel sur les entités faibles, conformément au principe selon lequel la survie appartient toujours au plus fort.
Le véritable ennemi est à l’intérieur
Au niveau arabe, le pouvoir despotique local a réussi à dissimuler tous ses échecs en réprimant les libertés, en restreignant la presse et en réduisant au silence les opinions divergentes sous le prétexte d’une conspiration étrangère visant la patrie. Dans le récit officiel arabe, la patrie est assimilée au régime, le régime est identifié à la caste dirigeante et son leader, sans qu’il y ait d’autorité pour la surveiller, de parlement pour définir son action ou de système judiciaire pour la tenir responsable.
Tous les efforts du dirigeant tyrannique sont là uniquement dans le but d’exploiter la théorie du complot afin de consolider son pouvoir en évoquant continuellement les comploteurs, les traîtres, les entités parallèles, les centres de pouvoir et les infiltrés étrangers. Cependant, cela ne s’arrête pas là, car les courants intellectuels et politiques ont récupéré ce masque des mains du pouvoir pour renforcer davantage leur position en réutilisant le discours de l’ennemi extérieur.
Dans le discours de gauche, par exemple, la diabolisation de l’impérialisme mondial, du nouvel ordre mondial et du capitalisme sauvage en provenance d’outre-mer prévaut, accusant ces forces d’avoir dévoré les nations et écrasé la classe ouvrière. Mais ces mêmes écoles de pensée de gauche sont en réalité fondées sur des concepts occidentaux et ont adopté leur cadre théorique par le biais des théories communistes, de la philosophie de la lutte des classes et d’autres idées importées et appliquées dans le contexte arabe.
Imputer tous les problèmes de retard et de déclin internes à des facteurs externes permet au régimes dictatoriaux arables d’échapper à toute responsabilité et détourne l’attention des masses des responsables internes qui permettent à l’ennemi extérieur de contrôler les patries et de piller leurs richesses. D’autre part, les courants nationalistes et arabistes se sont illustrés en attaquant le sionisme mondial et les puissances impérialistes qui contrôlent le destin arabe, comme cela a été clairement souligné dans les discours de Nasser, Kadhafi, El-Assad et de Saddam.
Cependant, ce courant arabe n’a pas hésité à se ranger aux côtés du projet iranien et du projet russe, comme cela s’est clairement manifesté lors des vagues de répression et de suppression qui ont accompagné les révolutions du printemps. De plus, l’idée même de nationalisme n’est pas d’origine arabe, mais a été un projet britannique, tel que la Ligue arabe, visant à lutter contre l’alternative islamique d’une part et à faciliter l’élimination des vestiges du califat ottoman lors de la Première Guerre mondiale d’autre part.
Les islamistes, dans leurs diverses écoles et courants, n’ont pas dérogé à cette règle. Pour eux, l’Occident chrétien et les pays infidèles sont les ennemis principaux de l’Islam et des musulmans. Ils sont la source de tous les maux qui ont conduit la nation et la communauté à leur situation actuelle. Cependant, la répression subie par les mouvements islamistes dans les pays arabes, en particulier, a poussé leurs dirigeants à chercher refuge et stabilité dans les pays occidentaux, sans que cela ne pose de problème dans l’application des principes des mouvements islamistes.
Si le pouvoir arabe bénéficie de l’exportation de ses problèmes en les imputant à l’étranger, l’opposition commet les pires crimes en niant que la source de la maladie et la cause du retard se trouvent à l’intérieur. Imputer aux forces extérieures toutes les causes du retard et de l’effondrement interne exonère les régimes tyrans de toute responsabilité et détourne l’attention des masses des responsables internes qui permettent à l’ennemi extérieur de prendre le contrôle des patries et de piller leurs richesses.
Par conséquent, le fait de transvaser la responsabilité de l’ennemi extérieur absolu à un responsable interne spécifique constitue un tournant majeur dans la déconstruction des mythes de des dictature arabes et de leurs codes secrets, et par conséquent pavant le chemin de la reconstruction d’une conscience populaire éminemment politique qui rompt avec les slogans trompeurs et les distorsions afin d’établir une compréhension plus profonde et plus authentique des causes du retard et de la terrible déchéance du monde arabe.
Khaled Boulaziz
By : Souhail Chichah et François Burgat
La criminalisation indistincte des courants de l’islam politique, y compris les plus légalistes (tels les Frères musulmans), aussi bien dans chacune des enceintes nationales européennes, dont la France, que dans celles de ses partenaires du Proche et du Moyen-Orient, apparaît comme l’une des plus néfastes contre-performances diplomatique, politique et intellectuelle de l’Occident en général, de la France en particulier. Elle est notamment aujourd’hui au cœur de l’isolement croissant de la diplomatie française au sein des opinions publiques du monde musulman.
Dans la France de Gérald Darmanin, tout comme dans plusieurs autres pays européens, l’accusation de “proximité avec le frérisme” peut aujourd’hui conduire n’importe quelle structure associative à la “peine capitale” de dissolution. Le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF) bien sûr, mais également la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) l’illustrent, dont la dissolution a été prononcée sur la base d’accusations aussi fragiles que, par exemple, quelques “likes” antisionistes rebaptisés en autant d’attaques antisémites. L’islamism bashing a créé une nouvelle infraction aux principes de la République : celle de l’exercice illégal de la politique ou, plus simplement encore, de cette élémentaire liberté d’expression dont elle se prévaut pourtant constamment.
Modelée sur le sens commun érigé en connaissance, de la peur et de la haine construites de l’Islam, une nouvelle vague de “frérisme bashing” surfe sur les militances, politicienne ou intellectuelles, d’Eric Zemmour à Marine Le Pen en passant par Caroline Fourest ou Damien Rieu. Cette obsession est nourrie du vieux fantasme de “l’islamisation de la France”. De Hassan Chalghoumi à Mohamed Louizi, l’enthousiaste supporter de Zemmour, en passant par Mohamed Sifaoui, Zohra Bitan ou Zineb Al Ghazaoui, elle est sans trop de surprise reprise en chœur par un quarteron de native informants, érigés en Musulmans modèles à titre d’alibi du racisme, aussi médiatisés que non représentatifs des Musulmans de France qui, dans leur grande majorité, condamnent leurs propos. Ce «frérisme bashing » a de tout temps reçu également la caution d’une frange de l’appareil académique. De Gilles Kepel, héritier français de Bernard Lewis, à Bernard Rougier en passant par Pierre-André Taguieff, le statut de cette chapelle-là est d’être aussi surmédiatisée qu’elle est minoritaire dans l’enceinte académique.
Dans la lignée du concept de « judéo-bolchévique », le trope « islamo-gauchiste » frappe tout critique de l’islamophobie qui n’est pas musulman. En choisissant d’ignorer purement et simplement la demande d’une enquête sur “l’islamo-gauchisme” à l’université formulée par sa ministre de tutelle, Frédérique Vidal, (demande spectaculairement reniée depuis lors par la ministre), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) s’est donné les moyens d’adopter sur le sujet, de concert avec la Conférence des présidents d’université, une posture courageusement explicite confirmant le caractère strictement militant et a-scientifique du concept. Malgré cette résistance, la rhétorique de l’anti-islamisme primaire vient de s’afficher à nouveau sous la plume de l’anthropologue chargée de recherche au CNRS Florence Bergeaud-Blackler dans son livre Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (Odile Jacob 2023).
Le livre se compose essentiellement d’un long inventaire nominatif d’individus ou d’associations basés en France, en Belgique ou plus largement en Europe, dont l’auteure considère qu’ils sont, par des moyens plus diversifiés que strictement religieux (caritatifs, sportifs, etc.) au service d’une logique d’”islamisation de l’Europe” au point de vouloir substituer un “califat” aux institutions fédérales, républicaines ou monarchiques en place.
En vérité, le concept de “frérisme d’atmosphère” énoncé par Gilles Kepel, sponsor intellectuel de l’ouvrage, dans sa préface du livre, ne renouvelle aucunement l’imaginaire du “jihadisme d’atmosphère” qu’il avait précédemment promu avec l’un de ses disciples, Bernard Rougier. L’ouvrage ne renouvelle pas non plus de ce fait l’“islamophobie d’atmosphère” qui s’est installée à la tête de l’État français depuis le ralliement spectaculaire en octobre 2020 du président Macron aux thèses de l’extrême-droite qu’il avait décidé de concurrencer pour assurer sa réélection.
Le livre de Bergeaud-Blackler confirme néanmoins un élargissement du spectre de la criminalisation des musulmans amorcée au cours de la décennie écoulée. La cible initiale de la répression avait été un temps limité légitimement aux candidats à l’action terroriste, membres des groupes dits jihadistes. Mais elle a vite englobé l’appartenance salafiste toute entière, aussi piétistes que puissent être une majorité de ses membres. Au mépris des différences évidentes entre les stratégies d’actions des uns et des autres, elle a ensuite inclus l’appartenance formelle puis la simple proximité avec le courant parfaitement légaliste des Frères Musulmans. Avant même la surmédiatisation de l’apport conceptuel très relatif de Bergeaud-Blackler, le recours à la notion évanescente d’”atmosphère” à l’échelle de toute l’Europe avait ainsi permis, en mobilisant la théorie anglo saxonne du conveyor belt, de stigmatiser la quasi-totalité de la sphère citoyenne musulmane, toutes obédiences confondues.
Des acteurs explicitement extérieurs aux Frères Musulmans, comme les animateurs du Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), avaient ensuite été condamnés à la “mort citoyenne” et dûment exécutés par les oukases du ministre de l’intérieur qui, sur la base d’une accusation de séparatisme, avait dissous plusieurs centaines d’associations. La nouveauté relative apportée par FBB vient peut-être du fait que des chercheurs explicitement hostiles aux Frères Musulmans (tel Omero Mongiu ou Haoues Seniguer) qui avaient imprudemment accepté d’exposer à l’auteure leurs griefs vis à vis de ce courant …ont été présentés, dans ou en marge du livre, comme autant d’agents masqués participants de la dynamique d’islamisation qu’entend dénoncer l’ouvrage.
A l’analyse, la thématique de criminalisation de l’entière mouvance de la militance citoyenne musulmane développée par FBB se révèle au carrefour de quatre dynamiques réactives portées par différentes catégories d’acteurs
La première ressource de cet anti-islamisme obsessionnel procède, en Occident, d’une banale crainte réactive devant l’affirmation d’un lexique exogène au service d’une affirmation politique entrant en résonance avec la dynamique décoloniale. Ce lexique (qui n’est pas une “grammaire” comme FBB pense pouvoir le faire dire aux collègues qu’elle n’a manifestement pas lus) est ressenti comme une sorte de glas de leur confortable hégémonie coloniale puis impériale. Bien davantage que la vieille concurrence entre les dogmes ou même que celle que produit la laïcité excluante “à la française” et sa volonté de proscrire la présence de ce religieux exogène dans l’espace public, c’est plus vraisemblablement leur statut d’ex-colonisés qui exacerbe aujourd’hui le rejet de la prise de parole et de l’affirmation des musulmans. Avant d’être porteuses d’une religion concurrente, les banales exigences citoyennes des croyants musulmans apparaissent avant tout comme celles des ex-dominés de l’ère coloniale. Elles provoquent dans tous les cas des réactions du plus traditionnel racisme (voir Burgat et Chichah 2023). Notons au passage que les revendications les plus légitimes des descendants des colonisés sont, lorsqu’elles ne proviennent pas d’acteurs se revendiquant de l’islam, tout autant discréditées, non point comme “islamistes” mais comme “identitaires” ou “racialistes”.
Plus près de nous, le second terreau de cette poussée réactive est nourri par l’obsession de la diplomatie israélienne de donner une base exclusivement idéologique -et donc apolitique- à la résistance que suscite très logiquement la violence de son occupation de la Palestine. “Vous avez Ben Laden, nous avons Yasser Arafat” avait ainsi cru pouvoir affirmer Ariel Sharon en 2001, sans même attendre l’affirmation électorale du mouvement de la résistance islamique (Hamas). Il s’agit tout simplement de faire croire au monde que les Palestiniens résistent non pas parce qu’ils sont occupés, mais parce qu’ils sont autant de “fréristes”.
La troisième composante de la dynamique de criminalisation des courants dits “de l’Islam politique” procède des efforts non moins coordonnés et non moins efficaces des autocrates arabes. De Sissi aux Émiratis ou à Bachar al-Assad (en passant par le monarque chérifien, les généraux algériens ou le monarque saoudien), ils ont tous entrepris de surfer sur la vague de l’islamophobie européenne. Un exemple archétypique de cette synergie est la demande exprimée, à Paris, en 2019, par le président égyptien Abdelfatah al-Sissi comme par le prince héritier saoudien MBS, à travers la personne de Mohammad Abdelkarim Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, de lutter non plus contre le terrorisme ou l’extrémisme mais bien plus largement contre ”l’Islam politique”. Ou encore les milliers de dollars déversés sur les auteurs français ayant accepté de noircir l’image de l’allié qatari des “fréristes”, etc.
Le discours “anti islamiste” des autocrates arabes prend enfin appui sur une frange des opposants arabes de gauche ou autres qu’islamistes. Hormis au sein d’un tout petit noyau d’athées parfaitement légitimes, l’hostilité de la gauche à l’égard des Frères date de la rivalité de ces derniers avec Nasser au milieu des années 50. Mais c’est en Algérie, en 1992, qu’elle a pris un nouvel essor, avec l’”éradication” (sic) violente des vainqueurs, islamistes, des élections législatives par un coup d’État militaire soutenu tacitement par la France.
Jusqu’à ce jour, dans l’opinion occidentale et une partie de l’opinion arabe, les atrocités qui ont émaillé cette “décennie noire” algérienne n’ont toutefois été attribuées qu’aux seuls islamistes. Le regard dominant a peiné, ce faisant, à prendre en compte la réalité de l’implication tout à fait directe et parfois même exclusive des Groupes “islamiques”… de l’armée, comme notamment dans l’assassinat emblématique des moines de Tibherine ou encore dans certains des plus terribles massacres de civils résidant dans les régions acquises… à l’opposition islamiste.
Cet unilatéralisme du regard médiatique a très logiquement alimenté le rejet du spectre islamiste tout entier, perçu comme un bloc homogène, sans prise en considération des différences considérables, programmatiques et de modes d’actions des différents courants oppositionnels se revendiquant de l’islam. A l’aube des printemps arabes, cette dynamique de criminalisation unilatérale, puissamment relayée par les régimes autoritaires fragilisés par la poussée protestataire, a trouvé un nouveau terreau. C’est alors en effet que les gouvernements arabes, leurs opposants “de gauche” ou “libéraux,” et leurs partenaires occidentaux traditionnels ont réalisé que les courants islamistes tunisiens ou égyptiens étaient, tous courants confondus, majoritaires dans les urnes. Dans ce contexte, l’affirmation de la frange violente des groupes transnationaux (dont l’Etat islamique) et leur rhétorique provocatrice a renforcé la crédibilité d’une violence inhérente à la seule appartenance islamique, faisant peu de cas d’une réalité de terrain infiniment plus complexe. S’est imposé ainsi une lecture des ressorts de la violence à la fois dépolitisée et essentialisée, c’est-à-dire coupée de ses dimensions banalement politique et sociale.
L’analyse de la “violence islamique” souffre depuis lors de deux faiblesses structurelles : elle méconnaît l’impact déterminant de la substitution des institutions répressives à celles de la représentation politique. Et elle cède ainsi au raccourci de l’essentialisation d’une “contre violence” qui est le plus souvent trivialement politique et sociale. Ainsi par exemple, dans le cas de la Syrie, la répression de Bachar El Assad, est selon les observateurs internationaux (https://snhr.org/), sans aucune mesure avec la violence de Daesh. Comme le souligne Paulo Pinheiro, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur la Syrie: « Le gouvernement syrien reste responsable de la majorité des victimes civiles ». Mais le gouvernement syrien tente d’occulter sa répression , alors que Daesh fait de l’action violente un axe central de sa communication.
De Boualem Sansal à Kamel Daoud en passant, hélas, également par des personnalités telles que les Egyptiens Ala Aswani (qui s’est tardivement repenti) ou Samir Amin et bien d’autres “phares” de la pensée arabe de gauche, les ténors de l’anti-islamisme arabe ont pour dénominateur commun d’opter, dans leur compétition politique contre leurs rivaux islamistes, pour le soutien à la répression visant leurs adversaires plus que pour une compétition électorale qu’ils savent perdue d’avance. L’influence de ces oppositions éradicatrices, très minoritaires dans les sociétés du « Sud », est toutefois proportionnelle à la surmédiatisation que leur accordent traditionnellement les sociétés occidentales.
Tant aux USA qu’en Europe, c’est cette invisibilisation de la matrice trivialement politique et sociale de la violence islamiste, par sa représentation comme ontologique à l’islam, que vise la réthorique islamophobe. Rhétorique bien pratique pour occulter les dynamiques mêmes qui lui donnent naissance.
Parmi les thèmes récurrents de cette rhétorique, la condition de la musulmane, thématique déjà mobilisée lors de la colonisation française de l’Algérie. Pourtant, s’agissant la relation complexe entre la dynamique de “réislamisation” et le féminisme, de nombreuses chercheuses de toutes nationalités, de Faribah Adelkhah à Zahra Ali en passant par Saba Mahmood et Nilüfer Göle, ont démontré qu’islamisme et féminisme ne sont pas mutuellement exclusifs.
Que reste-t-il dès lors de “l’enquête” en question ? Dès 1928, les Frères musulmans sont effectivement, comme l’écrit l’auteure, les fondateurs de la réaction décoloniale. Était- ce là un engagement politique répréhensible? Sans l’ombre d’un doute, s’il faut en croire la baronne Catherine Ashton, cheffe de la diplomatie et ancienne vice-présidente de l’Union Européenne, actrice active en 2013, de l’appui de l’Union europénne à la destitution militaire du premier président égyptien élu démocratiquement, mort après six années de détention; “assassinat arbitraire” selon l’ONU.
Les victimes de l’intense répression de Abdelfattah al-Sissi, fait Grand Croix de la Légion d’honneur en 2020 par la France, tentent depuis de faire entendre leur voix auprès des instances européennes. C’est là que, sans trop de difficultés, l’enquêtrice du CNRS a traqué leur présence. Certes, les frères musulmans en exil multiplient leurs efforts – parfaitement infructueux à ce jour comme l’atteste la médiatisation irresponsable de l’ouvrage qui les criminalise – pour améliorer leur image. Le font-ils avec autant d’efficacité que les innombrables lobbies qui gravitent autour de l’UE, des camionneurs au défenseurs de la marocanité du Sahara occidental ou encore les soutiens inconditionnels d’Israël ? Cela reste à démontrer…
La méthodologie de ce type de recherche sur clavier, qui produit des résultats “hors sol”, répond à de stricts présupposés. Point de contextualisation politique. Point ou si peu de rencontres de terrain directes, ni en Europe ni encore moins dans les terroirs d’origine de l’islam politique, terra à peu près incognita. Toute exigence scientifique de proximité avec le terrain est réduite à une coupable empathie – “Burgat, dit par exemple l’auteure en question, prétend avoir regardé l’islamisme “en face” alors qu’il s’est en réalité tenu “à ses côtés”. On y décrypte l’objet “frériste” à distance, aussi bien historique que spatiale, sans historicité ni perspectives contradictoires autres que grossièrement caricaturées. Contemplé de loin, l’objet frériste l’est ainsi également “de travers”, au prisme des seuls écrits de ses adversaires locaux ou régionaux, inscrits plus effectivement de ce fait dans le registre de la répression socio- politique que dans celui de l’analyse scientifique.
“FBB, pour sa part, est montée d’un cran dans la prise de distance avec l’éthique de la recherche en intégrant dans son bagage conceptuel la prescription normative imposée par le.la chercheur.se “ écrit l’un de ses plus proches collègues, le sociologue des religions Omero Mongiu-Perria. “Elle ne se propose plus uniquement de restituer la réalité d’un champ, elle définit elle-même en amont ce que constitue la « normalité musulmane acceptable » dans notre société et l’islamité qui lui serait antinomique et qu’elle englobe sous le vocable de « frérisme ». D’une manière confuse et sur une posture complètement idéologique, elle décrète que toute signe visible de l’appartenance à l’islam et tout attachement aux normes liées à la pratique cultuelle ou à la consommation traduisent l’appartenance à la « matrice frériste ». Dommage. Car l’enjeu est essentiel. Pour la société française toute entière, comme pour l’”Occident”. Pour l’avenir de leurs relations, essentielles, avec leur indissociable composante et leur incontournable environnement “musulmans”. Et pour leur honneur.
Khaled Satour
En quoi la condamnation prononcée aujourd’hui contre Ali Ghediri par la cour d’appel d’Alger nous concerne-t-elle[1] ? Et, alors qu’il devait être libéré le mois prochain, en quoi le confirme-t-elle dans le titre peu enviable de détenu politique algérien le plus ancien ? Telles sont les deux questions que je pose.
D’abord, parce qu’il avait en 2018 publié une série d’articles sur El Watan puis répondu à une interview de ce même journal pour s’opposer au 5e mandat de Bouteflika, avant de déclarer en janvier 2019 sa candidature à l’élection présidentielle. Comment ne pas relever rétrospectivement à quel point l’appel qu’il lançait alors à ses « ainés » de l’armée était prémonitoire ?
« Je reste convaincu, écrivait-il trois mois avant le début du Hirak, que vous êtes les seuls, tant qu’il est encore temps, à pouvoir changer le cours des choses avant que le feu ne prenne. Vous êtes les seuls à pouvoir prodiguer vos sages conseils à ceux, parmi les vôtres, qui (…) sont à même d’éviter le pire à ce pays. Vous êtes les seuls à pouvoir les faire sortir de cette posture d’entêtement génératrice de violence. Vous êtes les seuls à pouvoir les convaincre de transcender leur ego au profit d’une transition générationnelle pacifique du pouvoir » (El Watan du 22 novembre 2018).
L’acte préliminaire du Hirak
Ensuite, parce qu’il est légitime d’avancer l’hypothèse que cette soudaine irruption sur la scène politique d’un homme nouveau, si dépourvu en apparence d’influence et de soutien et pourtant armé d’une vision si élaborée de la transition, était l’acte préliminaire du Hirak écrit en coulisses par une partie de l’appareil militaire. Cela expliquerait que l’insurrection pacifique qui a suivi n’ait pas été réprimée par la violence, comme si elle avait l’assentiment préalable d’une partie du pouvoir qui l’immunisait contre une dérive sécuritaire nuisible à tous les clans. C’est cela, le fameux consensus des décideurs dont ils connaissent tous le prix et qu’ils n’ont jamais renié sans entraîner la nation dans la tragédie !
Telle est hypothèse qui m’avait d’emblée paru la plus vraisemblable et que j’ai toujours opposée à la thèse fantaisiste d’une révolution colorée instrumentalisée par la NED ou par je ne sais quelle autre officine occidentale qui aurait évincé les services occultes algériens des territoires de la manipulation qu’ils ont toujours jalousement gardés.
Et s’il est vrai que la conjugaison de la manœuvre et du mouvement populaire a pu faire échec au 5e mandat, il est tout aussi exact que la candidature du général a capoté en même temps que le Hirak quand il s’est avéré que le courant dominant incarné par le général Gaïd Salah n’irait pas plus loin dans les concessions. Ayant lié son sort à celui du mouvement populaire, Ghediri devait subir la même diabolisation que lui afin que le régime puisse se normaliser et retrouver les marques qui furent toujours les siennes.
Il n’en est pas moins intéressant d’observer les termes retenus pour signifier sa disgrâce à Ghediri et le langage auquel celui-ci a recouru pour se défendre.
La seule accusation finalement retenue contre lui lors du procès est d’avoir porté atteinte au moral de l’armée. C’était assez dire que l’officier qui avait fait une si longue carrière dans l’armée n’était pas tant jugé au nom du peuple qu’au nom de l’institution militaire à laquelle il avait voué sa vie et que, en conséquence, il encourait surtout une excommunication prononcée par ses pairs.
Or, les propos qu’on lui a reproché étaient d’un légitimisme tout à fait convenu. Il avait dit pour s’opposer au 5e mandat qu’il ne pensait pas « que le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah puisse permettre à qui que ce soit de violer d’une manière aussi outrageuse la constitution », ajoutant : « Je reste persuadé qu’il sera au rendez-vous de l’histoire, comme il l’a été hier, alors qu’il n’avait que 17 ans ».
Le droit est bafoué, mais la morale ?
Ghediri ne pouvait cependant pas faire oublier à ses accusateurs qu’il s’était enhardi en janvier 2019 à se voir plus grand qu’il n’était, proclamant dans un élan d’exubérance sa fameuse profession de foi : « Ou c’est moi ou c’est le système ! », et précisant en février 2020 dans « une lettre à l’opinion », pour attester de l’autonomie de son initiative, qu’il s’était engagé « en tant que citoyen ».
Il a eu beau rétropédaler devant ses juges, insistant sur son long parcours dans l’armée et s’indignant qu’on le suspecte de « porter atteinte à une armée (qu’il a) servie durant 42 ans et dans laquelle travaillent beaucoup de (ses) proches », ses protestations étaient inaudibles.
C’est là que réside l’ambiguïté du personnage : un soldat qui s’est découvert citoyen sur le tard ou un citoyen dont la fibre patriotique est subordonnée aux allégeances jurées au sein de l’armée?
S’il avait existé en Algérie des juridictions statuant au nom du peuple sur la base de lois démocratiques, Ghediri aurait pu plaider sa cause citoyenne avec quelque espoir de réussite. Mais les tribunaux qui l’ont jugé étaient constitués en cours martiales et il était condamné d’avance.
Le droit est certes bafoué, mais la morale ? S’il avait existé des juridictions appliquant des lois démocratiques, les autres institutions auraient été à l’avenant et Ali Ghediri n’aurait pas été candidat à la présidence dans la perspective d’être coopté par un clan de l’armée. Et certains ont beau louer ses convictions démocratiques, on peut douter de celles de ses mentors.
Ce qui est sûr, c’est qu’il a été condamné ce 17 mai à une peine de prison aggravée qui l’élimine de la prochaine élection présidentielle, alors même que la cour d’appel statuait sur un renvoi de la cour de cassation saisie par sa défense. On a voulu l’empêcher de prendre part à la course à la cooptation qui désignera le président de la République. C’est l’indicateur que rien n’a changé et qu’une nouvelle mystification électorale nous attend en 2024 dont l’arrêt de la cour d’appel constitue le prélude. Ghediri n’est donc pas un citoyen dont on confisque les droits civiques, en même temps que la liberté, mais l’homme d’un clan qu’un autre clan élimine de la course.
Et pour répondre aux questions posées en introduction, je dirai d’une part que sa condamnation nous concerne pour ce qu’elle révèle de la perpétuation du système et d’autre part que Ghediri n’est pas un détenu politique mais l’otage d’un système auquel il a eu le malheur d’adhérer.
[1] Condamné pour « atteinte au moral de l’armée » en septembre 2021 par le tribunal de Dar El Beida à 4 ans de prison ferme, sa peine avait été confirmée en appel en janvier 2022. Sur un pourvoi introduit par sa défense, l’arrêt d’appel a été cassé par la cour suprême qui a renvoyé devant la cour d’appel. Celle-ci a statué ce 17 mai 2023 à un mois de la date prévue pour sa libération et porté la peine à 6 ans de prison.
Tribune de l’Algérie libre