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Du politique au militaire et du militaire au politique

by Redaction LQA

Lahouari Addi

Ceci est un condensé de sociologie politique de l’Algérie contemporaine qui est un laboratoire de sciences sociales grandeur nature. Son histoire et son évolution depuis la Seconde Guerre Mondiale auraient pu inspirer des théories sociales à portée universelle. Il y a eu Pierre Bourdieu dont la théorie sociologique, au succès académique mondial, a été faite sur la base de son ethnographie du village kabyle. Mais à lire Machiavel et Hobbes, on aurait dit qu’ils savaient ce qui allait se passer en Algérie plusieurs siècles plus tard. Clifford Geertz, le grand anthropologue américain, n’avait-il pas dit que l’humanité avait plusieurs visages ? L’Algérie est un des visages de l’humanité avec ses grandeurs et ses bassesses. Cette phrase de Hobbes ne faisait-elle pas référence à Houari Boumédiène trois siècles plus tôt ? : « L’homme a un désir insatiable de pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu’à la mort » (Léviathan). Personnage machiavélique, mais aussi hobbesien, Boumédiène est le père de ce régime appelé bientôt à disparaître. Mais Boumédiène avait du charisme ; il avait cristallisé sur sa personne les attentes sociales de modernisation et de développement. C’était un nationaliste sincère qui malheureusement manquait de culture moderne. Il était doté d’une intelligence supérieure alors qu’il n’avait pas fait d’études. Bien sûr qu’il a été à Al Azhar en auditeur libre, mais qu’apprend-on à Al Azhar en dehors des sciences religieuses ? Sans être un maquisard de l’intérieur, il était arrivé au poste de chef d’Etat-Major de l’ALN en trompant Krim Belkacem, Boussouf et Bentobbal, trois géants de la guerre de libération. Il n’a jamais lu Clémenceau et, une fois à la tête de l’Etat, il a appliqué l’une de ses phrases : « Si un chef veut briller, il faut qu’il s’entoure d’imbéciles ». Il ne voulait pas qu’un de ses collaborateurs lui fasse de l’ombre. En 1999, les généraux ont choisi le plus proche collaborateur de Boumédiène pour être président. Quelques années plus tard, il a fait effondrer leur régime. Marx disait que l’histoire avance par les mauvais côtés ; en Algérie, même les imbéciles font avancer l’histoire. Mais Marx avait aussi dit que l’histoire se répète toujours deux fois : la première fois elle est tragique, la deuxième fois, elle est tragi-comique. En effet, l’Algérie était passée du burnous berbère porté par Boumédiène avec fierté et dignité à la chaise roulante sur laquelle était assis un personnage inanimé. Du tragique au tragi-comique.
Et ces généraux, sonnés par le caractère massif, joyeux et pacifique de la mobilisation populaire depuis le 22 février ! Que se passe-t-il, se demandent-ils ? Ces généraux, trompés par l’histoire de l’Algérie, ont des circonstances atténuantes. Aucun d’eux n’a jamais ouvert un livre d’histoire, de sociologie ou de science politique, affichant un mépris pour le peuple et pour les intellectuels. Bien sûr, il y a de jeunes généraux qui ont fait des études supérieures. Ceux-là sont confinés à des tâches techniques et administratives. Les généraux politiques, ceux appelés les décideurs, n’ont pas de formation universitaire et n’ont jamais réfléchi au rapport entre le politique et le militaire. En 1954, les Algériens ont militarisé la politique parce que la France coloniale refusait la négociation politique pour l’indépendance. Le colon ne comprenait que le langage du couteau de Ali la Pointe. Et c’était le seul moyen d’acquérir l’indépendance. Les généraux sont restés dans ce paradigme de la violence imposé par l’histoire. Pour eux, la politique est une affaire militaire, et c’est pour cette raison que l’Etat-Major prétend aujourd’hui encore au monopole sur la politique. Le mouvement de protestation populaire, dit Hirak, veut démilitariser la politique et dépolitiser le grade de général. C’est sur ce socle que repose la vie sociale moderne. La militarisation de la vie politique a été imposée par l’histoire. Et comme dit Bourdieu, ce que l’histoire fait, l’histoire le défait. En 1954, les Algériens sont passés du politique au militaire ; en 2019, ils veulent passer du militaire au politique.

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1 comment

Dria 27 octobre 2019 - 16h30

Cher professeur Addi vous avait parfaitement raison. Personnellement ce qui m’intrigue dans cette histoire, c’est comment effacer les stigmates imposés par les militaires depuis 1962. Comment retrouver une classe politique digne héritière de l’Etoile Nord africaine, du PPA et du FLN authentique…

A voir la scène politique actuelle il n’y a rien de réconfortant. Plus grave, ya de quoi avoir peur sachant que Les militaires nous legueront une classe politique soumise. Comme celle qui prépare le scrutin du 12 décembre. Des politicien de service que le gang militaire utilisait à bon escient pour minimiser leurs nombreux revers qu’ils ne peuvent plus cacher d’ailleurs.

La question qui se pose réellement avons-nous les moyens de cette politique (passage du militaire vers le politique)..Connaissant la réalité du terrain et l’amer vérité de n’être pas parvenu encore à une plateforme minimum d’entente nationale, un compromis consensuel de base, que tous les Algériens sans exclusions ni exclusifs respecteront et devront s’y référer en cas de litige ou de désaccord.

Est qu’il est encore possible de le faire? Ou faut-il attendre l’emergence d’une nouvelle classe politique pour y parvenir?

A bien réfléchir cette classe existe belle et bien du moment que le Hirak ne faiblit pas. Si cette classe n’existe pas dans l’opposition c’est qu’elle ne peut être qu’ailleurs et essentiellement dans le Hirak et parmi le peuple. Une nouvelle classe atypique non structurer et non conventionnelle ,qui sait possible qu’elle recelle des potentiel de la troupe de Saad Qace… Espérons que les acteurs du Hirak et la jeunesse algérienne arrivent a sécréter une nouvelle classe politique qui nous fera oublier les humiliations des Bensalah Saidani des Gaid et Nezzar. Vivement un nouveau sang qui inonde la scène politique algérienne et qui permettera l’emergence des universitaires et intellectuelles mis au placards par le militaire. Une nouvelle élite qui aura l’audace d’enclencher le processus tant attendu du changement pour l’édification d’un état de droit avec une justice libre et indépendante …

NB:je ne sais pas si les militaires ont coupé l’internet ou pas encore c’est quoi déjà cette politique..?

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