Entre le Français Emmanuel Macron et l’Égyptien Abdelfattah al-Sissi, il y a bien « des désaccords », mais rien qui ne puisse remettre en cause des relations profitables aux deux parties. Après tout, les affaires sont les affaires. Humeur.
Visite d’État pour le président Sissi chez Macron: deux hommes faits pour s’entendre, malgré «des désaccords»… – Henri Szwarc/Polaris.
Par Baudouin Loos
Journaliste au service Monde
La Une – Le Soir Plus
https://plus.lesoir.be/
Le 7/12/2020 à 19:39
On ne pourra nier à Emmanuel Macron sa maîtrise de l’esquive. Son invité d’honneur, ces jours-ci à Paris, lui en saura gré : Abdelfattah al-Sissi, le président égyptien, aura apprécié les réponses de son hôte en conférence de presse, à l’Élysée ce lundi, lorsque des journalistes ont abordé la question des droits de l’homme en Égypte que l’on sait violés de manière à la fois quotidienne et zélée.
Macron a ainsi déclaré « assumer ses désaccords » avec son invité sur cette thématique, mais il s’est vite repris, ajoutant : « Je ne conditionnerai pas notre coopération en matière de défense, comme en matière économique, à [la résolution de] ces désaccords », a-t-il précisé, évoquant deux arguments : d’une part « la souveraineté des peuples » et de l’autre [le souci pour se montrer] « plus efficace d’avoir une politique de dialogue exigeant plutôt qu’une politique de boycott qui viendrait réduire l’efficacité d’un de nos partenaires dans la lutte contre le terrorisme et pour la stabilité régionale ».
La belle affaire ! La « souveraineté » du peuple égyptien se meut depuis le coup d’État de 2013 dans un espace désespérément clos, celui d’une dictature effroyable qui a embastillé plus de 60.000 personnes de toutes obédiences, qui pratique la torture, qui applique la peine de mort à un rythme sans précédent. Quant à un boycott de l’Égypte, qui consisterait à suspendre les contrats de ventes d’armes françaises (la France est le premier pourvoyeur d’armes de ce pays), il faut exhiber une solide dose de cynisme pour soutenir, comme le fait Macron, qu’il pourrait ébranler la stabilité régionale et l’efficacité de l’Égypte contre le terrorisme.
Alors, certes, la France escompte des « retours sur investissements » de ses bonnes relations avec l’Égypte, et c’est bien le cas en matière de migration illégale ou de coopération politique régionale (notamment en Libye où les deux pays soutiennent sans le claironner haut et fort le « maréchal » Haftar, lui aussi expéditif en matière de droits humains). Mais la motivation française trouve aussi et surtout son origine dans les contrats juteux que l’Égypte conclut avec ceux qui montrent le plus de compréhension vis-à-vis de sa main de fer.
Ceux qui en douteraient pourront se pencher sur la riposte que le gouvernement français réserve à un rapport parlementaire sur le contrôle des exportations d’armement. Cette riposte, secrète, a été dévoilée par le site disclose.ngo ce 7 décembre et elle consiste en un torpillage en règle des velléités parlementaires de contrôle. Il ne faudrait tout de même pas fragiliser, explique-t-on en voix off, « notre crédibilité et de notre capacité à établir des partenariats stratégiques sur le long terme, et donc de notre capacité à exporter ». Ben voyons…