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Syrie : les révolutionnaires de la Toile

by Redaction LQA

Par Delphine Minoui du Figaro

Publié le 29/09/2011 à 21:23

L’Internet est l’arme la plus redoutable des adversaires du régime baasiste.

En trois mois d’exil, c’est la troisième fois qu’il change d’appartement. Non par choix, mais par instinct de survie. À 40 ans, Omar Idlibi est un homme à abattre sur la liste noire des moukhabarat (services de renseignement) de Bachar el-Assad. Rien, à première vue, ne laisse pourtant penser que l’homme au visage fin et à la voix posée puisse présenter un danger pour le régime baasiste. En réalité, ce dissident syrien, aujourd’hui réfugié à Beyrouth, manie l’arme la plus redoutable contre le pouvoir de Damas : celle de l’Internet. « C’est notre planche de salut. Elle me permet de faire le lien entre les Syriens de l’intérieur et le monde extérieur, malgré le black-out des autorités », remarque Omar. Les yeux rivés – de jour comme de nuit – sur l’écran de son ordinateur portable, il est le porte-parole et cofondateur des LCC («Comités de coordination locaux de la révolution syrienne»), une organisation qui anime la contestation depuis plus de six mois et qui s’appuie, entre autres, sur le Web pour informer les médias étrangers – interdits de séjour en Syrie – des exactions du régime.

Quand la première manifestation éclate à Damas, le 15 mars – via un appel lancé sur Facebook – seules quelques dizaines de personnes osent descendre dans la rue. Omar en fait partie. Mais le cortège est vite interrompu par les forces de l’ordre. Arrêté, puis libéré, il ressort de prison encore plus déterminé qu’avant. « Au début, les revendications étaient limitées à des demandes telles que la fin de la corruption, des tribunaux d’exception et de la loi d’urgence. Sous l’effet de la répression, nous avons commencé à réclamer la chute du régime », raconte-t-il. Un collectif d’activistes, d’avocats et de reporters est alors créé- les fameux LCC. Très vite, des membres de la société civile rejoignent cette nouvelle organisation, avec un seul cri de ralliement : «la révolution pacifique jusqu’à la liberté et pour la justice ». D’une centaine de membres, le réseau s’élargit à quelques milliers de personnes à travers tout le pays. Objectif, selon Omar : «Maintenir la flamme du mouvement et documenter les crimes commis par le régime. » Ainsi, un des exercices consiste à trouver un mot d’ordre à chaque grand rassemblement du vendredi, jour de contestation hebdomadaire. Par souci d’équité, une page Facebook – baptisée «Syrian revolution 2011» – offre aux internautes la possibilité de déposer leurs suggestions et de voter pour le meilleur slogan. Parmi les thèmes retenus au cours de ces derniers mois, on pourra retenir «le vendredi de la dignité», «le vendredi Azadi » («liberté» en kurde) ou encore « le vendredi des enfants ». «Un véritable exercice de démocratie ! », souffle fièrement Omar.

Au cœur des manifestations

Inspirés par les révoltes iranienne, tunisiennes ou encore égyptienne, de jeunes «citoyens journalistes », équipés de leurs simples téléphones portables, s’affairent également à tout filmer : manifestations, arrestations, corps de protestataires torturés. Avec, ajoute Omar, un souci permanent à l’esprit : « recouper les informations, identifier le lieu, la source, pour prévenir les accusations de “bidonnage” et éviter les pièges tendus par le régime ou par de simples plaisantins ». En Syrie, personne n’a oublié l’incident malencontreux du blog «Gay Girl in Damascus», dont l’auteur – que les Internautes crurent, un temps, emprisonné pour ses audacieux écrits – n’était autre qu’un Américain vivant en Écosse… Une fois tournées et authentifiées, les vidéos inondent aussitôt le Web, grâce à la ruse de petits génies de l’informatique, experts en contournement des filtres imposés par le pouvoir, pour être ensuite reprises par toutes les grandes chaînes internationales.

«Du matériel satellitaire – de type Thuraya ou BGan -, acheminé clandestinement par les frontières libanaise ou jordanienne, permet également de garder le contact avec le monde extérieur malgré le blocage fréquent des communications téléphoniques et de l’Internet », précise fièrement Omar, qui a d’ailleurs pu s’évader de Syrie par le même biais. Soudain, l’activiste marque une pause en pointant du doigt son téléviseur, branché sur al-Jezira. À droite de l’écran, où défilent des images de manifestants syriens en colère, une petite vignette indique en langue arabe : «en direct de Homs». «Avec les nouveaux équipements dont on dispose, nos reporters qui se trouvent en plein cœur des manifestations peuvent désormais diffuser leurs images en direct », dit-il. Risqué ? « Oui et non !», ricane nerveusement Fadi, un cyberactiviste de Homs, contacté par Skype. «Les forces de sécurité sont tellement corrompues qu’il suffit de soudoyer un garde à la frontière pour faire entrer notre matériel. Et le comble, c’est que certains militaires se font de l’argent de poche en vendant aux activistes les vidéos qu’ils filment eux-mêmes.» En fait, concède Fadi, son inquiétude est ailleurs. « Aujourd’hui, la violence de la répression est en train de pousser certains dissidents à laisser tomber l’arme médiatique pour passer à une véritable rébellion armée. Or ce serait la porte ouverte à une guerre civile  », dit-il.

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