Chers compatriotes de la vallée du Mzab,
Mohamed Baba Nadjar crie justice ! Accusé injustement de meurtre, et condamné, dans une parodie de justice, après une enquête à charge, bâclée et hâtive, à la peine capitale, avant qu’elle ne soit commuée en détention à perpétuité, il n’a jamais cessé de réclamer une révision du procès injuste qui a broyé sa vie.
Toute la communauté ibadite d’Algérie s’est mobilisée pour lui, parce qu’elle était convaincue que ce procès inique cachait une volonté politique de ternir l’image du FFS, et de casser la lente, mais inexorable aspiration des Beni Mzab de s’organiser, et de se structurer.
Mohamed Baba Nadjar a fait savoir à sa famille et à ses défenseurs qu’avant son procès, alors qu’il était encore en garde à vue, un marché ignoble lui a été proposé. Il pouvait, lui avait-on assuré se sortir d’affaire s’il dénonçait un des cadres du FFS de Ghardaïa.
A la veille du procès, en janvier 2009, vous aviez donné une consigne ferme à toute la population de Ghardaïa d’observer une grève générale. La ville fut paralysée, et l’Algérie toute entière découvrit ce jour là l’admirable cohésion, et la haute discipline des Beni Mzab, toutes couches sociales confondues. C’en fut trop pour le régime, qui fit reporter le procès, puis le délocalisa vers Médéa, une ville symbole de procès politiques dans un passé récent.
Lorsque le deuxième procès se tint, et au moment où Baba Nadjar entra dans la salle d’audience, en ce 27 mai 2009, il fut accueilli par une salve d’applaudissements. Parce que les Beni Mzab ont voulu affirmer publiquement leur conviction sur l’innocence de Mohamed. Lors du procès, les avocats de Mohamed, brillants et déterminés à faire éclater la vérité, démontèrent avec brio toutes les charges contre leur client. A l’issue du procès, toute l’assistance était convaincue que l’acquittement allait être prononcé, et certains parents de Mohamed téléphonèrent même à leurs familles pour leur annoncer le retour triomphal du jeune homme.
Fait étrange, mais hautement significatif, alors que le jury était encore en délibération, et que le verdict était censé être encore inconnu de qui que ce soit, puisque les jurés n’étaient pas encore sortis de la salle de délibération, des renforts de police et de gendarmerie arrivèrent précipitamment, encerclèrent les lieux, et pénétrèrent en force dans la salle d’audience, où leur présence fut encore plus importante que celle de l’assistance. Cela montre à l’évidence que le verdict était connu avant la fin des délibérations, et que des mesures avaient été prises pour éviter tout débordement.
La délibération ne dura pas plus d’une demi heure. L’assistance pensa unanimement que cette brièveté était due à la conviction du jury sur l’innocence de l’accusé. Il n’en était rien, puisqu’il fut déclaré coupable, et qu’une condamnation à perpétuité fut prononcée contre lui, à la stupeur générale. 30 minutes ont suffi à un Jury pour trancher d’une affaire aussi compliquée. Comment expliquer cette étrange précipitation, si ce n’est que le verdict a été décidé ailleurs que dans la salle de délibération ?
Des jeunes présents dans la salle ne se trompèrent pas sur la réalité de ce verdict, puisqu’ils se mirent à scander « Addalat ettilifoune », pouvoir assassin. Témoignage rapporté par le Docteur Salah Eddine Sidhoum.
Ce ne fut que grâce aux anciens de la communauté, et à des amis de la cause, défenseurs des Droits de l’Homme et leaders FFS que le pire put être évité ce jour là.
Aujourd’hui, fatigué d’attendre en vain que justice lui soit rendue, et qu’une révision du procès soit ordonnée, Mohamed Baba Nadjar a décidé de ne plus s’alimenter, et même de ne plus boire. Il est désespéré, et ne croit plus, ni en la justice, ni même en la solidarité des siens.
C’est à vous qu’il appartient aujourd’hui, honorables Azzabas, et leaders des Achiras, de voler au secours de votre fils, de notre fils.
L’admirable communauté Ibadite est un exemple pour nous tous. Vos ancêtres ont fondé le premier Etat de l’histoire du Maghreb, celui des Rostémides à Tihert. Un royaume brillant, fondé sur la justice et l’équité, et qui fit se rallier à lui, sans combat ni prosélytisme, des populations de l’extrême Ouest à l’extrême Est. Lorsque ce Royaume s’effondra, sous les coups de boutoir des Fatimides, vos ancêtres choisirent d’élire une nouvelle cité en plein désert, là où il n’y avait que du sable. Et le désert se transforma en vallée fertile, où trônaient des villes délicieuses. Parce que le labeur et le courage étaient les piliers de votre foi en Dieu, et en l’Homme de lumière.
La communauté Ibadite, sobre et laborieuse, solidaire et fraternelle, dont toute l’identité repose sur de hautes valeurs morales, sut garder intacte sa propre appartenance berbère et ibadite, sans pour autant se faire l’ennemie de l’identité arabe, puisque les Mozabites sont les meilleurs arabisants du Maghreb tout entier. Et aussi des nationalistes ardents. Ne suffit-il pas de rappeler que le parolier de l’Hymne national algérien, Mufdi Zakkaria, est des vôtres ? N’est-il pas mort en exil parce qu’il avait refusé de se compromettre avec ceux qui avaient volé l’indépendance du pays ? Cheikh Bayoudh, l’érudit et le sage, l’un des membres les plus éminents des Oulémas algériens, n’est-il pas un fils du Mzab ? Votre honorable communauté, n’est-elle pas le premier madh’hab de l’islam, apparu 50 ans seulement après la mort du prophète Mohamed(QLSSSL) ?
Votre prestigieuse histoire, qui fait notre fierté, et votre savante organisation, fondée surtout sur la solidarité de tous ses membres, contre l’adversité et l’injustice, vous commandent aujourd’hui de vous ressaisir, et de résister à la lente pourriture que le régime a inséminé en votre sein, pour vous porter un coup fatal, ce que même le colonialisme ne put commettre.
L’affaire Baba Nadjar est devenue un symbole, non seulement pour les B’ni Mzab, mais pour toute la nation algérienne. Mais c’est à vous, honorables Azzabas, qu’il échoit désormais de lancer le cri du ralliement et de la résistance ! Une seule revendication: La révision du procès, et une enquête sérieuse, menée conformément aux principes du Droit et de la procédure pénale.
Ne laissez pas notre fils Mohamed mourir dans l’indifférence. Son salut sera celui de tous les Ibadites. L’Algérie toute entière a besoin que vous restiez debout et surtout tels que vous avez toujours été : Des hommes patients et valeureux, mais aussi un exemple de ténacité et de courage !
Sortez de votre torpeur fiers Azzabas, soyez à la hauteur du moment fatidique qui vous interpelle !
Mohamed a la chance d’appartenir à une communauté sans autre pareille, l’archétype de la dignité et de la résistance, celle qui a su faire fleurir le désert, et mériter une prospérité remarquable par le seul mérite du travail et de l’intelligence. Vous dérangez parce que vous êtes l’exact contraire du régime qui nous opprime, et parce que vos jeunes cherchent à être dignes de leurs ancêtres, en s’organisant pour la lutte finale. Soyez à la hauteur de votre destin ! De notre destin…
D.Benchenouf