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Sur l’Otan et le changement : les algériens ont une histoire malgré un Etat qui a vu une lune impossible

by Redaction LQA

In lanation.info

Ahmed Selmane
Mardi 6 Septembre 2011

De la lune invisible qui a été vue par des religieux officiels à une Otan désormais très visible dans le ciel du Maghreb, des algériens résistent. Ils ne laissent pas leur raison abdiquer. Ils ne laissent pas les amnésiques leur faire oublier la trame profonde de leur histoire : résister et construire.


Sur l’Otan et le changement : les algériens ont une histoire malgré un Etat qui a vu une lune impossible
L’évènement est trop énorme pour ne pas être souligné : les officiels en charge officiellement de la religion ont froidement raconté des inepties quant à la « vision » du croissant de l’Aïd lundi dernier. Nous ne sommes pas le seul pays à avoir fêté l’Aïd mardi dernier, mais nous sommes les seuls où des mystificateurs visionnaires affirment sans vergogne avoir vu le croissant radicalement invisible. Même les saoudiens – sans doute parce qu’ils ont deux universités dans le top 500 malgré la domination des enturbannés de l’esprit – n’ont pas invoqué l’apparition du croissant lunaire totalement impossible selon la science. Ce qui donne une autre dimension à cette triste histoire est que cela a été communiqué par un organisme public, le Craag, qui ne se contente pas de donner les degrés Richter des séismes : personne, à moins d’être chargé de substances hallucinogènes, n’était en mesure de voir l’ombre d’un croissant lunaire en Algérie. Le Centre de Recherche en Astronomie Astrophysique et Géophysique CRAAG, est un Etablissement Public à Caractère Scientifique et Technologique  qui aurait pu servir à prévenir un attentat contre la Raison. Cette instance scientifique avait donc dûment averti qui de droit. D’autres associations scientifiques également. Mais cela n’a pas empêché qu’un inconcevable Comite de Vision de la Lune de décréter, en direct, à la télévision publique toujours aussi verrouillée, que dans des wilayas d’Algérie, on aurait bel et bien aperçu notre satellite naturel.  Ce Comité sélénite a tranquillement osé raconter des sornettes. Et l’absurdité provoque la  légitime indignation de scientifiques algériens qui dans une lettre ouverte mettent en cause, non seulement un comité lunatique, mais un Etat invalide qui entérine le bigotisme et la pensée magique, aux antipodes d’une religion qui sacralise la science et la raison. La lune ce soir là était invisible, mais en Algérie des astrologues illuminés l’ont vu et l’Etat a avalisé une hallucination ou un mensonge ! C’est effectivement, ainsi que le déplorent les scientifiques, une insulte à la science et à l’intelligence des algériens. Il faut saluer dans cette lettre ouverte de ces spécialistes un acte de résistance contre une régression dramatique, expression claire de la prépondérance du charlatanisme. Cette reconnaissance officielle de la suprématie de l’ignorance, totalement antinomique avec l’histoire de ce pays et du long combat des algériens  contre l’obscurantisme et les magiciens qui en font commerce, en dit plus long sur la substance de nos institutions que n’importe quelle analyse de sciences politiques.


Sur l’Otan et le changement : les algériens ont une histoire malgré un Etat qui a vu une lune impossible
Un rêve de CNT

Les algériens résistent. Ils n’aiment pas Kadhafi et toutes les dictatures d’ailleurs ou d’ici. Mais ils ne sont pas « vieux jeu » quand ils refusent que les avions « libérateurs » de l’Otan viennent évoluer dans le ciel du Maghreb. Que le pouvoir algérien puisse jouer sur ce sentiment de rejet, c’est plus qu’une possibilité : c’est une évidence. La mise en scène du nationalisme est un vieil artifice des hommes du régime et les algériens le connaissent depuis des décennies. Les personnels de pouvoir ont usé, jusqu’à la corde, des thématiques patriotardes pour tenter de se redonner une assise populaire. Personne n’ignore que l’Etat algérien collabore avec l’Otan et participe régulièrement à des manœuvres avec cette organisation. Personne n’ignore que la coopération sécuritaire est intense. Personne n’ignore que les gens du pouvoir peuvent aisément verser dans l’incantation anti-française et se situer, dans les faits, aux antipodes de ce qu’ils proclament. De cette situation libyenne, certains en Algérie tirent argument pour estimer que l’Otan, n’est ce pas, ce ne serait pas si mal que ça. D’autres, au fond d’eux-mêmes, se verraient bien dans un CNT algérien que les humanistes de l’Otan viendraient installer au pouvoir à Alger. Ils oublient d’ailleurs qu’un tel CNT Algérien a existé et a été mis en place par désignation après la « mal-votation » des algériens en décembre 91. Ce courant à naturellement ses journalistes et ses éditorialistes qui passent le plus clair de leur temps à critiquer, non le pouvoir, mais les algériens qui ne se sentent aucune inclination pour l’Otan. C’est qu’une fois sorti du microcosme présumé élitaire, ils découvrent, avec dépit qu’ils sont très nombreux ces algériens qui n’aiment pas la dictature ; qui luttent contre la dictature mais ne veulent en aucun cas d’une aide de l’Otan ou de Washington dans leur combat. Pour ces élites auto désignées, les algériens feraient preuve d’arriération ou de xénophobie et ces mots sont polis car les termes couramment utilisés sont autrement plus grossiers. Selon ces élites éclairées à la haine de soi, ces algériens, très nombreux à ne voir aucun soupçon d’humanité dans l’Otan succomberaient comme des moutons à la propagande du régime et du DRS qui mettraient en avant une menace extérieure pour bloquer le changement.

Une trame profonde

Ceux qui se moquent des algériens rétifs à l’Otan pensent avoir tout compris. Ils forment un courant bien réel et qui est particulièrement bruyant. C’est ce courant qui, après les élections de décembre 91 avait estimé que les algériens, avec leur 7 millions d’analphabètes ne devraient pas être éligibles au droit de vote. Et on peut penser qu’ils continuent à croire qu’il faut toujours leur interdire de voter. Et pas seulement aux analphabètes. Aujourd’hui, ce courant considère, par le même « miracle » sans doute qui a fait voir le croissant lunaire à des lunatiques officiels, qu’il est l’unique expression de ce que l’Algérie devrait être. Et qu’en conséquence, les autres doivent se taire. Le problème est que, même s’ils sont privés de télévisions et de vie politique digne de ce nom, les algériens ne sont pas muets et ne se taisent pas. Ils parlent partout. Chez eux, dans les rues, dans les cafés, dans les trains et les bus et sur Internet qui n’est pas le monopole des présumés « modernes ». Et ce qu’ils disent déplait souverainement à ceux qui n’aiment pas que les algériens n’aiment pas l’Otan. Ils sont parfois franchement surpris. Ces algériens seraient-ils frappés d’idiotie généralisée pour ne pas comprendre que leur « patriotisme » est le carburant qui permet au régime de durer ? Ils ne sont pas idiots, bien évidemment. Ce sont des résistants. Comme ces scientifiques qui hurlent à la honte d’Etat quand la science est bafouée. Les algériens, en dépit de manipulations du régime, ont une histoire faite de combats et de projets. Cette histoire, ils en connaissent intimement la trame profonde en dépit des vicissitudes des années d’indépendance. Et cette trame historique leur enseigne que l’Otan n’est pas leur ami même quand l’Etat participe à ses manœuvres et même quand des algériens amnésiques y voient des libérateurs.

Post Scriptum

M.Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères, de l’Etat qui a vu un croissant lunaire invisible, a fini par trouver que les positions de l’Algérie officielle et celle de la France se rapprochaient.  Cela ne mérite pas une analyse. Le régime algérien n’a pas condamné les éructations criminelles de Kadhafi appelant à liquider des libyens « zengua zengua, dar b’dar etc…», il s’est condamné à rester dans la posture du spectateur stupéfait d’un spectacle qui le dépasse. Comment pouvait-il critiquer le détournement de la résolution de 1973 de l’Onu par les occidentaux quand il n’a pas fait le geste élémentaire de condamner un dirigeant qui menace publiquement de liquider ses citoyens ? Le pouvoir algérien n’a pas fait un choix de neutralité, il a choisi de neutraliser l’Algérie et de la laisser sans voix. Et c’est ce qui explique que l’on reste « sans voix » de voir Medelci découvrir – pensée magique ou tectonique des plaques ? – que les positions d’Alger et de Paris se « rapprochent ».

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2 comments

A.L 6 septembre 2011 - 19h24

La lune était visible ce jour-là.Vous savez pourquoi?
Un petit malin l’avait tracé au laser pour tromper ces séniles visionnaires de lune.Il faut diligenter une enquête rapidement,pour retrouver ce coco.

Reply
HAMMANA 6 septembre 2011 - 21h25

Le système ne saurait faire de concession à quelle institution qu’elle soit meme pour une question aussi simple que l’observation du croissant lunaire qui n’a aucune retombée politique.
Malgré la banalité de la question,le fait de s’en remetre au CRAAG signifie pour le pouvoir un aveu de faiblesse,lui qui n’est pas habitué à demander conseil aux autres et encore moins à des scientifiques qui(dans son esprit) pourraient interpréter cette attitude comme une contrainte au dialogue qu’il tient à ne pas engager avec la société qui par ce fait serait amenée à renouer avec l’esprit revendicatif qui constitue la hantise du système.
Aujourd’hui,c’est la consultation au sujet de helal el aid,demain se sera les normes urbanistiques afin d’éviter les zones séismiques à l’occasion de l’édification de telle ou telle construction pour finir par constater que son autoritarisme s’érode au gré des impératifs de l’édification nationale.
Au fait,ce n’est pas le croissant lunaire qui fait qu’il s’est passé de l’avis du CRAAG (si tel était le problème,il aurait vite laissé la chose à l’appréciation de l’organisme scientifiquement compétent)mais il veut régner sans partage meme sur le plan d’une simple consultation afin de ne pas permettre aux citoyens de prendre gout à etre associés à la prise de décision assimilable selon lui à une abdication.
Donc,s’étonner du fait qu’il en a fait à sa tete n’a rien d’extraordinaire et il faut s’attendre à l’impensable car ce qui préoccupe les autorités est de garder le peuple à l’écart de tout ce qui touche à la gestion des affaires publiques dans un soucis de prédominance et rien d’autre.

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