Ce jour-là, des Algériens, hommes, femmes et enfants manifestèrent pacifiquement contre un couvre-feu spécialement instauré pour eux. Ils en avaient assez des humiliations. Ils ne voulaient plus raser les murs pour ne pas attirer l’attention des xénophobes qui n’hésitaient pas à les désigner à la police. Dès le début de la guerre, les émigrés avaient exprimé une farouche détermination à participer à la libération du pays. N’oublions pas que le premier parti politique revendiquant l’indépendance du pays est né en France. Cette détermination, ils l’avaient exprimé le 17 octobre 1961 qui étonna le monde par l’ampleur des manifestations et le courage des émigrés. Oui, dans la ville lumière, ces étranges étrangers avaient osé braver la machine policière qui s’est déchaînée contre mondiale. Les bruits de la circulation couvraient les cris des manifestants pourchassés, matraqués. La pluie ce jour-là lavait les chaussées du sang des blessés et la Seine charriait durant des semaines les cadavres d’hommes ligotés et jetés dans le fleuve. Oui ce jour-là, la police française avait écrit une page d’histoire dégoulinant de honte et de sauvagerie. Mais ce jour-là aussi, des anonymes avaient porté secours et soigné les parias livrés aux soudards ivres de haine. Oui ce jour-là, des photographes et des journalistes français ont témoigné pour l’histoire par l’écrit et photos à l’appui. Ce jour-là, dans ce vieux pays cher à De Gaulle, une frontière départageait le peuple français. Il y avait, harnachés et armés les sbires de la police dont les bruits de bottes remplissaient les rues d’une lugubre musique. A leur passage, ils semaient la mort sous les applaudissements de culs terreux qui s’offusquaient que des gueux viennent perturber leurs frasques dans Paris by night. Heureusement d’autres Français éduqués par la musique du ‘’ temps des cerises’’ sauvèrent l’honneur du peuple français. . Le film ‘’ les chasseurs de la nuit dans la ville lumière’’ qui accompagne ce texte est une modeste participation à ces manifestations organisées un peu partout en France.
Pendant tous le mois d’octobre, des manifestations sont organisées pour que la France reconnaisse ce crime d’Etat. Ces manifestations font partie des combats que mènent les descendants de cette émigration. Ces luttes poursuivent plusieurs objectifs, honorer la mémoire des martyrs victimes du bain de sang de Papon, lutter contre le cancer du racisme pour ne plus raser les murs comme au temps de la nuit coloniale, faire reconnaître ces exactions comme crime d’Etat. Je veux profiter de l’occasion qui m’est donné pour parler de ces enfants de mères françaises dont les pères algériens ont disparu ce jour maudit du 17 octobre 1961. Ne pas oublier ce passé avec ces drames collectifs et personnels, c’est une manière de s’armer pour comprendre les drames d’aujourd’hui. Bien des choses du présent se nourrissent de la violence des années de la guerre d’Algérie. Quand les banlieues sont en feu, c’est d’une certaine façon les cendres de la guerre d’Algérie encore chaudes qui sont à l’origine de ces incendies. Hier c’étaient les parents, aujourd’hui ce sont leurs enfants qui perpétuent la quête inlassable de la dignité. Combat titanesque et obscur ! Ces enfants sont d’ici et d’ailleurs. Ils ont construit dans leur tête un pont qui les relie en permanence à ces deux mondes. Mais cette identité écartelée ne sied pas à la pensée schématique des chauvins qui sévissent ici et là.
. Le film ‘’ les chasseurs de la nuit dans la ville lumière’’ qui accompagne ce texte est une modeste participation à ces manifestations organisées un peu partout en France. A tous ceux qui pratiquent le déni de réalité, qu’ils sachent que ce comportement mène droit à l’hiver de la pensée.
Lien du film sur Internet : http://youtu.be/IMjrgPboMj0
Ali Akika cinéaste
2 comments
« Oui ce jour-là, la police française avait écrit une page d’histoire dégoulinant de honte et de sauvagerie. »
Pourquoi la POLICE française ??? Il faut tout simplement dire :le PEUPLE français ! c’est plus juste,et c’est plus VRAI, ce n’est pas parce qu’une poignée de français sympathisait avec la cause algérienne qu’on va dédouaner la majorité !
Si les rôles seraient inversés, eux, ils n’hésiteront jamais à faire l’amalgame !
Tout d’abord, Mr Elforkan, si je suis votre raisonnement, cela reviendrait à dire que tous les algériens seraient à l’image de Mr Bouteflika et du pouvoir en place…Le ton de l’article est bien plus proche de la réalité française. J’ai moi-même un père tout ce qui a de plus français qui a milité pour l’indépendance algérienne. Rien n’est jamais noir ou blanc.
Pour résumer, la France a choisi d’effacer de sa mémoire collective les meurtres commis en son nom et l’Algérie du FLN a choisi de mythifier ses propres crimes envers les français et les terribles purges internes.
Pour finir, je ne suis pas d’accord avec le parallèle fait concernant les problèmes des banlieues d’aujourd’hui dans l’article.