« Les islamistes et les laïques ont tous les deux cette tendance à emprisonner leur vie et celles des autres dans des interdits, par conviction religieuse pour les premiers, politique pour les seconds. Ils dévoilent dans leur cécité commune ce qu’il y a en eux comme dispositions à renier le vive-ensemble, c’est-à-dire simplement la vie. » Abdullah Al-Qassimi (Penseur de la péninsule arabique, 1907 -1996)
L’Algérie d’aujourd’hui, c’est l’histoire de deux révolutions qui s’enchevêtrent. La présente ne peut être dissociée de la première. Elle est son prolongement naturel.
On se rend compte que cette fresque est difficile à comprendre, de par la multiplicité même de tout ce qui s’est passé, de tout ce qui a été dit, de ce qui était visible et non visible.
Cette révolution pacifique, dans sa démarche fougueuse, devient difficile à appréhender, non pas du fait de l’anonymat de ses acteurs, mais parce que des choses non-dites sur la révolution de Novembre essentiellement.
Interroger la première, c’est donner une chance de succès à la seconde.
Le combat libérateur de la longue nuit coloniale, du fait des circonstances a exigé et imposé l’unicité dans la pensée, du discours et de l’action pour un seul objectif, l’indépendance.
Son avatar a été la reconduction des mécanismes révolutionnaires dans l’après indépendance, lors de la reconstruction du pays en dénigrant au peuple le verbe, la parole et l’initiative sur tous les plans.
Cette expérience est restée dans la mémoire du peuple algérien, le souvenir d’une grande division, de choses qui le dépassent, d’affrontements entre des groupes qui, chacun, défendaient des vérités partiales et partielles.
Dans la présente révolution, cependant un précédent ineffaçable a été crée. L’unanimité de façade toute tendance confondue, est désacralisée.
Conséquemment, la seconde révolution reconnaît de facto la grande diversité du peuple algérien avec un corps social qui ne peut être pensé d’une façon monolithique, et dont l’historicité est traversé par toutes les bifurcations du temps.
Et que si morcellement politique il y a, il faut œuvrer pour que l’action soit unifiée.
Au cours de ces 23 vendredis, des centaines de milliers d’Algériens ont su ce que c’est que de parler, se révolter, et d’afficher une opinion différente dans l’UNICITE du tout.
Le peuple algérien a finalement cessé de se percevoir comme soumis à un principe d’ordre général et cohérent, d’ailleurs inexistant.
Et les malentendus historiques et différences certes reconnues, peuvent dans la pluralité des initiatives et contradictions, se conjuguer pour le grand renouveau de l’Algérie, aspiration d’une des plus belles jeunesses de ce monde.
De ce fait, l’Elite qui émergera de cet éveil, aura à résoudre en premier le problème des rapports entre gouvernants et gouvernés, et créer un cadre institutionnel qui n’a jamais fonctionné proprement auparavant, dans la grande diversité des opinions et visions que ce grand peuple enferme.
Le tout, fondé sur une démocratie extensive, où les algériens puissent s’organiser et parler.
Dans le cœur et l’esprit, la nation algérienne aspire pour que cet enchevêtrement révolutionnaire qui débuta un 22 Février 2019 clôture un processus qui commença un certain 1er Novembre 1954.
Khaled Boulaziz