Sale temps pour les libertés. Jamais, depuis la fin des années 1990, l’Algérie n’a connu un tel climat de tension politique extrême. « Le régime en place est revenu aux pratiques datant de l’époque du parti unique », dénonce les avocats et les défenseurs des droits de l’homme. En effet, le pouvoir en place, en pleine opération de forcing pour imposer son élection présidentielle, semble être décidé à remplir les prisons de militants et de jeunes du mouvement populaire.
le 6 octobre 2019
Sa stratégie se résume à une triptyque diabolique : répression, arrestation arbitraire et incarcération pour des chefs d’accusation imaginaires. Cette politique est mise en œuvre graduellement, avant d’augmenter crescendo la cadence de l’arbitraire. Dans la foulée de la grande traque de ce qu’il appelle « les têtes de la corruption », le régime a d’abord procédé à l’arrestation de quelques « grosses gueules » qui commençaient déjà à remettre en cause les actions du pouvoir de fait.
On arrête alors le général à la retraite, Hocine Benhadid pour un point de vue publié dans la presse nationale. Il est suivi, quelques semaines, plus tard par un autre haut gradé de l’armée à la retraite, en l’occurrence le général Ali Ghediri, qui a commis le crime de lèse-majesté en s’exprimant aussi dans une conférence sur la stratégie du véritable tenant des pouvoirs actuellement.
Ces deux anciens militaires, sont rejoints, dès le début du mois de juillet dernier par un ex-commandant de la wilaya IV historique et moudjahid, Lakhdar Bouregaa. Il est accusé d’atteinte au moral de l’armée, après ses déclarations faites à l’occasion de la réunion des forces de l’Alternative démocratique, tenue le 26 juin dernier au siège du RCD.
Mais à partir du début du mois de juillet dernier, la répression a commencé à prendre de l’ampleur. Et selon divers arguments. D’abord, on sort l’histoire de l’emblème amazigh, dont le port est devenu, du jour au lendemain, un délit. Voyant que l’appât visant à diviser le mouvement populaire n’a pas donné de fruits, la chambre noire de régime a décidé de passer à une autre étape en ordonnant des arrestations ciblées des militants politiques et associatifs.
Pacifier Alger !
Des dizaines de personnes, dont même un cancéreux, ont été placés en détention rien parce qu’ils ont participé, ou voulu prendre part aux marches hebdomadaires. C’est notamment à Alger que les forces de police et le tribunal qui fait parler de lui depuis quelques temps, à savoir Sidi M’hamed, joue le jeu du pouvoir en multipliant les arrestations et les détentions arbitraires. Tout cela, dans le but de pacifier Alger, considérée comme une véritable vitrine du Hirak.
Pour ce faire, l’ordre a été donné aux forces de sécurité d’arrêter ceux qu’ils considèrent comme des leaders du mouvement : Karim Tabbou, Foudil Boumala et Samir Belarbi. Cette situation fait, en tout cas, réagir les défenseurs des droits de l’homme et les avocats.
Dans un communiqué rendu public, hier, la LADDH s’inquiète de la répression qui frappe les activistes et militants des mouvement populaire, associatif et politique pour avoir manifesté ou exprimé une opinion de manière pacifique.
« Le nombre des personnes poursuivis ou emprisonné a dépassé la centaine. Pour les mêmes chefs d’inculpation, certains tribunaux à l’intérieur du pays ont prononcé des relaxes alors que d’autres ont recouru à la mise en détention souvent systématiquement confirmées par la chambre d’accusation », dénonce l’organisation dans un communiqué.
La LADDH, lit-on dans le même document, « s’interroge sur une justice à deux vitesses et rappelle que le droit d’exprimer pacifiquement une opinion n’est ni un crime ni un délit ». Selon l’organisation que préside Nourredine Benissad, « le rôle de la justice est de protéger les libertés collectives consacrées par la constitution et les conventions internationales relatives aux droits de l’homme ratifiées par notre pays, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui garantissent les libertés à toute personne de circuler, de manifester, de se réunir, de s’exprimer et de participer aux affaires publiques de son pays ».
« L’escalade des poursuites et de la répression comme réponse à l’exercice des libertés, outre qu’elles transgressent les textes fondamentaux protégeant les libertés sont une fausse solution à des questions éminemment politiques qui appellent le dialogue et un consensus national qui jettent les jalons de la construction de l’état de droit », ajoute la LADDH qui « appelle les autorités au respect des libertés fondamentales et à la libération immédiate de tous les détenus d’opinion ».
Des avocats préparent aussi des réactions communes contre cette situation dangereuse « où les lois du pays ne sont pas appliquées de la même manière sur le territoire national ».