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Lectures politiques tronquées et violences en Algérie: des ressemblances inquiétantes avec les années 90

by Redaction LQA
Nacer Djabi

ALGÉRIE 07/10/2019 10h:19 CET | Actualisé il y a 5 heures

  • Nacer Djabi
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ALGIERS, ALGERIA - OCTOBER 04: Algerians stage a demonstration demanding regime officials -- who continue...
ALGIERS, ALGERIA – OCTOBER 04: Algerians stage a demonstration demanding regime officials — who continue to work after former President Abdelaziz Bouteflika resigned — to step down, in Algiers, Algeria on October 04, 2019. (Photo by Mustafa Hassona/Anadolu Agency via Getty Images)

La grande violence politique et les horreurs vécues par l’Algérie sont, en grande partie, la conséquence de lectures tronquées de la réalité politique faites par les deux protagonistes du conflit dans les années 90. C’est l’idée que j’ai défendue dans une étude publiée dans un livre collectif qui va paraître au courant de ce mois à Beyrouth. La direction du Front islamique du salut (FIS) n’avait vu du régime politique avec lequel elle est entrée en conflit que son apparence civile en déclin, son système perturbé, son président à la légitimité réduite, ses partis faibles et sa fragilité économique et financière.  

Cette direction du FIS n’a pas vu plus loin que la façade délabrée du régime à un moment politique précis. C’est sur cette vision tronquée qu’elle a construit sa stratégie de prise de pouvoir, légalement par le biais des élections et, de manière beaucoup moins légitime, par la violence armée.  Composée de religieux traditionalistes au parcours politique et professionnel éloigné des institutions de l’Etat et de ses circuits, cette direction du FIS n’a pas fait attention à ce qui est plus fort et plus complexe que cette façade fragile d’un système politique en proie à un grand trouble.

La même lecture tronquée avait été faite du côté officiel durant cette période. Du FIS, le pouvoir n’a vu que ses dirigeants à la formation religieuse modeste et a ignoré les diverses forces sociales que le discours politico-religieux avait réussi à mobiliser, y compris parmi  les catégories modernes et urbaines attirées par le discours d’un front islamique en phase ascendante. 

Dans cette étude, j’ai défendu l’idée que c’est cette lecture politique tronquée faites par les deux parties en conflit -, lecture qui a occulté les détails de la scène politique et ses aspects cachés –  qui a généré la grande violence politique en Algérie restée endémique pendant près d’une dizaine d’années. 

Une lecture tronquée dont on doit chercher l’explication profonde dans ce qui caractérise les élites algériennes dans ses différentes composantes, dans leur relations l’une à l’autre,  de leurs visions sur elles-mêmes et sur les autres. Et ce avec tous les clivages linguistiques ou intellectuels durant les chaque phase de l’histoire politico-sociale de l’Algérie.

Le “nouveau peuple” du Hirak 

Ce que nous vivons ces jours-ci ressemble totalement à ce qui s’est passé au début des années 90 et il pourrait, à Dieu ne plaise, déboucher sur les mêmes conséquences.  Le décideur politique fait une lecture tronquée du mouvement populaire, le hirak, en cours depuis plus de sept mois. Son approche reste marquée par une lecture sécuritaire et politique biaisée à laquelle il est historiquement habitué. Le pouvoir politique, dominé par les militaires au détriment de la façade civile qui parle en son nom, continue de ne pas prendre la mesure des effets de la mobilisation populaire exprimée par le hirak. Il n’y  voit que quelques activistes à emprisonner ou des enfants de la Kabylie qui investiraient chaque semaine la capitale pour perturber le repos des addicts de la sieste du vendredi parmi ses nouveaux habitants… En un mot, le décideur militaire agit sur la base d’une vision sécuritaire et politique limitée. Il ne comprend pas qu’il est face à un “peuple nouveau”, totalement différent de celui qu’il avait l’habitude de gérer avant le 22 février. 

Habitué à gérer l’Algérien pauvre, rural, analphabète et âgé, le pouvoir avait réussi par le passé, jusqu’à un certain point, à le convaincre par son discours nationaliste et à le mobiliser pour ses projets. Ce n’est pas le cas du  “peuple” qu’exprime le hirak avec ses particularités sociologiques et démographiques. Un peuple jeune, éduqué, très largement issu des villes, ouvert sur le monde et qui veut un changement radical du système politique avant que celui-ci ne mute en une menace pour le pays et les hommes. 

La mauvaise compréhension génère du malentendu et immanquablement des crispations dans les rapports et de  rupture politique et même sentimentale, accentuée par le facteur générationnel entre les Algériens et leurs gouvernants. On peut l’observer ce malentendu dans la stratégie sécuritaire dominante mise en oeuvre comme réponse au hirak. Elle se résume à l’idée qu’il suffirait d’incarcérer certaines figures pour mettre fin à cette mobilisation populaire nationale. Une lecture qui ne prend pas garde à la différence qualitative de ce hirak avec les mouvements de protestations connus par  l’Algérie dans le passé. L’on avait affaire à des mouvements souvent limités à certaines villes, ou à certains quartiers, qui apparaissent et disparaissent soudainement, même s’il leur arrive de s’étendre par vague à d’autres villes et quartiers. Leurs revendications avaient le plus souvent un caractère économique et social sur lesquelles les négociations sont aisées. Ou alors on avait des contestations en Kabylie que la lecture politico-sécuritaire dominante a pris l’habitude d’isoler de son environnement national après les avoir diabolisée. 

La vision politico-sécuritaire du pouvoir l’amène à continuer à croire qu’il est face à un mouvement de protestation organisé par des activistes politiques au nombre limité. Cela a été le cas dans un passé encore récent avec un activisme politique de portée limitée qui était le fait d’activistes qui pouvaient être arrêtés et mis sous pression.L’expérience de la protesta politique dans la rue menée par le mouvement Barakat contre le quatrième mandat du président déchu en 2014 en est l’illustration. Limité aux enfants des classes moyennes urbaines, il n’a pu élargir sa base sociale, il a été isolé et diabolisé deux ou trois mois après son apparition.

Un récit national qui date

Une autre mauvaise compréhension qui peut donner lieu à un malentendu plus grand existe au niveau populaire et  s’exprime à travers des slogans du hirak basés sur une lecture historique relativement ancienne de ce qui caractérise jusqu’à présent l’État national et ses institutions centrales (armée).  Elle se fonde sur un récit national qui met l’accent sur le caractère populaire de cet État national et de ses institutions centrales, dans une vision dominée par la lecture non historique. 

Une lecture qui postule que cet État et ses institutions centrales n’ont pas connu de changement, ni dans la doctrine, ni dans leur base sociale, ni dans les l’intérêts de ceux qui en détiennent les rênes et ni dans ses rapports avec les citoyens. Une vision restée telle qu’elle était il y a un demi-siècle ainsi que le dépeint l’idéologie nationale dominante. 

Que se passera-t-il si les Algériens découvrent que cette lecture n’est plus valable et que leur État a effectivement changé de l’intérieur, à leur insu, et qu’il veut établir de nouveaux rapports avec eux, différents de la lecture tronquée qu’ils en ont font et qui pourrait leur coûter, une fois de plus, très cher.


Traduit par le HuffPost Algérie – Article original paru dans Al-Quds al-Arabi

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1 comment

nacer 7 octobre 2019 - 18h56

Tout n’est pas juste dans ce texte.
En quoi l’ancien est en cours dans la révolution populaire? qui sont ses acteurs? comment ses représentations se sont-elles imposées?

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