Pour célébrer dignement le 67e anniversaire du déclenchement de la Révolution de Novembre, le collectif «Libérons l’Algérie» appelle les Algériennes et les Algériens résidents en France et en Europe à participer massivement à la marche unitaire du 31 octobre 2021, de 13h00 à 18h00, de la place de la République à la place de la Nation, à Paris.
Ensemble pour:
La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus d’opinion.
L’arrêt immédiat de la torture dans les prisons.
L’arrêt immédiat de la chasse aux militants de la Silmiya et du harcèlement juridico-policier dont ils sont victimes. L’arrêt immédiat de la stratégie de la tension infligée à la société.
La dissolution de la police politique.
Le démantèlement de la junte militaire.
Le démantèlement des circuits informels de l’économie rentière.
L’émergence d’un nouveau projet historique national.
L’ouverture d’une transition démocratique indépendante du système. L’engagement d’un processus aboutissant à l’élection d’une assemblée constituante.
La construction d’un État sécularisé, garant des droits de la personne humaine, des droits de toutes les communautés de vie et de la justice sociale.
DÉCLARATION-APPEL
La révolution est un processus de ruptures radicales avec un ordre établi. Ces ruptures ne se limitent pas à changer les réalités politiques d’un pays et à faire évoluer sa condition sur l’échiquier géopolitique. Elles agissent à l’échelle de l’histoire. Ce processus, le peuple algérien l’a connu à travers la Révolution de Novembre dont il s’apprête à célébrer le 67e anniversaire. La révolution de Novembre a rendu visible la réalité d’une nation qui se battait pour construire un État garant de la continuité de sa présence historique. Elle a montré l’étendue de l’imposture que constituaient «l’Algérie française» et «la mission civilisatrice» du colonialisme. Elle a, aussi, porté le coup de grâce à l’idée reçue de l’irréversibilité de l’ordre colonial. Les porteurs du syndrome colonial doivent se libérer de l’impensé qui les maintient dans l’obscurité de «la nuit coloniale»: l’Algérie n’est pas une création du colonialisme français. Le colonialisme ne crée pas, il tue. Il ne construit pas, non plus, il détruit. La France a honte de son passé colonial. Elle en est au point de ne pouvoir l’enseigner à ses enfants à l’école. «L’empire qui ne veut pas mourir» pèse sur sa mémoire et sa conscience officielles.
«La françafrique» et son corollaire «la françalgérie» continuent de la maintenir dans sa condition d’otage d’un passé lourd, très lourd, en termes de crimes contre l’humanité commis contre les peuples des pays colonisés. Dans sa «Lettre à un français» adressée à un autre enfant de l’Algérie combattante, le poète Jean Senac (sous le pseudonyme de Jérôme), datée du 30 novembre 1956 et publiée dans le «Numéro spécial Algérie» de la revue Entretiens en Février 1957, éditée par l’éditeur Jean Subervie, un ami de Jean Senac, Mouloud Mammeri décrit le «recul de la civilisation de l’homme» que constitue le système colonial sur «ces rives méditerranéennes habituées aux souffles altiers de l’esprit et sur lesquelles ont fleuri l’humanité de Térence, la profondeur d’Augustin, le génie d’Hannibal, la paix d’Abdelmoumen et la lumière d’Ibn Khaldoun, maintenant sont devenues stériles», en ces termes: «Les hommes tarissent – parce que pas un des sentiments qui accompagnent immanquablement le système colonial n’est qu’un sentiment exaltant; ils se situent tous dans la région la plus basse, la plus négative, la plus laide de l’homme.
Les hommes qui fleurissent en régime colonial, ce sont les combinards, les traficoteurs, les renégats, les élus préfabriqués, les idiots du village, les médiocres, les ambitieux sans envergure, les quémandeurs de bureau de tabac, les indicateurs de police, les maquereaux tristes, les tristes cœurs. Il ne peut y avoir en régime colonial ni saint, ni héros, pas même le modeste talent, car le colonialisme ne libère pas, il contraint; il n’élève pas, il opprime, il n’exalte pas, il désespère ou stérilise; il ne fait pas communier, il divise, il isole, il emmure chaque homme dans une solitude sans espoir.»
LA JUNTE MILITAIRE ALGÉRIENNE ET LA NÉGATION DE LA RÉVOLUTION DE NOVEMBRE
La Révolution de Novembre est, indéniablement, l’un des événements historiques majeurs du XXe siècle. Elle a permis de mettre fin à un ordre colonial qui a duré pas moins de 132 ans! Cependant, l’indépendance du pays n’a pas été la traduction de la libération du peuple algérien de toute forme de domination. Au colonialisme s’est substitué un régime militaire né d’une conspiration contre le projet historique de création de la République Algérienne Démocratique et Sociale, articulée par le Congrès de la Soummam autour de «la renaissance d’un État Algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues.» Les résolutions du Congrès de la Soummam subordonnaient l’effort révolutionnaire à «la primauté du politique sur le militaire» et à «la primauté de l’intérieur sur l’extérieur».
Les principes de la Soummam ont été renversés lors de la réunion du Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) au Caire en août 1957. Ce renversement a rendu réel la primauté du militaire sur le politique dans la conduite de l’effort révolutionnaire. C’est dans ces conditions qu’est né le régime militaire algérien. Sa naissance a été actée par l’assassinat de Abane Ramdane, l’un des leaders politiques de la Révolution et l’architecte du Congrès de la Soummam, commis par le Ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG, la première organisation de la police politique algérienne), le 27 décembre 1957 au Maroc. A l’indépendance de l’Algérie, le régime militaire s’est aligné sur le «socialisme d’appareil» du bloc soviétique.
Ce «socialisme d’appareil», Edgar Morin, l’une des hautes consciences humanistes de notre temps, le présente sous forme de «variantes» ayant «eu pour origine l’organisation sociale qui s’est forgée en U.R.S.S. de 1917 à 1937, où s’est accomplie à la perfection la concentration de tous les pouvoirs dans l’appareil du Parti », dans un article intitulé «La liberté révolutionnaire» paru dans «le Nouvel Observateur» du 30 juin 1975. Cet article, Edgar Morin l’a consacré à l’analyse de la problématique posée par l’affaire du journal «Républica» qui, à l’époque de la Révolution des Œillets au Portugal, a été mis sous scellés par le Mouvement des Forces Armées (MFA), communiste, alors qu’il avait été plusieurs fois interdit sous l’ordre dictatorial que conduisait le socialiste Raul Régo. Cette problématique était au centre des rapports entre l’effort révolutionnaire et les libertés démocratiques à laquelle est liée la liberté de la presse. En ce qui concerne la junte militaire algérienne, le problème du formalisme d’appareil se pose autrement. Sous l’ère du parti unique ou sous l’ère du multipartisme de façade, la réalité du pouvoir politique a toujours été détenue par la junte militaire dont la police politique est la colonne vertébrale.
LA SILMIYA ET L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU PROJET HISTORQUE: LE PROJET ALGERIE
Depuis Février 2019, le processus révolutionnaire engagé par le peuple algérien a permis de rendre visible la métamorphose de la notion même de révolution. Cette métamorphose lui a préservé sa force de transformation radicale, toute en lui offrant les attributs du combat pacifique. A ce titre, la Silmiya a introduit trois ruptures dans le combat du peuple algérien pour sa libération: – La rupture consommée entre le peuple et la junte militaire: cette rupture a épuisé le recours du régime à la légitimité révolutionnaire. Elle lui, également, enlevé la possibilité de recourir au formalisme d’une légitimité démocratique de façade.- Le choix de l’union dans le respect de la pluralité: ce choix a mis sous une lumière crue les manœuvres de la police politique visant à diviser les enfants du peuple, quitte à faire courir au pays les risques d’une guerre civile. Aussi, il a rendu visible la dichotomie de l’union du peuple qui fissure les structures du régime et de la régénération du régime qui menace l’union du peuple et, en conséquence, l’unité nationale, voire l’intégrité territoriale du pays.- Le choix du changement démocratique par voie pacifique: ce choix a montré que la puissance du combat pacifique remet en question jusqu’à la nature même du régime militaire dont la violence est l’élément central. Il a, également, fait voler en éclats l’un des miasmes de l’ancien ordre colonial qui faisait des Algériens des êtres violents par nature, des barbares.
Ces trois ruptures font peur au régime militaire, à sa police politique et à ses ordonnateurs néocolonialistes. En ce sens, elles ont montré que la présence du régime à l’échelle de l’histoire est condamnée, même si le temps de sa chute peut être plus long que celui de son ascension et de son maintien au pouvoir. Elles ont également ouvert la perspective d’une reconfiguration géopolitique favorable au peuple algérien et, à travers lui, aux peuples de l’Afrique du Nord et à ceux de la rive sud Méditerranéenne Une telle perspective fait peur aux tenants de l’ordre mondial qui ont la hantise de l’avènement d’un Ordre Mondial des Peuples. Par ailleurs, la Silmiya a mis à nu le régime dans sa triste condition d’incarnation de l’échec du projet historique de la Révolution de Novembre. Elle a, également, montré et la nécessité de travailler pour l’émergence d’une nouveau projet historique: le projet Algérie. Sur ce plan, elle a élargi le domaine du possible. Le Projet Algérie c’est la construction de la citoyenneté dans le respect de l’unicité de l’individu, de sa pluralité et de toutes les appartenances. Le Projet Algérie, c’est la possibilité de libérer de l’impensé les problématiques liées aux mémoires collectives, aux ruptures à introduire dans le récit historique national et à tous les secteurs de la vie publique.
Le Projet Algérie, c’est remembrement culturel national rendant possible le remembrement culturel de l’Afrique du Nord et de l’espace méditerranéen.
Le Projet Algérie, c’est l’émergence d’une société unie dans sa pluralité et sa diversité. Le Projet Algérie, c’est l’organisation de la dissolution de la police politique, du démantèlement de la junte militaire et des circuits informels de l’économie rentière.
Le Projet Algérie, c’est la construction des principes supra-constitutionnels pour garantir l’inviolabilité du droit à la vie, l’inviolabilité de la dignité humaine, l’inviolabilité de l’intégrité physique des personnes, l’inviolabilité de l’intégrité territoriale, l’inviolabilité des Droits de la personne humaine et des Droits de toutes les communautés de vie.
Le Projet Algérie, c’est l’organisation du transfert de la souveraineté vers le peuple via l’ouverture d’une transition politique, économique et juridique.
Le Projet Algérie, c’est l’organisation de la Cité selon le processus culturel de sécularisation qui prémunit l’État de toute dérive théocratique et protège le religieux de toute perversion politique.
Le Projet Algérie, c’est la définition du Citoyen, de la Nation, de l’État et du système politique de son organisation.
Le Projet Algérie c’est la construction d’un État offrant à la société les possibilité d’acquérir sont propre modèle de production de son histoire.
Le Projet Algérie, c’est l’émergence d’une conscience d’appartenance à la communauté humaine et à toutes les communautés du Vivant.
Les impasses dans lesquelles se trouvent, actuellement, des pays comme l’Égypte, le Soudan et la Tunisie nous interpellent, plus que jamais, sur la nécessité de travailler à l’émergence du Projet Algérie, par le tenue de rencontres académiques pluridisciplinaires et autonomes, de rencontres politiques et l’engagement du débat sur toutes les questions liées à la vie publique au sein de la société. Un tel processus est à même d’éviter à l’Algérie le piège du formalisme démocratique transitionnel et d’établir l’équilibre entre l’effort révolutionnaire, les libertés et le développement économique, le tout reposant sur l’humain et sa capacité de préserver la vie sous toutes ses formes.
VIVE L’ALGERIE LIBRE, DIVERSE, PLURIELLE, HEUREUSE, HUMAINE ET CITOYENNE.
VIVE LA SILMIYA
GLOIRE À NOS MARTYRS.