Par Salim Metref
Du crime contre l’humanité à propos de la colonisation française de l’Algérie à la négation de l’existence de l’Algérie d’avant 1830, le Président français aura réussi à accomplir le grand écart du quinquennat. Pourtant les premiers pas de ce jeune chef d’état issu de la noblesse française, bien éduqué, ont semblé être prometteurs. Mais il y’a en France cette habitude perverse qui consiste à chaque fois à inviter l’Algérie dans le débat politique interne. Il est vrai que cela soulage peut-être surtout en ces moments de coup de Trafalgar qu’a constituée l’affaire dite des sous-marins et qui a acté le déclassement de la France à l’échelle internationale. Alors au lieu d’inventer le grand remplacement par des musulmans qui n’ont toujours demandé qu’à vivre comme ils l’entendent chez eux et où les agresseurs occidentaux sont souvent allés les chercher, au lieu de suggérer le grand déplacement des musulmans comme l’a préconisé Eric Zemmour à un journal italien, il serait peut-être plus utile d’analyser les causes véritables de ce grand déclassement. Car il s’agit bien de cela, du grand dépassement. Ce n’est pas une civilisation qui remplace une autre. C’est une civilisation qui la dépasse sans la détruire. L’Asie est en passe de le faire si ce n’est déjà fait en attendant la déferlante d’autres pays dont l’inéluctable émergence refondera l’ordre du monde.
Les propos négationnistes de l’existence de la nation algérienne du Président Macron prononcés dans son habit de Chef de l’Etat français sont impardonnables et constituent une grave entorse aux relations de respect mutuel qui existent entre deux états souverains.
Il ne s’agit pas comme pourraient le croire naïvement certains d’une simple dérive induite par une climat politico-médiatique français hystérique et islamophobe catalysé par les déclarations d’un journaliste dont les frasques sont connues et qui continue à servir à grande louche de haine et de mépris de l’autre tous ceux qui veulent bien consentir à l’entendre et à s’en réjouir. Et que nous ne sommes désormais plus dans le registre de la politique mais bien dans celui de la psychanalyse et peut-être aussi, sous l’effet de multiples turbulences, celui de la psychiatrie.
Le mal est beaucoup plus profond. Il est endémique. Les propos du Président Macron s’inscrivent dans le sillage des théories révisionnistes de l’histoire coloniale dont l’un des ténors est Bernard Lugan, cet historien monarchiste et non moins ancien gros bras de l’extrême droite française. Ces propos entrent en résonnance avec ce que pérore sans arrêt le Sieur Zemmour qui à propos de l’Algérie et de son histoire déverse sa haine et sa frustration. Pourtant Eric Zemmour aurait pu être juste ce journaliste dont les parents ont vécu en paix en Algérie et qui contrairement par exemple à une grande dame comme Simone Veil n’ont jamais connu la souffrance des camps de concentration nazis ni perdu leurs parents et proches dans ces endroits sinistres. Non, Eric Zemmour n’obéit désormais plus qu’à son immense ego et à cette agitation bien rodée qui lui permet de bien se remplir les poches en ces moments bénis de succès de libraire et de débats payants tenus à guichets fermés.
Nous relations dans un ancien article ** l’itinéraire de cet enfant gâté des medias et nous espérions à l’époque, certainement à tort, que l’état de droit français aller, par le pouvoir de la justice et celui des quelques medias lourds français à qui il restait encore une once de dignité et d’honneur, stopper l’ascension fulgurante d’un xénophobe dont la haine de l’Islam et des musulmans n’a jamais eu de limites. Ce ne fut hélas pas le cas et le phénomène Zemmour a perduré puisque ce dernier a continué à user et à abuser d’insultes et de mensonges.
Fils de Juifs algériens au nom plutôt évocateur de lointains rivages conquis jadis par la poudre et qui depuis ont retrouvé les leurs, Eric Zemmour ne cesse de défrayer la chronique, bénéficiant il est vrai d’un champ politique et médiatique déserté pour l’instant par les mentors de la politique de l’hexagone. Devenu plus royaliste que le Roi, ce polémiste au teint plutôt brun, comme le sont souvent les sépharades contrairement aux ashkénazes d’Europe Centrale plutôt blancs, se veut aujourd’hui le défenseur de l’homme blanc, de la civilisation chrétienne en s’abstenant de citer plutôt la civilisation judéo-chrétienne sans que personne ni le Pape, chef de l’Eglise catholique, majoritaire en France, ne l’ont ait un jour investi.
Aidé subtilement par un complexe médiatique islamophobe, plutôt lâche car n’assumant pas ouvertement ses positionnements politiques, Eric Zemmour essaye de provoquer le basculement de l’opinion française en réussissant à provoquer l’alignement des chrétiens de France à ses thèmes de prédilection, souvent populiste et surtout cristallisateurs autour de sa personne des frustrations sociales d’une bonne partie de l’opinion française. Il se veut le Trump français, celui qui propulsé par les medias dont il est l’un des enfants terribles peut espérer enfiler un jour le costume de Président Français.
Eric Zemmour essaye aussi de rééditer la performance de 2017 qui a vu un homme politique parti d’un embryon d’organisation politique autour de l’exploitation extrêmement intelligente et opportune des réseaux sociaux réussir à se faire élire président de la république française.
Les propos du Président Macron voulant ainsi voler la vedette à Eric Zemmour constituent ce pas qu’il ne fallait surtout pas faire à un tel niveau de responsabilité et choquent l’Algérie et son peuple dans ce qu’ils ont de plus cher et de plus précieux. Ce pays cher qui a consenti plus de 5 millions de morts pour se libérer.
Les décisions françaises relatives à l’instrumentalisation politique de la délivrance de visas ne concernent que l’état français et ne relèvent que de sa politique intérieure. La France est libre de recevoir qui elle veut sur son territoire et chacun est au final bien chez soi comme on dit.
La politique intérieure de l’Algérie ne concerne elle aussi que les Algériens et l’Algérie est libre de défendre sa souveraineté, l’inviolabilité de son territoire et de son espace aérien et de consolider sur le plan géopolitique et géostratégique les profondes relations de surcroît extrêmement fraternelles et amicales qui la lient à ces deux puissances amies que constituent la Chine populaire et la fédération de Russie.
Les propos haineux à l’égard de l’Algérie et de son histoire doivent impérativement s’arrêter car ils peuvent à court termes être inducteurs de désagréables turbulences. Les dérives sémantiques de Zemmour à propos de notre pays doivent cesser. Personne ne peut tout dire sous couvert de la liberté d’expression et les institutions qui veillent en France au respect d’autrui doivent se déployer et éviter que leur honneur ne soit aussi perdu.
Enfin en ces jours de célébration d’octobre 1961, cet octobre noir qui a vu ces milliers de patriotes et indépendantistes algériens dont la petite Fatima Bedar jetés et noyés dans la Seine et dans le Canal Saint Martin, un fervent hommage leur doit d’être rendu. Nous ne les oublierons jamais car ils sont l’un des maillons constitutifs de la nation algérienne millénaire. Nos pensées émues vont aussi vers tous ces français qui ont l’Algérie au cœur et ceux qui morts au métro Charonne ont pris fait et cause pour l’indépendance de l’Algérie.
**Grandeur et décadence d’un journaliste dans la foule