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Rabah Chellig, une vie au service de la steppe…

by Redaction LQA

  Youcef l’Asnami

El hadj Rabah Chellig. Une encyclopédie ambulante relative à la connaissance de la steppe algérienne pas seulement sur le plan agronomique, mais aussi et surtout sur le plan économique et social.

Né en 1921 à Ain Beida, ce fils de fellah, d’une culture générale rare, a consacré toute sa vie à l’étude des zones steppiques algériennes.

Dès les années 40, il a souhaité concourir pour être admis à l’Institut National Agronomique d’El-Harrach, mais sa candidature fut rejetée par les colons du fait de son statut d’indigène. Il se tourna alors vers l’ITAS de Tunis où il a été admis comme élève ingénieur en section pastorale.

Il entame sa carrière en Algérie dès les années 60 dans les ex coopératives agricoles (CASAP et SAP) de Ain M’lila, Biskra, Chelghoum Laïd et Sougueur.

En Avril 1962, Abderrahmane Fares, Président de l’Exécutif provisoire, le nomme comme président du paysannat aux côtés du Délégué à l’agriculture, M’hamed Cheikh, Ingénieur Agronome.

Le Président Ben Bella le nomme directeur général de l’INRAA qu’il a dirigé en 1966 pendant deux ans, avant d’être désigné par le ministre de l’agriculture Mohamed Talbi, comme Directeur de production animale (DPA) et conseiller technique pour le pastoralisme.

Poursuivant sa fulgurante carrière, le Président Boumediene le nomme comme le premier PDG de l’Association pour le Développement du Pastoralisme (ADP) dont il est resté à la tête de 1970 à 1978 avant d’être, de 1984 à 1988, conseiller technique pour le pastoralisme du ministre de l’agriculture Kasdi Merbah.

Les pouvoirs publics ont fait appel à ses compétences à de nombreuses reprises en particulier lors des travaux de la Commission Nationale de la Révolution Agraire (CNRA), de Charte de la révolution agraire qu’il a enrichi par une annexe relative à la steppe algérienne, et du code pastoral en 1975.

La steppe algérienne, avec ses 20 millions d’hectares et 6 millions d’habitants, a toujours constitué pour lui un terrain d’études et de prédilection. Conscient des menaces relatives à sa dégradation, il n’a cessé de conseiller, d’écrire, d’alerter sur la nécessité de la préserver contre ses ennemis naturels et humains : avancée du désert, surpâturage…

Il a mis en place des coopératives qui ont démontré leurs preuves quant à la gestion responsable : pâturage raisonné, fermes d’engraissement, gestion des parcours… 

Il est à l’origine de la création de plusieurs stations d’amélioration génétique ovine réparties dans toute la steppe qui ont permis d’identifier des rameaux spécifiques de la race Ouled Djellal en particulier.

Scientifique infatigable, il se dit que pour son étude relative aux problèmes socio-économiques et développement de l’agriculture des Oasis et de la Saoura , Rabah Chellig aurait parcouru 9500 km dont 5500 km de pistes.

Rabah Chellig a publié un excellent article « Aspects de la société algérienne originelle » dans une revue éditée le 15 juillet 1959 par le Secrétariat Social d’Alger. L’article de Rabah CHELLIG ne fait référence à aucune note ou bibliographie. Il rapporte ses propres observations du terrain pour décrire la société agricole algérienne à cette époque. Un excellent article. Tout de suite après arrive un article de BOURDIEU qui parle du même sujet en reprenant les mêmes thèses que Rabah CHELLIG sur la Touiza, le kkemassat, le Souab, le banissement…..   mais sans le citer une seule fois.

Elhadj Chellig, qui considérait l’Algérie comme « BLAD ELGHNEM » serait à l’origine de l’émission de pièces de monnaie à l’effigie des moutons de la steppe en 1974 et du billet de banque de 50 DA émis en 1964 illustré par d’autres animaux du Sahara pour marquer la vocation pastorale de l’Algérie.

Je l’ai eu comme « accompagnateur » à l’INA deux années de suite 1979 et 1980. Il ne donnait pas de cours théoriques à cette époque du moins. Il nous accompagnait dans nos sorties dans la steppe algérienne et nous expliquait tout oralement. Anthropologue dans l’âme, il avait une fabuleuse connaissance de la steppe. Homme pieux d’une extraordinaire humilité, ses connaissances des races ovines et des espèces fourragères de la steppe faisaient de lui une référence mondiale pour des étudiants comme pour des enseignants. Le Professeur Tisserand de l’INRA de Dijon était admiratif devant cette encyclopédie vivante. Mais ce sont surtout ses connaissances sociologiques des habitants de la steppe et du nomadisme qui ont fait sa réputation.

J’ai eu la chance d’avoir accès à ses archives personnelles stockées dans trois grandes armoires chez lui à Alger. Il a pratiquement tout garder : ses notes, ses cours, les cours de ses amis dont Salah Djebaili , ex directeur de l’Ina d’El Harrach et ex  recteur de l’université de Bab Ezzouar, qu’il a convaincu de rentrer en Algérie, les thèses dont il a été membre du jury annotées par ses soins ( et quelles annotations !) , les notes de de ses étudiants, les correspondances officielles en marge de ses multiples responsabilités, des livres, des albums photos de la steppe. Tout est archivé ! Mais il faut quelques jours pour tout trier, classer, étiqueter afin que cet homme soit connu par tous ceux qui affectionnent les hommes qui ont sacrifié leur vie au service de la connaissance et du développement. 

Lui qui écrivait que « L’homme dans la société traditionnelle n’est qu’un élément de la communauté fortement organisée où chacun a sa place nettement déterminée. Sa vie est régie par un certain nombre de règles auxquelles il est soumis au sein de cette société. Ces règles reposent sur trois nécessités vitales :

– Nécessité de subsister

– Nécessité de produire

– Nécessité de s’entraider (Touiza) »

La société rurale traditionnelle, ayant comme cellule de base la famille, cette dernière est fortement imprégnée par le groupement initial dont elle est issue, c’est à dire la famille patriarcale. Cette dernière a pour soins de répondre aux trois critères majeurs que nous venons d’évoquer.

Assurer la subsistance de ses membres, ceci ne peut se réaliser que par la nécessité de produire essentiellement des biens de consommation. La production s’effectue grâce au système d’entraide, à l’intérieur de la famille et vis-à-vis des familles voisines (Touiza).

De ces nécessités découlent des rapports sociaux et économiques obéissant à des règles de caractère traditionnel. Ces règles constituent une sorte de Droit coutumier qui régit toute l’activité économique de la communauté.

Le respect de ces règles est sacré et absolu, sous peine de bannissement (1) car, grâce à elles, on assure la stabilité de la famille et l’équilibre économique du groupe. Ceci explique pourquoi le paysan est prisonnier de son milieu, sa vie est réglée dans ses moindres détails, et ce pour limiter au maximum les risques de déséquilibre trop dangereux pour la communauté à cause, bien sûr, de ses moyens très limités ».

En quelques lignes, Rabah Chellig résume toute la problématique des zones steppiques et sahariennes encore d’actualité de nos jours.

Rabah Cheliig a enseigné à l’INA d’El-Harrach, à l’ENV  et à l’Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg  (INESA). Il a à son actif de très nombreuses publications dont l’emblématique « Les races ovines algériennes », devenu une référence nationale et internationale et publié par l’Office des publications universitaires en 1992.

L’INA d’El Harrach lui a rendu un vibrant hommage en présence de son fils Nadir en mars 2015. Et en février 2008, il a été honoré par l’INRAA lors des Premières Assises de la Recherche Agronomiques à Tipaza.

Rabah Chellig est décédé le 02 Septembre 2012 à son domicile et enterré au Cimetière de Sidi Yahia. Il restera dans le cœur de tous ceux qui l’ont connu.

Allah yerhmou.

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