« SACRALITÉ » OU RESPECT DÛ À LA FONCTION

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      Abdellah CHEBBAH     Juin, 2012

            En monarchie, le Roi est sacré. En religion, les paroles de Dieu sont sacrées.  

En république, le chef de l’état ou tout autre personnage politique n’a rien de sacré. C’est une personne comme les autres. Il n’incarne pas une fonction définie par la constitution, il la remplit, il l’exerce. Il n’incarne pas non plus la nation. C’est un serviteur de celle-ci. Il n’est pas au-dessus d’elle, il est bien au contraire, à son service.

En Algérie, trois chefs d’état ont incarné la nation : Benbella, Boumédiene et Bouteflika. Ces trois présidents illégitimes, c’est à dire élus frauduleusement, ont sacralisé leur fonction en s’octroyant tous les droits sur leurs concitoyens. Rien ne devait aller à l’encontre de leurs décisions. Se prenant pour les pères de la nation, ils sont devenus des symboles, des petits dieux qui faisaient la pluie et le beau temps dans un pays constamment ensoleillé.

Ces trois personnages ont incarné l’Algérie toute entière où rien ne pouvait ni se faire ni se dire sans leur approbation. Ils ont tué l’initiative, le bonheur, la dignité, la pensée et l’espoir. C’est nous l’Algérie, disaient-il? Nous l’incarnons.

Qui sont alors ces millions d’Algériens qui regardent d’en bas ces effigies?

Pendant plus de 58 ans, ils ont acquiescé à leurs politiques, leurs désirs, leurs mensonges, leurs affaires scabreuses, leurs mises en scène. Ils ont accepté tous les sacrifices, uniquement pour bâtir une nation de droits et de libertés où il ferait bon vivre.  Malheureusement, la sacralité, l’arrogance et le mépris de ces dirigeants ont trahi la confiance qu’avait ce peuple vis à vis de leur politique.

Benbella en tête, avait emprisonné ses compatriotes de combat de première heure et s’est octroyé, par la force, tous les pouvoirs dans un parti unique où primaient uniquement ses décisions. Boumédiene plus futé  et imbu en a fait de même en s’entourant d’un conseil de la révolution choisi parmi ses acolytes des frontières pour gouverner en main de fer et le dernier, Bouteflika, l’imposteur, a éliminé tout le monde et s’est protégé en plaçant ses proches et les plus minables pour avoir tous les projecteurs dirigés sur sa personne. C’est ainsi qu’ils ont confisqué le pouvoir et tout ce qui va avec.

Dotés d’une capacité de persuasion, l’un par la colère, l’autre par la violence et le dernier par la  malice du verbe, ils ont fini par brisé le cordon ombilical qui les reliait à leur peuple. C’est ainsi qu’ils ont perdu toute la confiance et le respect de ce peuple.

Les effets qu’a engendré cette façon de faire de la politique se sont ancrés dans le subconscient du citoyen. On a fini par adorer et vénérer Bouteflika qui a ruiné, terni et détruit l’image de L’ Algérie. On a respecté Boumédiene, le sanguinaire, pour sa rigueur et son faux patriotisme et on a aimé Benbella, le populiste, parce qu’il était le premier chef d’état qui a mis fin à une révolte de ses anciens compatriotes dont le peuple n’en voulait pas. Sept années de guerre suffisaient. Mais, on les a haï pour ce qu’ils ont fait.  

Le premier a instauré le régionalisme, le second la dictature et le troisième la rapine.     Ces trois façons de faire de la politique ont engendré le banditisme et le crime d’état. Des règlements de compte en haut lieu.

Fallait-il qu’ils s’élèvent et s’érigent en faussant l’histoire et en réduisant la société toute entière en toutous?

Fallait-il qu’ils s’approprient tous les pouvoirs pour gouverner un pays et décider du destin d’un peuple?

Bien sûr que non.

Nous y voilà maintenant encore, avec les mêmes procédés d’une gouvernance héritière de ces mégalomanes, psychopathes et schizophrènes.

Noureddine Ait Hamouda, fils de Amirouche vient d’être incarcéré parce qu’il a osé critiquer des personnalités qui ont fait l’histoire de l’Algérie.

Dans ce pays, on n’a pas le droit de toucher aux symboles de l’histoire. Ils sont sacrés. Et pourtant, combien ont été assassinés, combien ont été poussés à l’exil, combien ont été emprisonnés par ceux-là mêmes qui dictent ce droit.

C’est aux historiens et au peuple de juger les personnalités politiques qui ont fait l’histoire de l’Algérie contemporaine et non à la justice, de surcroît, soumise aux ordres.

Toute personne politique est sujette aux critiques et aux jugements. C’est une personne publique qui est aux services d’une nation. Il a des fonctions à remplir et à exercer en son âme et conscience. Il est par conséquent moralement imputable envers une nation, de ses gestes posés.

Aujourd’hui, vu la situation dans laquelle se retrouve l’Algérie, le peuple a le droit de se poser des questions sur son histoire révolutionnaire, sur ses chefs historiques qu’on a sacralisé au bon vouloir du régime en place.

Le refus des autorités Françaises et Algériennes d’accéder aux archives expliquent bien des choses. Les historiens auraient pu, depuis longue date, écrire en détails la vraie histoire et non celle qui se racontent par les troubadours du régime, pour éviter toute équivoque.

Noureddine Ait Hamouda vient de jeter un pavé dans la marre en désacralisant des figures de l’histoire. Pourquoi l’avoir incarcéré ?

Ceux qui ont eu l’humilité et le vrai sens du patriotisme ont laissé des consignes et des écrits pour être inhumés dans leur village natal parmi leur peuple et non dans un musée mortifère. Pour les autres il y aurait sûrement trop à dire. La preuve en est là, aujourd’hui, devant nous.

Et dieu seul sait à qui revient le mérite. .

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