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Les éclairages de Hocine Malti sur la Libye et la course au butin pétrolier
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In Maghreb Emergent Hocine Malti, un des fondateurs de Sonatrach et l »auteur d’une « Histoire Secrète du Pétrole Algérien » connait bien la Libye où il a travaillé entre 1977 et 1982 pour la Compagnie arabes des services pétroliers. Il évoque dans cet entretien le « cas pathologique » de Kadhafi et le parcours des hommes du CNT. Selon lui, l’indifférence des Etats de la région dont l’Algérie a l’égard du peuple libyen a fait le lit de l’intervention de l’Otan. Hocine Malti explique également pourquoi le CNT ne pourra mettre à la disposition de sociétés françaises « une production qui ne lui appartient pas ». Il donne également son appréciation sur le fait de savoir si les intérêts de Sonatrach en Libye sont menacés ou non. Un entretien précis et éclairant.
Maghreb Emergent : Que vous inspire la situation en Libye, un pays que vous connaissez bien pour y avoir vécu et travaillé ?
Hocine Malti : Oui, effectivement j’ai travaillé et vécu à Tripoli de 1977 à 1982 pour la Compagnie Arabe des Services Pétroliers créée par les dix pays membres de l’OPAEP. Je garde le souvenir d’un peuple très ressemblant aux algériens, généreux, hospitalier et parfois un peu…brusque. Déjà à l’époque Kadhafi n’était pas très aimé, il passait déjà pour une sorte de cas pathologique. Mais il faut dire que les gens reconnaissaient qu’il avait amélioré un tant soit peu les conditions de vie en distribuant des miettes de la rente. J’ai assisté, ébahi, à la création de la Jamahiriya annoncée au cours du premier trimestre 1977, par celui qui allait en devenir son guide. C’était une scène assez surréaliste, où le colonel face à un auditoire convoqué pour la circonstance, expliquait l’histoire de la démocratie depuis l’agora athénienne jusqu’à son parachèvement ultime : la Jamahiriya Libyenne…Au delà du folklore et des foucades de son chef, le régime Kadhafi était autocratique et liberticide. Que pensez-vous de la situation actuelle ? Il est tout à fait regrettable que l’on soit contraint de recourir à l’OTAN pour voir un peuple arabe se libérer de la tyrannie. Il faut bien dire que le régime Kadhafi n’aurait eu aucun scrupule à noyer dans le sang toute tentative de rébellion : le peuple libyen n’aurait pas pu se débarrasser de ce régime sans cet appui extérieur. On peut néanmoins se poser la question sur cette intervention très tardive des occidentaux : ils connaissaient Kadhafi depuis très longtemps et nul n’ignorait ses capacités de nuisance. On aurait pu depuis longtemps s’en débarrasser à moindre frais. Je déplore au passage que notre pays ne se soit pas impliqué pour porter assistance au peuple libyen comme cela avait été fait pour le peuple sahraoui. Certes si l’Otan est aujourd’hui en Libye, on le doit fondamentalement à la politique de Kadhafi. Mais aussi à l’inaptitude des pays arabes de la région, en premier lieu, hélas, l’Algérie, à venir en aide au peuple libyen pour mettre un terme à la dérive sanglante du régime de Kadhafi. Ceci étant, tout se jouera avec l’installation du nouveau pouvoir dont on ne perçoit pas très nettement les contours aujourd’hui. Le CNT est un amalgame de transfuges du régime qu’ils ont servi cyniquement et on peut valablement s’interroger sur la validité de leur engagement patriotique. Beaucoup sont connus pour appartenir au premier cercle du système de corruption Kadhafien et sont notoirement connectés avec des officines étrangères. La prudence est donc le maitre-mot et tout dépendra de la capacité des élites libyennes à imposer un point de vue national. Il a été question de remercier certains pays, la France notamment, en les gratifiant de pourcentage plus ou moins significatif de la production pétrolière…. Effectivement un quotidien français a diffusé l’information selon laquelle le CNT, pour remercier Paris, se serait engagé par écrit à confier 35% de la production du pays à des compagnies pétrolières françaises. Or, le pétrole libyen est exploité majoritairement par des compagnies internationales, notamment américaines. La compagnie publique libyenne NOC, National oil Company, ne contrôle qu’une faible partie de la production nationale : on voit mal comment le CNT pourrait mettre à la disposition de sociétés françaises une production qui ne lui appartient pas pour l’essentiel. D’autant que la NOC est obligée par des contrats vis-à-vis de ses clients : elle ne peut impunément revenir sur ses engagements sans avoir à payer un prix très lourd. On se demande donc qui a intérêt à faire circuler de telles informations et quel est le but recherché. S’agit-il de manœuvres politiciennes à la veille d’élections capitales en France, s’agit-il de rappeler à qui le CNT doit son existence… ? Les intérêts de Sonatrach en Libye sont ils menacés ? Je ne crois pas à priori. La présence de Sonatrach en Libye est le résultat d’un contrat entre l’Etat Libyen et la compagnie algérienne. Si les nouvelles autorités libyennes déchirent ce contrat ce sera un très mauvais signal pour la communauté pétrolière internationale. Tout investisseur en Libye pourrait subir le même sort. Si elles souhaitent « punir » l’Algérie, les autorités libyennes, ne pouvant revenir sur des engagements contractuels, peuvent cependant multiplier les obstacles et tracasseries bureaucratiques. Les occidentaux devront être « remerciés » d’une manière ou d’une autre… Le ministre français des affaires étrangères a lui-même déclaré en substance qu’il serait naturel que les alliés du CNT soient récompensés d’une manière ou d’une autre. A mon avis cette « récompense » pourrait prendre la forme de contrats de réalisation de projets de reconstruction, de prestations de services… qui pourraient être attribués à des sociétés françaises. Total pourrait être favorisé pour l’attribution de nouveaux contrats de recherche…Les possibilités de renvoi d’ascenseur sont nombreuses compte tenu des besoins de l’économie libyenne et de ses capacités financières. |
La création du RCD, dans la logique de ses fondateurs, devait supplanter l’espace occupé par le MCB. D’ailleurs, n’appelèrent-ils pas les assises de leur parti « les assises RCD/MCB ». Ceci dit, la difficulté fut de s’imposer sur le terrain. Il fallait aussi convaincre les militants et sympathisants du MCB du bien fondé d’un tel projet. Néanmoins, en dépit de diverses difficultés, les opposants aux assises réussirent à sauver le MCB de sa mise au placard. Et celui-ci, ayant survécu aux assises, avait à son actif un bilan satisfaisant. Cependant, cinq ans après la création de son parti, Saïd Sadi se rendit compte que son parti avait intérêt à associer le sigle MCB à ses activités politiques. En effet, et si le moins que l’on puisse dire, le sigle MCB permit des grandes mobilisations. Le chef du RCD entreprit alors une démarche qu’Alain Mahé explique en notant : « C’est dans le cadre de cette nouvelle stratégie et grâce à l’extraordinaire capacité de mobilisation qu’avait le sigle MCB que le RCD décida de créer un MCB –Coordination nationale… C’est lors d’une manifestation organisée le 17 janvier 1994, et à laquelle avait appelé une dizaine d’associations culturelles proches du RCD, que Ferhat Mehenni proclama la création du MCB –coordination nationale ». Par ailleurs, sentant que le RCD voulait se poser comme le représentant de la Kabylie, le MCB –Commissions nationale organisa une manifestation le 25 janvier 1994. Celle-ci draina énormément de monde.
Toutefois, la crise politique du moment fut une occasion rêvée d’occuper le terrain. La stratégie du RCD s’inscrivait dans cette logique. Bien que le pouvoir, du moins le clan le plus important, ait privilégié une gestion sécuritaire de la crise politique, survenue rappelons-nous suite à l’arrêt du processus démocratique, les rencontres de « la conférence de l’entente nationale » créèrent une panique chez les éradicateurs. De l’avis des observateurs, la région de Kabylie fut le terreau idéal pour mettre en difficulté le groupe du pouvoir négociateur. Un événement, lourd de conséquence, de ce qui fut la prise en otage de la région était l’affaire du boycottage scolaire. Pour Alain Mahé : « C’est en tant que président de la coordination nationale du MCB que Ferhat Mehenni lança un boycottage scolaire illimité, fin août 1994, avec comme mots d’ordre : constitutionnalisation et institutionnalisation de l’amazighité et reconnaissance de la langue Tamazight comme langue nationale et officielle». Pour rappel, le contexte politique en Algérie fut alors marqué par le dialogue entre la présidence de la république et les dirigeants du FIS. Ainsi, pour perturber ce dialogue, auquel d’ailleurs les Algériens n’accordaient pas de crédit tellement le pouvoir n’écoutait pas ses interlocuteurs, le MCB –coordination nationale, par la voix de Ferhat Mehenni, était prêt à sacrifier la scolarité des jeunes de la région. Mais, en appelant à un boycottage illimité, le lanceur de l’appel a-t-il accepté que les siens sacrifient leurs études ? Hélas, il n’en fut rien. Dans son esprit, le sacrifice devait toucher les autres. A l’université, on a assisté à un phénomène répréhensible : les plus pistonnés réussirent à obtenir une inscription dans d’autres universités du pays. L’année suivante, certains revinrent avec une année en poche. Cela dit, pour revenir au contexte politique de l’époque, Alain Mahé décèle une arrière-pensée des initiateurs du boycottage scolaire. Il note à ce propos : « Pour certains animateurs du mouvement culturel, l’agitation et le désordre qui résulteraient de ces événements n’auraient d’autre but que de faire échouer la solution politique recherchée par les négociations en cours entre le clan présidentiel –Zeroual et Betchine –et les responsables du FIS. Echec qui profiterait aux tenants de la solution militaire ». Par ailleurs, se trouvant devant le fait accompli, le MCB –commissions nationales adhéra à l’appel du boycottage le 2 septembre 1994. En effet, les mots d’ordres ne pouvaient pas laisser les militants indifférents. Pour autant, faut-il que la lutte ne soit pas biaisée. Toutefois, dans le même mois, un événement tint la Kabylie en haleine. Le chanteur populaire, MATOUB Lounes, fut enlevé le 28 septembre 1994. « Le lendemain, Ferhat Mehenni, président de la coordination nationale du MCB, adresse aux ravisseurs un ultimatum leur laissant quarante-huit heures pour libérer MATOUB Lounes, faute de quoi la Kabylie déclarerait la guerre aux islamistes ». Cet appel, à le juger dix-sept ans plus tard, n’a aucun sens. De quel droit peut-on engager toute une région, solidaire soit-elle avec une personnalité populaire, dans une guerre ? De surcroit, cette guerre n’eut aucun fondement. La crise des années 1990 fut une lutte pour le pouvoir. Elle ne concernait pas du coup l’intérêt suprême du pays mais la lutte pour l’emprise sur les institutions. D’ailleurs, cette option ne pouvait pas être celle de la Kabylie. La raclée électorale de décembre 1991 avait été la preuve de la minorité de telles idées dans la région. Cela dit, après un appel au boycottage scolaire, après une guerre déclarée aux islamistes, le même personnage se proclame, près de deux décennies plus tard, président de la Kabylie, et ce à l’insu des concernés. Par ailleurs, pour revenir au sujet qui nous préoccupe, les tenants de la politique d’éradication n’attendirent pas longtemps avant de mettre en œuvre une politique guerrière en Kabylie. Pour Alain Mahé : « C’est au lendemain de ces développements que seront constituées des milices de patriotes encadrées par le RCD. La militarisation était en cours et cette option s’étendra à l’ensemble du territoire national ». Ainsi, à défaut de pouvoir s’imposer politiquement, les partisans de l’éradication s’imposèrent par la force.
Cependant, pour des raisons que l’on ignore jusqu’à aujourd’hui, en janvier 1995, le président du MCB –coordination nationale démissionna du RCD. Le comble de l’histoire, et en se trouvant sans aucun appui dans la région, Ferhat Mehenni rentra en négociation avec le pouvoir. Dans sa démarche, il tenta d’associer le MCB –commissions nationales. Celui-ci refusa nettement. Finalement, il parvint à un accord avec le gouvernement, en mars 1995, sur deux points :
– La reprise des cours,
– La création du Haut Conseil à l’amazighité.
Bénéficiant de la disponibilité des médias, la télévision nationale s’empara du sujet. Par ailleurs, sentant que la manipulation fut la marque de fabrique de la coordination nationale, les animateurs des commissions nationales appelèrent à la réunion de toutes les parties prenantes de ce boycottage. Celle-ci eut lieu le 4 avril 1995. Selon Alain Mahé : « Grâce à l’appui des membres des commissions nationales, Ferhat a participé à cette réunion du 4 avril 1995, en dépit de l’opposition de ses anciens amis de la coordination nationale du MCB. C’est le lendemain de cette réunion qu’il annonce la création du MCB-rassemblement national ». En tout cas, de cette réunion, les animateurs optèrent pour une plateforme consensuelle minimale. Ainsi de statut de langue nationale et officielle, les animateurs se contentèrent de la première partie de la revendication. Dans ces conditions, la négociation put s’ouvrir avec le gouvernement. Bien que les animateurs aient fait beaucoup de concessions, la rencontre buta sur le refus du gouvernement de reconnaitre le caractère national de Tamazight. Dans cette épreuve, le gouvernement voulait deux choses ambivalentes : négocier et ne rien concéder. Cette volonté fut confirmée le 22 avril lors du second round de la négociation. Au bout de neuf heures de palabres, les commissions nationales se retirèrent. En revanche, la coordination nationale du MCB avait d’autres objectifs, comme le montre si bien Alain Mahé : « Ce refus du pouvoir a certainement été facilité par le renoncement de la coordination nationale de maintenir la revendication du statut de langue nationale pour le berbère lors de ces négociations, alors que cette revendication faisait partie de la plateforme revendicative cosignée quelques jours auparavant, le 4 avril. Ce renoncement apparait, de toute évidence, dicté par le souci de mettre fin au boycottage qui compromettait la candidature de Saïd Sadi à l’élection présidentielle. De fait, le MCB –coordination nationale appela à soutenir la candidature du leader du RCD ». Incontestablement, le pouvoir algérien et la coordination nationale avaient intérêt à mettre fin à ce boycottage scolaire. En effet, il n’était pas question pour le pouvoir d’organiser l’élection présidentielle sans la participation de la Kabylie. Par conséquent, il fallait trouver un partenaire avec qui négocier. Et surtout il fallait lui faire croire que les maigres concessions étaient une victoire. Pour sceller l’entente, le 29 avril 1995, la rencontre regroupa, d’un côté, le MCB –coordination nationale et, de l’autre côté, le gouvernement algérien. Le terrain étant balisé, il ne restait qu’à parapher l’accord. Celui-ci stipula la fin immédiate du boycottage scolaire. Pour Alain Mahé : « En fait, il n’y aurait eu aucune différence entre l’accord proposé par Ferhat et dénoncé par la coordination nationale et celui que celle-ci finira par avaliser. Le seul « changement » réside dans le nom de l’organisme créé pour promouvoir l’amazighité : Haut conseil dans la formule de Ferhat et Haut-commissariat dans celle des coordinations nationales ». Toutefois, malgré la réaction des commissions nationales tentant de déjouer la manœuvre, la presse, dans son ensemble, se rongea du côté de la coordination nationale.
Pour conclure, il va de soi que la question culturelle, bien qu’elle soit centrale en Kabylie, a été l’objet d’une grande manipulation. En cette année 1994, les animateurs de la coordination nationale utilisèrent cette question pour des objectifs qui n’avaient rien à voir avec la culture. En effet, en août 1994, ils prirent en otage les écoliers en vue de faire échouer la conférence nationale. Après l’adhésion populaire, ils arrêtèrent le mouvement afin de permettre à Saïd Sadi de participer à l’élection présidentielle de 1995. Finalement, pour ceux qui étaient touché par ce boycottage, le bilan de cette action fut désastreux. En effet, des milliers, voire des millions, d’élèves perdirent vainement une année de leur cursus. Après la reprise des cours, beaucoup d’élèves furent désemparés. Quant aux maigres acquis, notamment la création du Haut-commissariat, Tamazight est restée toujours emprisonnée. Les activités de ce Haut-commissariat se limitèrent à la distribution des prix de concours de poésie, de théâtre ou de chants, écrit in fine Alain Mahé. En somme, cette expérience suscita une désaffection générale. Jusqu’à 1998, année de l’assassinat de MATOUB Lounes, la revendication culturelle fut réduite à son expression spartiate.
Le Quotidien d'Algérie
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