L’Algérie est un pays pris en otage par de la canaille qui se sustente de sa chair vive, et qui compromet gravement son avenir.
La mafiocratie qui a capté le pouvoir dès l’indépendance de ce malheureux pays, et même avant, est arrivée à ses fins. Garder le pouvoir et transformer tout le pays en une sorte d’exploitation familiale, un bien propre, un domaine peuplé de serfs. Elle a réussi à dompter un peuple fier et rebelle, pour en faire une foule moutonnière et versatile. Cette mafiocratie a usé de la corruption de masse, du mensonge, de la corruption, de la force brutale, de la manipulation de la mémoire collective, de la fraude électorale, de la cooptation de relais sociaux et de toutes les méthodes possibles et imaginables pour se maintenir à la tête du pays, et continuer de le piller sans vergogne. Et le peuple, plutôt que de se braquer, d’entrer dans les saines et viriles colères qui l’ont dressé, tout au long de sa tumultueuse histoire, contre les oppresseurs de tout poil, s’est docilement couché aux pieds de ses nouveaux maîtres. Il s’est détourné de ceux parmi les siens, de plus en plus rares, qui ont tenté de réveiller sa dignité, et son honneur.
En même temps qu’ils perpétraient un carnage sur des populations civiles, un carnage sans nom, les principaux barons du régime, ainsi que leurs clientèles et leurs parentèles ont subtilisé ouvertement au peuple algérien des fortunes colossales. Certains parmi eux, sans même s’en cacher, sont devenus des spéculateurs remarqués dans le foncier le plus cher au monde, celui des pays du Golfe. D’autres se sont spécialisés dans le marché de l’armement, dans le grand négoce de céréales, celui du médicament, de l’automobile, et dans de nombreux autres créneaux de très grand rapport. Ils se sont partagés le marché algérien, et ont réussi à dilapider presque 1000 milliards de dollars au cours de ces 11 dernières années.
Alertés par la formidable prise de conscience, par une vague de dignité, qui a déferlé sur le monde arabe, et arabo-berbère, cette mafiocratie a consacré un gros budget pour finir d’anesthésier les populations, les diviser, les salir, et les dissuader de se révolter contre elle. Crédits alloués à des jeunes pour lancer des micro-entreprises souvent non viables, crédits à la consommation, laxisme sur tous les trafics, sur la construction illicite, sur l’économie souterraine, sur l’insécurité urbaine, sur la prostitution clandestine, et sur tous les fléaux sociaux qui rongent le pays.
Ce régime prédateur semble avoir compris que la corruption des masses, l’incivisme et l’affairisme effréné sont de puissants stimulateurs d’une mauvaise conscience collective, qui lui rallient naturellement des alliés objectifs, outrancièrement fiers de leur arrivisme effréné et pathétique. La fameuse kfaza, qui fait se rengorger devant ceux qui n’ont pas aussi bien « réussi » leur vie.
En même temps qu’elle fait tout pour diluer la morale et la conscience collective, la mafiocratie s’est emparée de revendications islamistes, pour les faire siennes, et récupérer ainsi une sorte de discours ambiant, et faussement moralisateur. Des agents infiltrés du DRS au sein de mouvances islamistes jettent désormais leurs anathèmes, et leurs troupes fanatisées, contre des débits de boissons alcoolisées, et contre de pauvres malheureuses, contraintes à la prostitution par une conjoncture souvent atroce.
Et ainsi, aux côtés d’Ubu Roi, d’ Ali et les 40 voleurs, Tartuffe se taille une place à la tête d’une société qui n’a plus d’autres règles que celles d’une jungle, ni d’autres valeurs que de paraître, ni d’autres rêves que de se hisser au rang des voleurs et des pilleurs, ni d’autre foi que de la sécheresse des cœurs, ni d’autre solidarité que celle du clan, ni d’autre peur que de ne pouvoir arracher sa part de butin.
Les richesses de l’Algérie sont devenues sa malédiction, et le plus sûr moyen de la précipiter vers le chaos. Elles ne servent à rien d’autre, en plus de profiter à une mafiocratie qui se ménage, ainsi qu’à sa descendance, un refuge doré dans des pays lointains, qu’à exacerber les plus bas instincts d’une multitude qui n’a plus de peuple que le nom.
Le serment aux martyrs a été trahi. Non pas seulement par les malfaiteurs qui ont volé la liberté chèrement acquise, mais par tout le peuple algérien, qui assiste sans rien dire, et même qui participe lui-même, à la mise à mort de sa propre patrie, et de l’avenir de ses propres enfants.
Il ne sert à rien désormais de se voiler la face. La mafiocratie qui a pris possession de l’Algérie a réussi son plus grand pari. Elle n’est pas seulement parvenue à disposer de tout le pays comme d’un bien propre, mais elle a réussi à transformer tout un peuple d’hommes et de femmes libérés par un fleuve de sang, en un magma informe et bêlant, qui se rue et se bouscule vers son propre abattoir.
D.Benchenouf