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Algérie – Ahmed Rouadjia décrypte l’échec de la jonction université-économie

by Redaction LQA
 

 

 

Lundi, 26 Septembre 2011 22:00

In Maghreb Emergent

 

Pourquoi la jonction tant souhaitée entre l’université et l’économie ne fait pas? Comment expliquer la durable contre-performance de l’université algérienne? Le professeur Ahmed Rouadjia fait dans cet entretien un décryptage tonique et sans concession. Où il est également question d’un « Système » qui étouffe les élites et perpétue la « défaite face au sous-développement intellectuel, moral et économique ».

On parle beaucoup de changement depuis janvier… L’université parait en marge de cette demande. Comment analysez-vous ce peu d’intérêt que l’on accorde à l’université ?


Je l’analyse par le fait que le gouvernement et les responsables  directs de ce secteur, pourtant stratégique, ont eux-mêmes de grandes difficultés à se réformer, à se départir de leur vision étroite, étriquée de la science et de la culture. Ils perçoivent et vivent ces deux notions non pas sous le rapport de l’efficacité et de la qualité, mais sous l’angle de la quantité : le nombre d’étudiants, de places pédagogiques, de chaises, de tables, de salles, etc. La qualité de l’enseignement qui suppose des encadreurs compétents et des contenus d’enseignements dépouillés de leurs méthodes scolastiques ne les intéressent pas ; ce qu’il leur importe le plus, c’est de former « à la pelle » des étudiants, quitte à en faire des illettrés….La faute n’ incombe pas aux malheureux étudiants, premières victimes expiatoires  de ce système d’enseignement au rabais , mais aux encadreurs dont la plupart manquent cruellement de compétences scientifiques et pédagogiques. Le MESRS le sait, mais il ferme les yeux sur ces carences évidentes tant sa gestion de ce secteur relève plus de l’administratif que du scientifique. En donnant le primat à l’administration sur le scientifique, en inféodant celui-ci à celle-là, il a fini par ouvrir les portes  grandes à la promotion de la médiocrité et aux recrutements des médiocres au détriment des meilleurs. L’administration de nos universités, surtout celle qui est censée  diriger et orienter le corps des enseignants : Doyens, chefs de départements, chefs de domaine (LMD), etc., constitue le point d’attraction, le lieu de prédilection de tous les éléments dont la formation scientifique est  des plus médiocres.

 

Quel est votre appréciation du  système LMD mis en place en 2004 afin, officiellement, de créer des passerelles  avec l’économie ?

 

Ce système LMD s’avère être à l’examen une anti-réforme. Pâle copie du système européen, importé et plaqué à la hâte dans un contexte  social et économique mal préparé pour l’accueillir et l’appliquer, le LMD « algérien » n’est qu’un semblant de réforme destiné à dissimuler l’incapacité patente des responsables de ce secteur à imaginer par eux-mêmes une réforme de l’Enseignement supérieur qui soit en parfaite adéquation avec les possibilités et les ressources réelles du pays, ressources qui sont pourtant loin d’être négligeables, mais  cependant mal exploitées. Allez chercher des « modèles » de l’étranger au lieu d’en concevoir par soi-même, est une mauvaise politique. En mandatant des «experts » triés sur le volet en fonction plus de leur allégeance ou manque d’esprit critique qu’en rapport avec leurs compétences pour aller chercher le modèle de réforme de l’enseignement de l’Europe, le MESRS a péché par manque de clairvoyance politique et par un déficit flagrant  du sens de la responsabilité politique. Qui aurait dû lui recommander d’utiliser le stock du potentiel des compétences indépendantes que compte le pays, mais qui se trouvent marginalisées justement par le fait de l’indifférence, l’incurie ou les négligences coupables de ceux qui président au destin de se secteur sensible. En sept ans d’application désordonnée de ce LMD présenté à l’origine comme une planche de salut, force est de constater que le résultat de cette prétendue réforme est catastrophique. Non seulement les passerelles projetées entre l’université et le secteur économique n’ont pas eu lieu,  mais encore le niveau d’enseignement et de formation universitaire ne cesse de se détériorer jour après jour. Quand les enseignants chargés d’enseigner le « LMD » n’entendent rien à ce système qu’ils appliquent de manière mécanique ; quand les outils pédagogiques leur font  cruellement défauts (bureaux, ordinateurs, téléphone…) ; lorsque le tutorat prévu dans les textes est inexistant, et lorsqu’enfin, l’administratif empiète sans cesse sur les prérogatives du scientifique qui en est réduit à obéir au doigt et à l’œil  aux petits et aux grands chefs administratifs aux pouvoirs quasi exorbitants, il ne faut s’attendre dans ces conditions que la formation universitaire puisse atteindre l’Excellence (al-jawda), vocable cher au Ministre Haraoubia et ses collaborateurs immédiats à l’optimisme béat…

 

La conciliation entre la quête de la performance et l’enseignement de masse parait impossible.  Quelle politique mener ?

 

 

Effectivement, il s’agit d’un paradoxe incurable. Le déficit de la performance de l’université procède, dialectiquement, du déficit d’encadrement de qualité dont je viens de parler. Quant à l’enseignement de masse retenu comme critère de « démocratisation » par les dirigeants, il est incompatible avec la performance qui, elle, requiert une sélection rigoureuse des candidats à l’entrée à l’université. Evidemment, la sélection des meilleurs nous conduit à un enseignement « élitiste » où seuls peuvent y accéder  ou les  supers-doués ou les enfants des nantis. Entre l’enseignement de « masse » qui gonfle les effectifs des médiocres, malgré eux, et l’enseignement performant, qui suppose une sélection  par  le mérite ou par « l’argent », il faudrait trouver un compromis qui puisse satisfaire les deux extrêmes….Quant à la formation professionnelle qu’il faudrait développer, elle rencontre déjà des limites objectives : les débouchés. Les industries nationales sont-elles capables d’absorber la masse sortante de diplômés de cette filière ? Rien n’est moins sûr en effet. Car notre marché de l’emploi est déjà saturé. Chaque année une pléthore de jeunes diplômés sortie de l’université leur fait concurrence sur un marché d’autant plus exigu que l’avènement de «l’économie de marché » dont on chante les louanges peine à se mettre « à niveau »….

 

L’université algérienne forme dans tous les domaines par milliers… sans lien réel avec le marché. N’est-il pas urgent de réformer le système d’orientation universitaire notamment et  de cesser ainsi  de former des « chômeurs de luxe » ?

 

Le MESRS dit qu’il a entrepris une réforme « audacieuse » du système d’enseignement universitaire dont le LMD importé « clé en main » constitue la pointe avancée. La véritable réforme universitaire  passe non pas par l’importation des recettes toutes faites, mais par  la participation agissante, active de l’ensemble de  la communauté des enseignants à l’élaboration d’une stratégie scientifique  adaptée à long terme aux besoins du pays et aux exigences de son développement. Or, depuis des décennies, et de nos jours encore, cette stratégie d’enseignement et d’orientation universitaire se fait dans les cabinets ministériels par une poignée de bureaucrates, en vase clos, et comme en catimini, sans se soucier nullement de l’avis  de l’écrasante majorité des enseignants directement confrontés aux dures réalités du terrain. Le drame de l’Algérie en général, et celui de l’enseignement supérieur en particulier, réside essentiellement dans ce carcan bureaucratico-administratif qui étouffe  dans l’œuf l’esprit d’initiative et ôte aux esprits libres et indépendants l’autonomie et les moyens d’agir au service de leur pays. (…) Quand une nation tourne le dos à ses élites les meilleures ou les cantonne dans des limites étroites, elle ne pourra absolument pas espérer se relever de la défaite face au sous-développement intellectuel, moral et économique. L’enseignement supérieur ne peut pas se réformer sans que soit réformé l’ensemble du Système qui préside aux destinées de l’Algérie moderne, dont les perspectives semblent bouchées, en dépit des effets d’annonce, des consultations lancées à grands fracas  et des réformes promises…

 

Propos recueillis par INGRACHEN Amar

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2 comments

mohammed mlouli 28 septembre 2011 - 17h02

l’ universite algerienne forme des grands eleves et ça a cause de la politique (semer l’ignorence en algerie), politique du systeme.

Reply
mohandazrou 2 octobre 2011 - 11h12

Il est claire que les décisions prises en vase clos par un ou des groupes dans des cabinets ministériels et en déconnexion avec la réalité du milieu universitaire et celui de la société algérienne est un marqueur d’occupation du terrain de la construction des programmes denseignement, des filières, de leurs contenus… Pour que les concernés ne s’en occupent pas parce que déjà pris.

Ce n’est donc pas par méconnaissance ou par ignorance que nos décideurs restent sourds, mais par volonté active de diriger la population estudiantine, le corps enseignat, les chercheurs et les établisment vers : ailleurs que là où est leur place. C’est là leur premier bénéfice. Exclure, occuper, détourner.

Le colonialisme français n’était pas le seul à avoir fait le choix. C’estc du passé. Nous le revisons aujourdh’ui avec ceux qui nous re-présentent !

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