Home Révolte des opprimés Eté 2019 comme un été en 62.

Eté 2019 comme un été en 62.

by Redaction LQA


Ghania MOUFFOK

« De Tripoli à nos jours : il n’y a aucune légalité du pouvoir en Algérie ». 
En faisant cette déclaration, Lakhdar Bouregâa, fidèle à son histoire, savait exactement les risques qu’il prenait ce 26 juin, face à des appareils pressés de trouver des solutions et réunis au siège du RCD. Des appareils auxquels il rappelait que la recherche « d’instruments » ne devait pas faire perdre de vue l’objet du conflit. Entre cet homme qui avait le courage de dire : le problème en Algérie c’est « l’armée », et ceux qui proposaient, pour sortir de la crise, leurs services à « l’armée » pour organiser la « transition démocratique », le malentendu était total.

Demandes d’emploi rejetées.
L. Bouregâa les avait pourtant avertis : vous menez le mouvement à l’impasse, déclarait-il, à peine sorti de cette rencontre, dans une critique radicale de cette initiative. Comment, en effet, un maquisard de cette trempe, qui a combattu l’armée coloniale par les armes pour libérer son pays, avant de combattre l’armée du colonel H. Boumediène qui l’emprisonnera, le torturera, un fondateur du FFS, participant de toutes les formes d’opposition depuis plus de 57 ans, aurait-il pu prendre au sérieux une initiative relevant du domaine de l’absurde, de la pensée magique ? 
A – t- on jamais vu des tyrans mettre leur pouvoir au service d’un projet qui propose la mise à mort du système dont ils sont les architectes fondateurs qu’ils défendent, renforcent depuis plus d’un demi-siècle avec toutes les armes imaginables et même inimaginables ? L’histoire ne l’a pas démenti : aujourd’hui la sentinelle est « enharrachée », mise sous mandat de dépôt pour « atteinte au moral des troupes de l’ANP » et « outrage à corps constitué ». 
S’il suffit à un homme âgé de raconter son récit de la prise du pouvoir par l’armée des frontières en lui contestant le titre d’héritière de l’Armée de Libération Nationale à partir d’images vidéo de mauvaise qualité, hachurées et parfois inaudibles, pour porter atteinte au moral des troupes, alors c’est que le moral des troupes est bien bas. Et s’il suffit à l’ancien maquisard – aux chaussures usées à force de marcher pendant plus de cinq ans dans les maquis, des chaussures qui continuent à marcher à l’heure où elles auraient mérité le repos- de rappeler « la crise de l’été 62 » dont aucun curieux d’histoire n’ignore les bons et les mauvais soldats, pour être accusé « d’outrage à corps constitué » alors c’est que la vérité blesse l’honneur quand il est faible.


Pensée magique ou pêché originel ?

Son crime puisqu’il y a crime, c’est avoir rappelé depuis un pupitre d’opposant que, s’il y a aujourd’hui « impasse », c’est parce que la question à résoudre est mal posée. Réduite à un débat technique, à coup de période de transition aux articulations improbables – réduite à une liste de citations pour apprentis en droits des hommes sans les femmes – de conférences nationales -qui se posent en médiatrices d’on ne sait qui et contre qui- d’acteurs à peine identifiables- interchangeables parce que sans récit politique, sans base sociale, n’apportant dans leurs paniers que leurs échecs, leur impossibilité à dire d’où ils parlent et au nom de qui ils parlent dans le mensonge de l’unité. 
Pendant que l’Algérie traverse une grave crise de représentation symbolique et de représentation politique. Le mouvement de février est né justement du refus de se voir représenter par un homme malade sans tête et sans pieds pour marcher. Et au fur et à mesure que les gens marchaient, il a révélé à quel point cette crise des représentations était grave et profonde. En questionnant la source du pouvoir en Algérie, fondatrice de légitimité, L. Bouregâa a ramené dans le débat en terme politique depuis sa légitimité de maquisard, ses combats et son histoire politique, la question centrale aujourd’hui en Algérie : quel rôle pour l’armée cette grande ordinatrice de l’ordre politique, de l’ordre public, de l’ordre symbolique, et de l’ordre économique ? Et si l’on se croyait au 21ième siècle, il est venu rappeler qu’on était toujours au 20ième siècle, comme un remake de la crise de 62, crise non résolue à ce jour. Depuis ses combats L. Bouregâa a estimé que l’heure était peut-être venue de la dénouer. De questionner ce coup d’état fondateur de la fragilité de toutes les institutions en Algérie et organisé par l’armée des frontières contre le GPRA, pour, peut-être, faire oeuvre de réparation. Ce coup d’état qui, tel un pêché originel, ouvre et ferme les portes de l’enfer algérien depuis 57 ans.

L’interminable guerre des frères.

En opposant un contre récit aux fondements du pouvoir en Algérie, L. Bouregâa s’est mis dans le coeur de ce volcan comme un pompier prêt au sacrifice pour éteindre le feu du mythe fondateur que les gardiens du temple entretiennent et alimentent. Aujourd’hui, en manipulant – et ce n’est pas un hasard- toutes les représentations symboliques : depuis les drapeaux permis et interdits jusqu’à débaptiser – sur une chaîne de télévision publique – un commandant de l’ALN, cracher sur sa figure mythique du maquisard libérateur et populaire. Pour s’en convaincre, il suffit de marcher avec le commandant de l’ALN Bouregâa dans les rues à Alger un vendredi pour découvrir, surprise, son immense popularité. Il suffit de passer avec lui un délicieux après midi et de l’écouter raconter ce que marcher veut dire, et ce que l’on est prêt à faire pour une paire de chaussures. Comment l’oublier racontant comment dans les maquis, quand un soldat français mourrait de leurs balles, la première chose à faire avant qu’il ne se refroidisse et d’ensevelir ce malheureux corps, c’était de lui enlever ses chaussures et de les porter. Quelle terrible expérience humaine que de porter, pour survivre, les chaussures encore chaudes d’un soldat ennemi auquel on vient d’ôter la vie ! Aujourd’hui c’est cet homme de 86 ans -aux chaussures usées à force de marcher- un survivant, un acteur précieux, une mémoire des résistances, que la justice vient «d’enharrachée», dans la proximité de ceux qui ont ruiné le pays. Une justice qui déclare criminel le droit de combattre le feu de l’enfer, telle une justice rendue au nom d’une divinité invisible. L’Algérie est un pays antique et tragique qui n’en finit pas de questionner ses mythes. Entre guerre du feu et pensée magique, ce qui se joue, autour de l’affaire Lakhdar Bouregâa, c’est la guerre des mémoires fratricides : entre le frère sans pouvoir qui interroge la généalogie de l’héritage, et le frère qui se saisit de l’héritage pour le transformer en pouvoir. Dans un pays sans père auquel succéder, nous dit Karima Lazali, psychanalyste, il ne reste que le fratricide pour trancher, malheureusement pas seulement au figuré. La langue emprisonnée de l’un des derniers survivants du Conseil National de la Révolution Algérienne, CNRA, en témoigne, pour avoir dit : ce sont les fondations du pouvoir qui tremblent, ce ne sont pas les escaliers pour y accéder, ce sont ses frères qui l’ont enchaîné. Ah, je vois déjà des voix raisonnables venir m’expliquer : ce n’est pas le moment de poser ces questions taboues qui divisent. Mais alors, si ce n’est pas le moment de poser la question des sources du pouvoir en Algérie, c’est le moment de quoi ? de monter les escaliers entre deux présidents, deux selfies en attendant le prochain coup d’état ?

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6 comments

Amjahed nathfarhat 1 juillet 2019 - 23h07

« Il n’y a point de cruelle tyrannie que celle que l’on exercice à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ». (Montesquieu)
Merci madame MOUFFOK pour ce magnifique texte sur cette légende vivante de la wilaya 4 historique, auteur de « Les Hommes de MOKORNO » qui relate sa vie de maquisard, ses épiques combats contre les unités de para et de la légion étrangère dans la zone 2 et son arrestation, détention et tortures par les hommes de Boukharrouba à la suite de la tentative de putsch de Zbiri.
A travers ce texte je retrouve la lucide, talentueuse et courageuse journaliste du »jeudi d’Algérie » et des années 90 et je suis tenté de dire que tant qu’il existera des femmes comme vous, comme Fatima Oussedik, comme Lakhdar BOURGAA et A. Hadj Nacer et beaucoup d’autres qui chacun à sa façon exprime un amour profond pour la patrie le pays tiendra et finira par trouver sa voie. Encore une fois merci merci

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Yacine 2 juillet 2019 - 14h56

Madame Ghania Mouffok

99,99% des militaires n’ont aucun pouvoir .C’est la haute hierarchie de l’armee ( Etat-major et police politique ) qui sont les detenteurs du pouvoir .Ne nous trompons pas  » d’ennemi  » !
Comment terasser l’ennemi est la question vitale pour nous ?
1) Ne jamais accepter la feuille de route de Gaid Salah et faire tout pour qu’il n’y est aucune election .
2) Ne jamais accepter des negociations avec L’EM si l’objectif ne sont pas la mise en application des articles 7 et 8 et le
depart de 2 B.
3) Ne jamais accepter d’etre « accompagne » par l’armee , car on sais quelle sera la destination .
Nous resterons 5 dans la rue s’il le faut !
4) Quand les instruments du pouvoir seront dans les mains de personnes elues democratiquement ; croyez-moi cette
racaille de generaux vereux disparaitera d’elle meme . L’eradication de la police politique et la nomination d’un ministre
civile du MDN , nous mettera enfin dans le cours de l’histoire .

Quant a la repression aveugle ; c’est a cause de la panique a bord . Ils ne savent plus quoi faire . Ils reviennent a ce qui est inscris dans leur ADN ; la repression et TCHIKIR imbecile .
Nous ne sommes pas intimides et je propose que l’on aille par milliers devant les prisons avec des emblemes Amazigh et on exigera d’etres emprisonnes .Leur politique de repression fera pshit comme tout ce qu’ils ont fait depuis 1962 .

Cordialement a vous et aux lecteurs du QDA
Bachir Yagoubi

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lyes Laribi 3 juillet 2019 - 1h44

Honteux et scandaleux cette arrestation d’un des derniers vrais baroudeurs de la révolution. C’est quoi cette dérive ? On ne respecte plus l’âge ou même Allah ne tient plus compte de leurs erreurs et ni la symbolique de ce que monsieur représente. Je le dis ici et fort, il a droit de pisser sur tous les symboles d’état s’il veut le faire. Il ne peut pas être traité de cette façon comme un vulgaire voyou. La prison est faite pour les voyous et les ripoux de la république ainsi leurs progénitures aussi pourri qu’eux.
Ce geste est impardonnable et ce procureur qui a exécuté cet ordre doit être jugé pour atteinte à l’intégrité et l’honneur de Bouragaa et celui qui a donné l’ordre pour trahison du pacte (aahd) des Martyrs.
Pour rectifier le tir, c’est Gaid Salah en personne qui doit y aller à la prison d’El Harrach et de le sortir en lui présentant des excuses publiques devant la presse nationale et internationale et ceci au nom du peuple algérien.
Les Algériens doivent laver cet affront et de faire de Bouragaa la symbolique de la reconquête de l’indépendance. Le peuple n’a pas le droit de faire comme si rien n’était même si on n’est pas d’accord avec ses idées.
l’Algérie aux Algériens.

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Dria 3 juillet 2019 - 11h37

Algérien et Algérienne faisant de l’été de 2019 un été qui nous fera oublier la dérive de 1962.
C’est l’occasion de rectifier le tir et de redresser la barre. Nous sommes toutes et tous concerner. Pas besoin de spectateurs. Nous devons sortir en masse en ce 20 ème vendredi.
La raison est simple, elle se résume dans ce dicton du chanteur et compositeur BADJI Allah yerrahmou لوكان اي ولي الاستعمار نحكيلوا واس دار فينا الاستقلال en d’autres termes  » Si le colonisateur revenait je lui raconterais ce que nous a fait subir l’indépendance (squatter par le groupe d’Oudjda).

Les méfaits du pouvoir Militaire et de ses services secrets doit prendre fin, c’est le vœux de tous le peuple Algérien.

Les derniers vestiges de ce système sont le GANG de GAID qui résiste contre la volonté populaire, en usant des médias a sa solde et d’une armée de trolls avec l’appuie des monarchies du Golf et de Fafa et d’autres capitales occidentales qui tirent profit de ce système corrompus. Sans oublier les Algériens qui tirent profit , les locataires de club des pins et ceux du patronat. Ils feront tous pour ne pas perdre leur privilège, c’est un combat perdu. ON ARRÊTE PAS UN PEUPLE EN MARCHE.

Dites vous que nous sommes à la croisée des chemins, l’histoire est entrain de s’écrire comme ce fut le cas un 22 février, ce 05 juillet la mobilisation doit être exemplaire c’est LA RÉPONSE DU PEUPLE AUX GANG DES GÉNÉRAUX. DISONS NON À LA CONTINUITÉ DU POUVOIR MILITAIRE. OUI À UN ÉTAT CIVIL, OUI POUR UN ETAYT DE DROIT ET UNE JUSTICE INDÉPENDANTE OU TOUS LES CITOYENS SERONT ÉGAUX DEVANT LA LOI.

ILS DOIVENT PARTIR. ILS ONT UTILISER TOUTES LEURS CARTOUCHES. ILS ONT INTÉRÊT DE LE FAIRE ET ILS RENDRONT COMPTE TÔT OU TARD. PAS D’ARMISTICE NI D’AMNISTIE. LA SEULE IMMUNITÉ QUE LE PEUPLE TOLÉRERA ENVERS EUX C’EST DE FAIRE UN MEA-CULPA ET DE RENDRE LES FORTUNES ET ARGENTS MAL–ACQUIS.

PAS BESOIN DE MONTER AU MAQUIS ALGÉRIENNES ALGERIENS PACIFIQUEMENT ON VOUS INVITE A PRENDRE PART AU COMBAT EN MARCHANT. UNE MARCHE DE LA DIGNITÉ UNE MARCHE DE L’INDÉPENDANCE. UNE MARCHE POUR LE CHANGEMENT. UN CHANGEMENT INÉVITABLE.

EN CE VENDREDI 05 JE NE VEUX PAS ÊTRE A LA PLACE D’UN GAID D’UN CHOUCHENE, ANIS RAHMANI, NAÏMA SALHI, BÉDOUI, BENSALAH….JE VEUX JUSTE ÊTRE UN CITOYEN ALGÉRIEN LIBRE DE MARCHER POUR MON INDÉPENDANCE.

GLOIRE A NOS MARTYRS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI LONGUE VIES A NOS NOUVEAUX MOUDJAHIDS , HONTE AUX TRAÎTRES QUI TENTERONS DE GACHER LA FETE QU’ILS SOIT POLICIERS GENDARMES OU DES SERVICES SECRETS. L’ALGERIE SERA ET RESTERA DEBOUT MALGRÉ

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Saida L. 3 juillet 2019 - 14h04

Les jeunes,surtout ceux qui ne connaissent pas l’histoire maléfique de la junte au pouvoir(successif)depuis l’indépendance de l’Algérie.Ceux-là, sont facilement manipulables en leur jouant sur les cordes sensibles du nationalisme,el-ourouba oua el-islam d’un côté,et en leur disant(d’un autre côté)que tous ceux qui critiquent le pouvoir de fait et sa politique,pour,justement,instaurer un Etat civil de droit,sont un danger pour l’unité nationale et ne sont que des mains étrangères pour semer la zizanie au sein du Hirak et la société en générale.Tout en oubliant que c’est ce même pouvoir de fait qui essaye de manipuler les foules et faire du révisionnisme de l’histoire contemporaine de l’Algérie « son cheval de bataille » pour diviser les algériens.
C’est ce pouvoir qui est plus dangereux dans la situation actuelle-que vit le pays- que toutes les forces étrangères qui veulent du mal à notre nation!

**Au lieu d’unifier les rangs pour faire face à ces supposés étrangers,il les divise!
**Au lieu d’avoir un but d’émancipation de la société de tous ces archaïsmes,il exacerbe les haines!
C’est ce pouvoir,illégitime, sourd et aveugle qui a décidé d’être le seul sauveur non pas d’une nation mais d’un système.Mais jusqu’à quand?Peut-il se ressaisir un jour!?

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Mouloud F 5 juillet 2019 - 8h26

Merci Madame pur cet article qui rend a cet Homme le Grand Moudjahid Monsieur Bouregaa son honneur bafoué par des individus affidés à la gamelle, en Algérien on les nommes : Lahassine el broum.

Ils devraient rejoindre la fondation du tristement célèbre Bigeard et celle d’ Aussares qui se sont réjouies de l’arrestation du Commandant BOUREGAA. Ces pseudo algériens qui ont portés atteinte à cet Homme sont peut être des admirateur ou des… des Régiments de Parachutistes.

Cette dérive depuis le congrès de Tripoli (inachevé d’ailleurs) a conduit l’Algérie vers la dérive.Ce congrès a été la négation de l’esprit de la Révolution Algérienne, et il a permit à ceux qui n’ont jamais affrontés l’armée française de prendre le pouvoir en paradant avec des tenues et des chaussures neuves!!!!

Ce vénérable Grand Père a donné sa jeunesse pour ce pays, il a toujours dit la vérité mais ne dit-on pas chez nous : LI GOULE EL HAAK YARHAL MINE E DOUAR. La Vérité,l’Honnêteté en un mot la Dignité est combattue.

Le Peuple a subit une guerre terrible pour sa Dignité et voila que des algériens ou prétendus comme tel, les envoient en prison pour un pin’s, pour l’emblème Amazigh ou simplement pour un mot un regard !!

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