Ait Benali Boubekeur
Dans quelques jours, le hirak va boucler son sixième mois. Aucun pays où les citoyens sont respectés ne peut laisser perdurer ce genre de crise. Car, le contrat social détermine la place de chacun. Aux citoyens de définir le cap et aux fonctionnaires de réaliser loyalement ces orientations. En plus, à partir du moment où ils sont payés, ils n’ont aucun mérite.
En Algérie, le pouvoir, composé de fonctionnaires qui s’accrochent indûment à leurs intérêts, accuse le peuple d’avoir bloqué le processus politique. Au fond, de quel processus s’agit-il ? D’une simple élection présidentielle qui garantit la pérennité du régime. De son côté, le peuple, qui a souffert depuis l’indépendance de son exclusion, réclame la restitution pure et simple des rênes du pouvoir.
Toutefois, si cette description présente succinctement les forces qui se jaugent, dans la réalité, le conflit oppose une très ancienne génération –Gaid Salah a participé en 1962 à la prise du pouvoir par l’armée des frontières – à une jeunesse qui rêve de construire sa vie au pays. D’ailleurs, bien que le phénomène de harraga n’ait pas disparu, depuis le 22 février 2019, la jeunesse algérienne ne risque plus sa vie dans des pirogues de fortune.
Et c’est tant mieux. Hélas, dans cette crise générationnelle, les dirigeants, dont la plupart sont octogénaires, déploient toute leur malice pour perpétuer un système profondément injuste. Ainsi, pour sauver leurs intérêts propres, ils mettent en avant la défense de l’intérêt national. Or, si quelqu’un ne pouvait rien faire quand la conjoncture financière le permettait, comment pourrait-il aider le pays à sortir de la crise ? En plus, si par magie la situation économique change, comment pourront-ils régler la crise politique ? Car, dans leur esprit, l’organisation du pouvoir et des institutions relève de leurs propres prérogatives.
Pour eux, le peuple n’est autorisé à s’exprimer que pour plébisciter des choix décidés en haut lieu. Voilà à quoi se résume leur projet politique. Ainsi, au moment où le peuple algérien réclame le changement radical dans la façon de gouverner, le haut commandement militaire –puisque c’est l’autorité politique effective du pays – se dit prêt à accompagner le hirak à condition qu’il soit le seul à définir le calendrier politique de sortie de crise. Pour réaliser la feuille de route du haut commandement militaire, le régime engage donc un simulacre de dialogue.
Malheureusement pour le régime, depuis le 22 février 2019, le peuple algérien a cassé le carcan. Désormais, il ne répond plus aux injonctions. Les jeux étant faits, la majorité du peuple algérien n’accorde aucune importance aux fausses solutions. Et pour cause ! À l’examen de la composition du panel, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un dialogue entre les alliés. Par conséquent, pour le hirak, la question est tranchée : le régime tente de créer les conditions de sa survie. C’est la raison pour laquelle toutes les solutions proposées par le régime sont rejetées. Cela dit, il doit y avoir un moyen efficace de dépasser la crise.
À l’instar de la crise soudanaise, le pouvoir effectif doit s’engager à restituer le pouvoir au terme d’une période à définir entre le haut commandement militaire et le hirak populaire. Celle-ci devrait déboucher sur des élections libres –présidentielle ou constituante –où chaque institution aura un rôle bien défini. Mais, dans le cas où le pouvoir réel continue à faire la sourde oreille, la mobilisation pacifique et civilisée devra se poursuivre. Il va de l’intérêt suprême du pays.
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Rien n’est donné gracieusement mais doit être arraché à plus forte raison la restitution du pouvoir au peuple.