Home Culture 20 AVRIL 2020: Identité abusée. « Touche pas à mon Algérie »

20 AVRIL 2020: Identité abusée. « Touche pas à mon Algérie »

by Redaction LQA

Par Hanafi SI LARBI
20 avril 2020


En décembre 1948, le comité central élargi du PPA/MTLD se réunit à Zeddine (Aïn Defla). La direction du parti se recherche. La base est bouillonnante, lassée par l’immobilisme de ses chefs qui s’accommodent petit à petit à la « bureaucratisation ». C’est dans cet environnement qu’un jeune cadre du parti, Hocine Aït Ahmed, présente son rapport/projet (1) au comité central dans lequel il insiste sur “l’algérianité de la Révolution » sans aucune référence linguistique, en rappelant les idées d’indépendance, de révolution et de démocratie. Ce rapport préconisant la lutte armée, adopté à la majorité écrasante, suscite un espoir et donne un nouveau souffle aux jeunes militants avides d’action après les massacres de mai 1945. C’est dans cet esprit que la Fédération de France PPA/MTLD tente de clarifier la question nationale soutenant l’égalité des langues et cultures arabes et berbères. Mais la direction du parti réagit violemment et décide la dissolution pure et simple de la fédération. La lutte pour l’indépendance mit la revendication berbère en veilleuse au motif de la nécessité de l’union pour venir à bout du régime colonial.
La presse coloniale s’empare de cette crise et la dénomme « crise berbériste ». La méfiance à l’égard des intellectuels persistera au sein du FLN après 1954. Ainsi, la Fédération de France du PPA/MTLD perdra son autonomie. Ses cadres dirigeants sont désormais nommés et ne sont plus élus. Ils constituent une délégation qui relève de l’exécutif du parti à Alger ! La dynamique enclenchée par les espoirs soulevés par le rapport de Zeddine, notamment en ce qui concerne l’algérianité de l’Algérie, sera freinée. Aït Ahmed, son promoteur, lui-même est écarté de la tête de l’OS pour être remplacé par Ben Bella. « Solutionnée » avec violence et bureaucratie, cette crise étouffe la démocratisation du parti et la question berbère durant toute la lutte armée. La vague de suspicion, de séparatisme et de division n’était en réalité qu’une ruse de la direction. Car le même Aït-Ahmed sera pourtant le premier diplomate algérien à faire reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple algérien à Bandoeng (Indonésie), comme l’explique Ferhat Abbas : « L’impact international se produit pour la première fois à la conférence internationale de Bandoeng où nous avons vu Aït Ahmed faire preuve de ténacité et d’habilité. Durant des mois, il alla prêcher en Asie et il parvint à vaincre les hésitations du président Nehru, du Premier ministre Chou En-Lai et du président Nasser. Avec l’appui de ces trois hommes d’Etat, la partie était assurée d’être gagnée » (2). La même année, en 1955, il entreprit une autre démarche à l’ONU et réussit à convaincre la Xe session de l’Assemblée générale de l’ONU que l’Algérie n’était pas la France. Que la question algérienne n’était pas une question intérieure de la France. C’est la cause algérienne, celle d’un peuple opprimé qui est défendue par ce militant nationaliste accusé à tort, avec beaucoup de ses compagnons de lutte du lycée de Ben Aknoun, de séparatistes. Pour peu que ces jeunes militants d’alors produisent de l’effet afin de sortir de l’immobilisme des appareils, que les « chefs » sortent l’épouvantail du « complot colonialiste » ou de « berbéro-matérialistes issus de l’école française ».
A l’indépendance, le spectre du berbérisme lié au séparatisme est nourri par les « nouveaux » révolutionnaires. La dimension amazighe est mise sous le boisseau. Les manuels scolaires et bien sûr le discours officiel l’ignorent. Mouloud Mammeri, l’anthropologue et écrivain, tente de percer le silence, voire la rétention du pouvoir sur la question amazighe. Ainsi, en avril 1980, sur un acte d’autorité, une simple conférence qu’il devait animer à l’université de Tizi Ouzou est annulée. Un zèle de la « pensée unique » qui a poussé une jeunesse avide d’identité et de vérité à l’exacerbation. Les étudiants ne se laissent pas faire et protestent. La réplique du régime ne s’est pas fait attendre. Les outils de la répression étaient déjà prêts : avec une violence inouïe, la contestation pacifique est réprimée et les franchises universitaires sont violées par les services de police et l’armée. La rue gronde et Tizi Ouzou est isolée du reste du pays. C’était une sorte d’« opération Jumelle bis » que la population subissait. La presse étatique et l’Unique ne sont pas en reste. Elles se chargent de la propagande et de la diversion. Mais l’ampleur des affrontements a démontré que la question berbère n’était pas le fait d’« intellectuels isolés agissant pour le compte de l’étranger, mais de toute une population berbérophone algérienne. Cet événement constituera l’un des événements politiques majeurs de l’Algérie indépendante »(3). Les manifestants, pour la majorité, avaient moins de 25 ans d’âge. C’est une génération formée à l’école algérienne et qui n’a pas connu la France. Bien que pétrie dans le système éducatif d’un régime éloigné de la réalité socioculturelle de l’Algérie profonde, cette jeunesse avait pris les devants de l’histoire et a remis brutalement la question amazighe sur la scène de l’actualité à travers les événements du printemps 1980. L’invincibilité du régime est battue en brèche.
Quarante ans après, où en est on ?
Certes, sur le plan des tabous, cette question n’est plus ce qu’elle était. Elle a acquis le statut de langue nationale et officielle.Mais des événements importants méritent le détour.
Le Mouvement culturel berbère (MCB), né des douloureux évènements du printemps 1980, qui avait pris en charge cette revendication pacifique et démocratique, a éclaté d’une manière foudroyante. En 1989, un nouveau parti, « mortellement démocrate », commence la déstructuration du MCB pour bien édifier le nouveau parti né dans les coulisses de la Présidence bien avant la promulgation de la loi sur les partis politiques en 1989. Ses membres fondateurs, pour la majorité du moins, sont tous issus du MCB. La saignée commence et la revendication de tamazight devait être le cheval de bataille de ce nouveau parti. Malheureusement, des évènements surprenants nous enseigneront le contraire. En fin de compte, ce parti est créé pour d’autres objectifs et finit par prendre la forme d’« une secte » (4) à la solde du pouvoir. Pour preuve : la grève du cartable en 1995 est arrêtée brutalement au mois d’avril à quelques semaines de la fin de l’année scolaire. Les élèves de Kabylie et des autres régions qui avaient suivi ce mouvement le payeront en « année blanche ». Alors, on vendait en concomitance l’avenir d’une génération contre une place de lièvre à la course à la Présidence, en novembre de la même année.
La « grève du cartable » est un succès pour ce parti qui se prépare à rallier publiquement et officiellement le Pouvoir. Pour lui, le Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA) venait d’être décrété et c’est « une avancée historique ». Pour un membre fondateur du MCB, Djamel Zenati, fidèle et intraitable sur la question identitaire, « tamazight ne sort plus des commissariats comme l’étaient ses militants sincères ». Triste vérité !
Plus près encore, à l’occasion de l’assassinat du lycéen Massinissa Guermah dans les locaux de la brigade de gendarmerie d’Aït Douala, la révolte a éclaté un peu partout en Kabylie. La poitrine nue, les jeunes ont défié les gendarmes. Ces derniers ont tiré à balles réelles, faisant plus 126 morts et plus de 5000 blessés .Ce fut le printemps Noir d’avril 2001. Pour rajouter de l’huile sur le feu, lors d’un meeting à Constantine le 23 septembre 2005 à une question sur l’officialisation de tamazight, l’ex président Bouteflika répondra par le tristement célèbre « JAMAIS». Les algériens ont pris acte et lui ont répondu par le même mot « Jamais » on arrêtera la marche d’un peuple pour renouer avec son identité et retrouver enfin la paix et la sérénité dans une Algérie libre et plurielle.
Au fait, une langue officielle n’est-elle pas ce dialecte qui a une police et une armée pour la défendre ?

Notes/
(1) Voir le rapport intégral in « Les archives du FLN » de Mohamed Harbi
(2) « Autopsie d’une guerre » de Ferhat Abbas
(3) « Imazighen assa » de Salem Chaker
(4) Propos de Ferhat M’henni dans un quotidien national après son divorce avec ce parti

Hanafi SI LARBI

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1 comment

Betache Mohamed 22 avril 2020 - 17h00

Cet article de Hanafi SI LARBI m’incite à vous proposer ce que j’ai déjà posté aujourd’hui sur Internet à savoir une réflexion qui a trait à certaines questions importantes soulevées au hasard de cet article ! Pour ceux que çà intéressent, je la re-propose ici :

« Chers compatriotes patriotes algériens

Je sais que nous sommes tous préoccupés par le Covid-19 , ce qui est tout à fait légitime mais je crains et n’ose pas imaginer que le Hirak oublie le Covid-57 et le Covid-62.

Actuellement le pouvoir est en train de nous concocter des lois pour restreindre les libertés politiques , de pensée et d’opinion, des lois criminalisant soi-disant la propagation de fausses informations, les messages haineux et racistes sur les réseaux sociaux, pour nous faire croire qu’il est en train de construire un Etat de Droit, un Etat juste dans la cohésion sociale.

A mon avis, le Hirak ne doit pas se laisser berner et il faut qu’il imagine et définisse lui-même l’Algérie de demain et ne laisse pas le pouvoir décider à sa place. D’abord, nous les citoyens en génarl, nous devrions sortir urgemment de ces notions étroites, restrictives et exclusives que sont le panarabisme ou même le pan-amazighisme ou même le pan-islamisme ! Il nous faut bâtir pour demain (en principe c’est çà aussi l’un des objectifs important du Hirak) , la NATION ALGÉRIENNE qui n’existe pas encore. Elle doit être basée sur ce que j’appellerai l’algérianisme ou l’algérianité. Moi-même qui suis kabyle, j’adhère beaucoup à cette position éminemment politique. Les dimensions multi-culturelles et multi-linguistiques propres à l’Algérie (avec les différents parlés berbères, l’arabe littéraire, l’arabe parlé, ou même pourquoi pas le français qui est aussi une donnée historique qui est bien là) ainsi que le multi-cultualisme, bref toutes ses dimensions là doivent devenir une réalité, devenir une haute conscience politique chez les Hirakiens , au sein de notre société, dans notre Algérie de demain !

Aujourd’hui, en principe, l’un de nos objectifs politiques, en tant que patriote algérien, serait de faire prendre conscience à tous les citoyens algériens en général d’abord leur ALGERIANITE , avant tout autre chose ! En effet, je peux être algérien sans être nécessairement ou obligatoirement arabe, je peux être algérien sans être nécessairement ou obligatoirement berbère, je peux être algérien sans être nécessairement ou obligatoirement musulman et même je dirais je peux être algérien sans être nécessairement ou obligatoirement croyant , oui même les non-croyants sont aussi des algériens et font partie intégrante de notre pays. Mais ce pouvoir égoïste, autiste, égocentriste, égocentrique, autoritaire, arbitraire, attentatoire, du type Covid-57 ne pense, hélas, qu’à son compte bancaire, son ventre, son bas-ventre et ses fesses. Et je crains aussi que beaucoup de nos compatriotes citoyens, même certains d’entre eux parmi le hirak, n’admettront pas facilement cette Algérie de demain qu’on souhaite de tous nos vœux !

Sans véritable Etat de droit, sans démocratie véritable, sans Etat Civil et non militaire, sans Etat puissant mais non bâti sur la théocratie , sur la religion ou le régionalisme, sans libertés individuelles et collectives, sans justice indépendante, sans respect de tous les citoyens dans toutes leurs différences et leur diversité, eh bien ce noble projet est irréalisable et ne restera que chimère. Le hirak a le devoir patriotique et citoyen de penser à cela et d’en faire sa grande priorité avant tout ! Si le hirak n’intègre pas cette importante donne dans ces revendications et ses objectifs, je pense que l’Algérie Algérienne n’a pas besoin de ce hirak-ci car il ne lui est d’aucune utilité.

Bon à bientôt après le Covid-19. »

Fin de citation !

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