Ait Benali Boubekeur
S’il y a un seul enseignement à tirer des résultats des élections législatives du 12 juin 2021, c’est qu’il existe un seul hirak : celui qui veut la refondation de l’État sur de nouvelles bases. En effet, quand 80% de la population, en âge de voter, tourne le dos aux différents scrutins du régime, cela veut dire que le changement radical, souhaité depuis février 2019, est toujours d’actualité.
Et pourtant, à chaque rendez-vous électoral, le régime mobilise tous les moyens de l’État. Fait inédit lors de ces élections législatives : le régime a financé la campagne électorale de tous les candidats âgés de moins de 40 ans. Bien entendu, leur argument, qui consiste à éloigner l’argent sale de la politique, ne tient pas la route. Car, pour y parvenir, il faudrait plutôt réhabiliter le politique. Et cela passe immanquablement par l’instauration d’une réelle confiance entre le gouverné et le gouvernant.
Du coup, avant de commenter les chiffres, il faudrait rappeler un principe basique : la démocratie saine s’appuie sur la seule volonté populaire. Or, le jour même des élections, le chef de l’État a expliqué que « le taux de participation importe peu ». S’il s’était tenu à cette déclaration laconique, on pourrait mettre ça sur le compte de l’aveuglement du régime. Hélas, dans la même déclaration, il a précisé que la majorité devait gouverner et la minorité n’avait pas le droit d’imposer ses vues.
Est-ce qu’il tirera les enseignements de l’échec de ce scrutin ? Ce n’est pas sûr. Car, dans l’esprit de Tebboune, la majorité à laquelle il faisait allusion était la majorité des urnes. Bien que cette majorité puisse en effet permettre la formation d’un gouvernement, il n’en reste pas moins qu’il ne pourrait en aucun cas offrir la légitimité si le taux était dérisoire. Dans la réalité, pour gouverner, le régime ne compte que sur sa clientèle. Est-il besoin de beaucoup d’indice pour reconnaitre ces serviteurs ? Depuis l’ère du parti unique, le pouvoir occulte choisit, avec soin, sa façade civile. Même s’il y avait une relative ouverture à partir de 1989, le régime tenait toujours à avoir sa propre classe politique.
La particularité de cette clientèle peut se résumer en peu de mots : elle soutient avec la même force des thèses contradictoires pour peu qu’elle plaise à ses maitres. Ainsi, ils étaient tous pour le cinquième mandat, mais lorsque Gaid Salah a déposé Bouteflika, le 2 avril 2019, ils sont tous devenus les adversaires acharnés des issabates.
Depuis l’arrivée de Tebboune, cette clientèle, sans âme ni conscience, se range, sans se poser la moindre question, derrière le nouveau régime. Cela dit, même avec 80% de rejet des élections législatives, force est de reconnaître que la contestation populaire est loin de remporter la bataille politique. Doit-elle s’organiser pour y parvenir ? La mission n’est pas une sinécure, car le mouvement est traversé par plusieurs courants. Mais, pour gagner une bataille politique, il faudrait faire plus que des marches. Enfin, face à cette situation de blocage, il faudrait un effort collectif des citoyens de l’intérieur –la révolution du sourire ne peut être dirigée que de l’intérieur –pour proposer une alternative.
Et si le régime croit alors à l’esprit de la majorité universelle, il devra accéder à la demande de la grande majorité du peuple algérien. Et à partir de là, le taux de participation ne deviendra plus un vain mot.