D’un attroupement non armé à El Hallâj

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1682
Ghania Mouffok

Souvenez-vous, Mr Belhimer, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, qu’un jour vous avez, vous aussi, été un dissident, participant, animant un « attroupement non armé » que nous appelions le MJA, vous en avez témoigné pour laisser une trace, et vous écrivez : « La mise en œuvre des réformes, en vue de sortir du système de parti unique, avait accordé une place de choix à la corporation des journalistes du MJA, Mouvement des journalistes algériens, y compris en tolérant ce qui, au regard de la légalité du moment, était un dépassement manifeste : réunions publiques, marches et manifestations de rue sans autorisation préalable, interventions « dissidentes » sur les chaînes publiques de radio et de télévision, reprise de communiqués dans les colonnes des titres de l’Etat et du FLN. Le MJA avait agi en toute liberté d’avril 1988 – date de ses premières réunions, suscitées par des revendications salariales et animées par les élus des journalistes, aux commissions paritaires des entreprises de presse – jusqu’à sa tentative de légalisation par la tenue de la conférence nationale du Mouvement des journalistes algériens les 13 et 14 octobre, à la salle Atlas (Alger), avec quatre cent cinquante-trois participants ».(1)
Je me souviens de vous, vous étiez grand et mince, vos mains étaient longues, vous vous distinguiez des autres par la blancheur de votre teint et de vos chemises au milieu d’une faune d’habillés n’importe comment, et je me souviens aussi que vous tentiez, quand vous preniez la parole, d’être précis comme un militant, un journaliste, un universitaire, les autres aimaient à rappeler dans cette profession sans carte et sans diplôme, que vous prépariez un doctorat.
A l’époque, j’étais journaliste à Algérie-Actualité et Kheiredine Ameyar en était le directeur. Il deviendra mon ami aux cheveux blancs. La dernière fois que je l’ai vu, c’était à la Tribune, un journal qu’il avait essayé d’inventer sans aucune illusion, il était fatigué de cette comédie du pouvoir et de l’ambition et il m’avait entretenu longuement de la jungle. Oui, la jungle : le soir venu il regardait à la télévision des documentaires animaliers, fasciné par les moeurs des lions et des aigles, peut-être parce qu’il désespérait des hommes. Ivre jusqu’à la mort, un soir, plus triste que tous les autres, il s’est tiré une balle dans la tête. Nous l’avons enterré sans poser de question.

Il faudrait aussi évoquer la mémoire de Abdou B., et celle de ses yeux, il les avait de la couleur des montagnes des Aurès, tous les deux étaient inséparables, liés par des secrets, bien des complots, avec leurs cheveux usés, leurs clopes brûlées, tous les deux se moquaient d’eux- mêmes et surtout des autres, faussement et furieusement cyniques, ils s’accrochaient aux branches comme des noyés pour ne pas couler avec la jungle à laquelle ils rappelaient ses limites.
Journalistes et réformateurs, vous étiez, parfois, le troisième, à moins que ce ne soit le quatrième, comment oublier Bachir Rezzoug ? Le roi de la maquette, le splendide joueur avec ses mouchoirs en soie qui savait que les cartes étaient truquées.
Evoquer sa mémoire, c’est aussi rappeler que c’est lui qui a été le premier à inviter RSF, reporters sans frontières, à la table du complot, il n’en était pas « le correspondant », comme on dit aujourd’hui mais un acteur à part entière, tout était dans le « sans frontières », en dépit de la personnalité détestable de Robert Ménard, fondateur parmi d’autres de cette ONG, en effet française de droit, mais ouverte aux journalistes de pays dominés comme l’Algérie, qui débarquaient dans cette arène sur les décombres du mur de Berlin. Les cartes du monde se redistribuaient, et sur ses frontières nous le savions, nous assistions au triomphe du libéralisme, du néolibéralisme même, la fin de l’homme rouge.

C’est par lui donc, Bachir Rezzoug, que j’ai fait connaissance à mon tour avec RSF, nous étions partis ensemble à Barcelone, en Espagne, en terre étrangère, au début de la première guerre du Golfe, si mes souvenirs sont bons, c’était en 1991 et je crois que c’est en toute liberté que nous avions fait entendre nos deux voix de journalistes algériens sur l’art et la manière dont les puissants, d’Occident et d’Orient, manipulent les opinions pour écraser leurs peuples par la désinformation et la propagande, les mettent en guerre. De Saddam le tyrannique à Bush le voleur impérial de pays. Ce sont leurs ambitions sanglantes qui ont détruit l’Irak, alliées dans leur mépris, l’humiliation, la torture d’un peuple aussi brave qu’un autre et qui d’attroupement non armé en attroupement non armé avait tenté de sauver la patrie en danger, aujourd’hui empoussiérée.
Ce jour- là, immodestes, nous avons dit depuis l’Algérie, oui à la liberté, mais nous ne saurons l’insulter en feignant de croire qu’elle se transporte sous les bombes de l’OTAN.

Nous n’étions pas dupes, ni Bachir, ni moi, de la place qu’on nous assignait dans ce bal masqué. La place du témoin. Celui qui témoigne dans le procès du monde de son expérience de journaliste dans des systèmes autoritaires, de partis uniques en casquette en train de se casser la gueule lamentablement. Une illustration dans le récit néo-colonial, impérialiste. Mais le témoin peut changer de place, ne pas réciter le bréviaire offert avec le voyage, le gîte et le couvert, et écrire son propre récit, son d’où- je- parle et s’imposer acteur de sa propre histoire, contrairement à ce que s’imaginent les complotistes et leurs pendants que sont les marionnettistes des puissances dominantes qui invitent les indigènes dans l’arrière-cour de l’Occident. Quand un indigène débarque dans leur soft power, il ne laisse pas ses bagages à l’aéroport, sur ses épaules il porte déjà le lourd fardeau de ses loyautés…ou de ses trahisons.
Le soir, nous avions fui la table de nos confrères étrangers si prévisibles et avions préféré nous inviter à la table populaire des espagnols et, dans un immense restaurant, nous avons joué avec eux au Bingo, Bachir le joueur magnifique, le gentlemen cambrioleur, n’a pas gagné le gros lot, un énorme jambon ibérique, ce n’était pas pour nous, « en revanche », comme aimait à préciser K. Ameyar dans la détestation du « par contre », nous avons fait la belle expérience de nous frotter à l’Autre. Comment le regretter ?

Bachir est mort, lui aussi. Et le petit roquet à la voix de fausset de RSF s’est révélé en effet un petit con, un facho, fils de pied-noir d’extrême droite. Et alors ? Le temps passe et dévoile.
Aujourd’hui vous et moi, nous avons survécu et si au fond, nous ne nous sommes jamais vraiment parlé, nous nous sommes souvent croisés d’un attroupement non armé à un autre.
Etiez-vous le troisième ou le quatrième ?
Quelle importance ?
Le temps passe et ne se rattrape pas. Que de temps volé.

Que de temps perdu en mauvais procès, en fausses chicanes, à creuser jusqu’à l’épuisement la tombe de nos avenirs.
Aujourd’hui, pouvons- nous laisser voler le temps de ceux et celles qui arrivent à leur tour à cette tragique table de « La presse en quête de mythe » ? Si je n’étais une journaliste putative, si j’avais une carte de presse, c’est la seule question que je vous poserais.
Même si, je l’avoue, je ne résisterais pas à une deuxième question et j’ajouterais, dans le regret de vous faire perdre votre temps et le mien : monsieur le ministre et porte-parole du gouvernement, à qui pensiez-vous quand vous écriviez en 2001 : « Dans une telle situation, la presse, qui n’a pas tété au biberon du sang des bébés égorgés et des robinets de pétrole, n’a plus rien à perdre que ses chaînes. Si un courtisan se présente à elle, elle peut désormais, la conscience tranquille, lui opposer ces vers du célèbre poète arabe Hallâj :
Et comment craindre son abandon
Quand je ne connus pas ses faveurs. » (2)

1) et 2) : « La presse en quête de mythe », Ammar Belhimer, in La pensée de midi 2001/1, no 4, pages 111 à 123.

5 Commentaires

  1. Belhmar,indigne,vaniteux et menteur. Il exerce son prétendu droit de mentir justifié par les circonstances. L’œuvre d’un vieux arriviste assoiffé de pouvoir.

  2. ‘ en dépit de la personnalité détestable de Robert Ménard, fondateur parmi d’autres de cette ONG, en effet française de droit, mais ouverte aux journalistes de pays dominés comme l’Algérie, qui débarquaient dans cette arène sur les décombres du mur de Berlin.’

    Ménard témoigne…….le fondateur de SFR pour la liberté de l’expression, reporteur sans frontière, comme médecin sans frontière, comme droit ingérence pour des raisons humanitaires ou pour la destruction des états nation et pour le pillage des ressources.

    https://www.youtube.com/watch?v=g-1nanM7a2M

    https://www.youtube.com/watch?v=Tj-ovn-JNNs

    Kouchner
    https://www.youtube.com/watch?v=8u21tnne_Yo

    https://www.youtube.com/watch?v=NtHeWwSwBkI

    2
    La France fête le centenaire de la colonisation de l’Algérie, ou elle publie ces cahiers, son oeuvre.

    L’oeuvre de la France coloniale ( Crime et génocide )
    Je vous recommande de lire les 12 cahiers du centenaire de l’algérie et de visionner cette vidéo.

    3
    Passage extrait du cahier qui consigne et qui rapporte l’acte génocidaire de la colonisation.

    L’ÉVOLUTION DE L’ALGÉRIE de 1830 à 1930
    CHAPITRE III
    ÉVOLUTION DES INDIGÈNES
    Démographie

    Ce qui est passionnant, c’est l’allure de la courbe entre 1856 et 1872. En 1861 le recensement a donné 2.750.000. En 1866, 2.700.000 âmes.

    Immédiatement après se place une énorme oscillation négative. Le recensement de 1872 a donné un chiffre d’indigènes inférieur d’un demi-million à celui de 1861, soit 2.125.062. Ce fléchissement a causé à l’époque une grosse émotion et a entraîné des généralisations hâtives. Des gens sérieux se sont imaginé que cette dure population Maugrebine, au contact de notre civilisation, allait fondre progressivement, comme la population des îles Polynésiennes.

    NO COMMENT……………………………………

    Les pyromanes, les racistes, les xénophobes et les haineux.

    https://www.youtube.com/watch?v=kUo1b3veH9k

  3. 1
    Les 12 cahiers du Centenaire de l’Algérie
    édités par le COMITÉ NATIONAL MÉTROPOLITAIN DU CENTENAIRE DE L’ALGÉRIE en 1930 et 1932

    http://aj.garcia.free.fr/index1.htm

    2
    J’ai oublie le lien du passage qui rapporte le recensement de la population indigène de l’Algérie de 1830-1960

    http://aj.garcia.free.fr/Livret3/L3p26-27.htm

    La vidéo

    La Vérité sur l’invasion en Algérie de 1830

    https://www.youtube.com/watch?v=fCRjyosNhUk

    L’ANP de Bouteflika

    https://www.youtube.com/watch?v=_e9RLSaciL0

    Ce que devrait être l’armée Algérienne

    https://www.youtube.com/watch?v=vCt1l8pyBFM

  4. A vrai dire tous les journaux algériens des années 70 80 ont mentis au peuple! il s’agit des journaux tels que el Chaab, el Nassr el Moujahid, el jamhouria algérie actualité etc…furent des conservateurs et n’ont travailleur pour le bien du peuple, touijours les mêmes idées les mêmes limités du concept développement bof…wallah ma yahchmou certain continuer toujours encore aujourd’hui a nous raconter leurs sujets bidon inutile faible jouant souvent aux juges certains journaliste de nos jours savent même pas développer un sujet, exemple je lisait hier dans un journal : Un pyromane en Garde a Vue???!! le journaliste qui a écrit ca est ce que est un juge pour qualifier cette homme de pyromane, en où le sait pas « le pyromane est qualifier par de pyromane par un expert psychiatre sur ordre d’une expertise ordonné par un juge!!! des titre comme relève de l’éducation du journaliste, comme je le disait toujours on peut Cadre mais mal éduqué et oui…

  5. Bonsoir,
    Le sieur Belhimer est ce qu’on appelle vulgairement un « Khobziste » historique, en langage algérien.
    Il continue d’apprécier les costumes de qualité, les chemises d’un blanc immaculé. Ces considérations sont coûteuses et onéreuses. Et l’âme humaine est ce qu’elle est.
    Le statut de khobziste est assez partagé, mais le statut de faiseur de saloperies est réservé à certains comme ce sinistre personnage, qui sert la soupe à ce pouvoir criminel .
    La poubelle n’est pas encore emplie.

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