
Des manifestations ont encore eu lieu dans la soirée de samedi à Suez, en Egypte, contre le régime du “maréchal-président” Sissi. Les Egyptiens font preuve d’un courage exceptionnel face à un régime dictatorial particulièrement brutal.
- Hebba Selim
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Les agences de presse ne le disent pas assez, il faut un courage exceptionnel ou un désespoir absolu pour prendre le risque de manifester contre une dictature cruelle qui a entamé, le 14 août 2013, sa nouvelle “ère”, celle de Sissi, par le massacre de la place Rabia-El-Adaouïa (2600 morts selon des sources indépendantes, 595 selon le bilan officiel). Une contre-révolution d’une brutalité inouïe avec une justice qui n’hésite pas à prononcer des condamnations à mort par centaines et un système médiatique soumettant la société égyptienne à un matraquage abrutissant.
Si la brutalité du pouvoir a renforcé l’action des groupes armés extrémistes, elle a par contre donner l’impression, fausse à l’évidence, d’avoir définitivement soumis les Egyptiens et de les avoir fait renoncer aux aspirations à la citoyenneté dont la place Tahrir a été le grand écho à partir de 2011.
Même si les manifestants ne sont que des “centaines”, ainsi que se plaisent à insister les agences de presse étrangères – tandis que les médias de la propagande en Egypte font comme s’il ne s’est rien passé -, sortir dans la rue pour réclamer le départ de Sissi est un événement important. Il montre que les Egyptiens, tétanisés depuis le funeste été 2013, n’ont pas renoncé.
Des centaines d’arrestations
En dépit de nombreuses arrestations opérées dans la nuit du vendredi à samedi, de nouvelles manifestations ont eu lieu dans la soirée de samedi, à Suez, dans le nord-est du pays. Des manifestants sont en en effet sortis, bravant l’interdiction de manifester décrétée par les autorités, pour exiger le départ de Abdel Fattah al-Sissi, qui mènent une guerre sans merci contre toute l’opposition et non pas seulement les frères musulmans.
Ces manifestants ont été attaqués par la police anti-émeute déployée en force et appuyée par des blindés. Selon le site indépendant Mada Masr, qui cite des avocats et des défenseurs des droits de l’homme des centaines de manifestants ont été arrêtés vendredi dans plusieurs villes du pays.
Entre 200 et 300 personnes ont été arrêtés au Caire, plus de 100 à Suez et entre 50 et 100 à Alexandrie. Abdelfattah Sissi avait quitté le pays, avant le début des manifestations, pour participer à la 74e assemblée générale des nations-unies à New York.
Les manifestations ont été enclenchées vendredi à la suite d’un appel fortement relayé sur les réseaux sociaux de l’homme d’affaires en exil, Mohamed Ali, accusant Sissi et les militaires de corruption. Il avait appelé à manifester après le match au sommet entre Zamalek et Al-Ahly pour appeler à la chute de Sissi.
Un pouvoir pris de court
L’appel a eu un effet viral sur les réseaux sociaux où les dénonciations de la corruption de l’armée se sont multipliées ainsi que les appels à la démission du maréchal-président. Les manifestations ont pris de court les autorités.
La communication officielle, ainsi que le notait encore hier, Mada Masr, est absente, hormis un conseiller du président de la République pour les régions frontalières, le général Ahmad Gamal-Eddine qui a publié un communiqué dénonçant les “complots et les tentatives de porter atteinte au symbole de l’Etat et ses institutions nationales”. Des complots qui seraient le fait “de traîtres, de vendus et de fugitifs”.
Des dizaines de milliers de personnes ont été emprisonnées en Egypte depuis le coup d’Etat contre le feu le président élu, Mohamed Morsi, suite à des décisions de justice caricaturales qui ont touché aussi bien les Frères musulmans que les militants révolutionnaires ainsi que les opposants laïcs et de gauche.
Le régime égyptien, ébranlé par la révolution, a oeuvré à se régénérer autour d’un général Sissi autoritaire et paternaliste. La dernière manifestation enregistrées en Egypte remonte à avril 2016, elle a été le fait d’Egyptiens écoeurés et indignés par la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite.
C’est dire le courage qu’il a fallu à ces centaines d’Egyptiens pour défier un régime dont la brutalité est régulièrement dénoncée par les organisations des droits de l’homme.
- Hebba Selim